Chapitre 22 - Baiser ou se faire baiser, il faut choisir (partie 5)

— Ahmed, laisse-nous, dit elle en exhalant la fumée.

L'homme leva les yeux au ciel et murmura avec sarcasme :

— Bien, madame.

Il regarda Quentin.

— Je serai à l'hôtel avec Jonas, si tu me cherches.

Il quitta la terrasse, les laissant seuls. Capucine alla s'accouder à la rembarde.

— J'ai lancé de fausses infos, annonça-t-elle.

Quentin avait trouvé le comportement de Capucine avec Ahmed un peu cavalier, mais venant d'elle, ce n'était pas si étonnant.

— C'est bien vu, approuva-t-il une fois qu'elle lui ait dit lesquelles.

Il ne restait plus qu'à attendre de voir ce que cela allait donner.

— J'ai également créé des tensions dans les couples de Gauthier et Gwen et de Noé et Clémentine. Si tout le monde rentre à Paris, il y aura peut être un battement de quelques jours où tu ne les auras pas dans chez toi.

Elle tourna son visage vers le sien.

— Dimitri s'est endormi sur le canapé. Il n'y a que deux chambres. Je dormirai avec Bo. A moins que tu préfères que je dorme avec Noé ?

Elle savait qu'aucune des solutions ne serait satisfaisante pour lui. Mais elle était assez curieuse de son choix.

Il regarda vers l'intérieur. Il n'avait pas arrêté de jeter des coups d'oeil à Bo depuis qu'il était sorti sur ce balcon.

— Si je lui fais ça, Bo serait capable de dormir avec Noé et de nous laisser nous débrouiller, fit-il avec un léger sourire amusé. Mais honnêtement, je n'ai plus envie de dormir sans elle.

Même si Noé fantasmait sur les fesses de Capucine, il n'imaginait pas son frère tenter quoi que ce soit s'ils dormaient ensemble, et s'il se trompait, la jeune femme saurait le remettre à sa place.

— Dormir... Essaie un peu quand même. On ne sait pas de quoi sera fait demain.

Elle entra dans la pièce et regarda Noé.

— Quentin se garde la chambre principale avec Bo. Tu dors avec moi.

Elle n'en dit pas plus et se dirigea vers la chambre. Elle espérait que cela lui mettrait un bon coup de pression. Après son attitude dans la salle de bain, elle ne lui ferait aucun cadeau.
Bo couvrit son frère et éteignit l'halogène mais elle lui laissa la télévision en fond sonore. Elle savait qu'il aimait bien ça. Bien mieux que de l'entendre avec un mec.

Noé faillit en lâcher son portable. Il regarda son frère sans y croire, mais Quentin hocha la tête.

— Bonne nuit, Noé.

Il attrapa Bo par la main et l'entraina vers la chambre. Noé resta comme deux ronds de flan. Est-ce qu'ils se foutaient de lui ? ça n'avait pas l'air. S'il s'était s'agit d'Eric, il aurait pu penser que c'était un cadeau d'anniversaire, mais on parlait de Quentin et de Capucine. Ce n'était sûrement pas le genre de ce frère-là de le pousser à réaliser un fantasme.
Il regarda vers la chambre où Capucine avait disparu. C'était trop beau pour être vrai et en même temps... Sa belle assurance de tout à l'heure avait déjà fondu au soleil.
Il prit son courage à deux mains, se leva et rejoignit la chambre.

Capucine s'était assise sur le lit pour enlever ses chaussures puis ses bijoux qu'elle posa sur la table de chevet.

— Tu ne m'as pas pris de chemise de nuit et je ne dors pas avec mes vêtements, lui annonça-t-elle très sérieusement.

Il y avait des concessions qu'elle ne pouvait pas faire. Et surtout pas avec son chemisier préféré en flanelle. Il serait impossible à repasser ensuite.

Si elle dormait toute nue... Oh, putain.

— J'ai pas pensé qu'on dormirait là.

Cela ne lui était pas du tout venu à l'esprit à vrai dire.

— Je peux te passer mon tshirt si tu veux.

Mais il doutait qu'elle accepte. Il l'avait porté toute la journée et il n'était pas en coton bio. En plus, ce n'était pas sa couleur.

Elle lui répondit d'un regard de chatte outrée.

— Je me déshabillerais quand t'auras éteint la lumière. Je préfère qu'on ne ferme pas les volets, je préfère être réveillée par la lumière du jour, si ça ne te dérange pas.

Elle ôta sa pince et lui fit un signe du menton.

— Vas-y, deshabille-toi, dit elle sans le quitter des yeux.

Il allait voir s'il ne rougissait pas.

Noé préférait dormir avec les volets fermés. Il n'aimait pas ne pas être complètement dans le noir. Seulement, il savait bien que Capucine avait simplement été polie avec son "si ça ne te dérange pas".
A sa demande qui tenait d'ailleurs plus de l'ordre, il crut qu'il allait perdre la faculté de respirer. C'était à nouveau comme en Bretagne : elle lui faisait payer le fait d'avoir gagné un point, même s'il y avait été au bluff. Mais soit. Il n'allait pas se démonter.
Il ôta son tshirt et le lança sur la chaise. Il se baissa pour défaire les lacets de ses baskets, priant pour ne pas rougir vu qu'il sentait le regard de Capucine peser sur lui. Il se redressa, se débarrassa de ses chaussures et de ses chaussettes. Il se répétait que Capucine l'avait déjà vu en maillot de bain, donc que ce ne serait pas très différent. Sauf qu'ils allaient se mettre dans un lit. Un lit ! Avec Capucine à moitié nue ! Il se concentra sur son jean pour l'enlever et le balancer à son tour sur la chaise.
Il n'en menait pas vraiment large à vrai dire et pour donner le change, il se jeta sur le lit.

Elle maugréa quelque chose mais se contenta de se lever.

— Je dors à droite, le prévint elle.

Elle alla éteindre la lumière et commença à se déshabiller. Avec les réverbères de la ville, s'il ne voyait pas les détails, il distinguait sans mal chacun de ses gestes. Le chemisier qu'elle déboutonna et posa impeccablement sur le dos de la chaise. Le pantalon qu'elle fit glisser et qui rejoignit son haut. Puis le soutien-gorge qu'elle dégrafa. Il vit qu'elle avait gardé sa culotte mais pour l'avoir choisi un peu plus tôt dans le tiroir, il savait qu'elle n'avait guère plus de deux ou trois centimètres de tissu en tout et pour tout.

— J'espère qu'on ne va pas les entendre gémir toute la nuit, soupira-t-elle. Ce serait terriblement gênant. Surtout ton frère...

Il manquait tellement de retenue ces derniers temps que leur présence juste à côté ne les dérangerait probablement pas.

Noé avait suivi chaque geste de Capucine avec attention. Le fait de ne voir que sa silhouette était terriblement excitant, bien plus qu'il ne l'aurait imaginé. Il eut beaucoup plus chaud tout d'un coup, son coeur cognait dans sa poitrine et il avait du mal à avaler sa salive. Il n'osait plus faire un seul geste et il sentit que ses joues devenaient franchement rouges.
Quand elle ôta son soutien-gorge, il se força à regarder le plafond et à penser à autre chose, à n'importe quoi qui pourrait faire redescendre la pression. Il fit comme le matin : Alexis. Alexis. Alexis. Alexis. Il n'était même pas sûr que ça marche cette fois car il n'y avait pas un mur entre eux comme en Bretagne. Il n'y aurait que quelques centimètres et elle ne porterait que sa culotte. Oh, putain ! Il ne fallait pas qu'il pense à ça ! Il commençait à comprendre ce qu'elle voulait dire en parlant de contrôle.

— Ah. Ouais, répondit-il avec un gros temps de retard, son cerveau lui indiquant qu'elle avait dit quelque chose.

— Remarque toi tu t'en fiches... Tu pourras te moquer de lui pendant des siècles.

Elle s'installa dans le lit, tirant juste le drap sur elle. Il ne faisait pas froid encore.

— Mais franchement, je n'ai vraiment pas envie d'imaginer ça.

Elle tourna son visage vers le sien. Elle ne le voyait pas bien, lui sûrement un peu mieux dans cet angle.

— Tu devenais imaginer autre chose, dit elle.

Le regard de Noé était vissé à ce qu'il devinait du visage de Capucine dans la pénombre. Il était sûr qu'elle savait très bien qu'elle était en train de le rendre dingue et de lui foutre une pression énorme, au sens propre comme au figuré d'ailleurs.
Il devait se reprendre, ne pas bafouiller. Surtout ne pas bafouiller.

— Je veux rien imaginer avec lui.

Miracle, il avait réussi à sortir une phrase en entier !

Elle se mit à rire doucement.

— Je parlais de ta journée d'anniversaire...Parce que je ne sais vraiment pas ce qu'on va faire demain... Et t'arrêtes pas de louper tes cours... Je suis sûr que tu rêvais plutôt d'une fête phénoménale avec tes amis plutôt que de te retrouver dans un logement de fonction avec moi dans ton lit...

Elle sourit en regardant le plafond.

— Je pensais pas retomber dans une vie aussi chaotique.

— On avait prévu une fête ce week-end avec Chris et les autres. Je sais même pas si on la fera...

Il était toujours allongé sur le dos, la tête tournée vers elle. Il ne trouvait pas si mal que ça de passer les premières heures de sa majorité dans le même lit que Capucine, même si c'était une torture.

— ça te manquait ? Cette vie-là ?

Se concentrer sur ce sujet lui semblait plutôt pas mal pour arrêter de penser qu'elle était à portée de main, presque nue.

Elle s'installa sur le ventre, serrant l'oreiller contre elle, tournant son visage vers lui.

— Je ne pensais pas... Mais... Peut être que si. Quand je me retrouvais dans des situations pourries à rattraper les conneries d'Alexis ou essayer de sortir ton frère de griffes de sorciers ne parlant même pas notre langue... J'aspirais à rentrer à la maison, à porter à nouveau des tissus doux contre ma peau, à être en sécurité dans ma chambre avec quelqu'un pour faire mon lit...

Elle resta un instant silencieuse.

— Mais quand je me suis retrouvée face à Olivier dans cette ruelle. Quand je l'ai vu passer du mépris à la trouille parce qu'il ne pouvait rien contre moi et que je l'avais blessé avec une simple cigarette... Je me suis sentie forte et vivante. Je me suis dis "Tu vois Capucine, tu es toujours cette fille là... Tellement plus intelligente et pleine de ressources que ne l'imagine le reste du monde".

Et ça lui avait fait un tel bien. Quand lorsqu'elle sauvait Eric, le grand Eric et qu'ils rentraient en se disputant avant qu'il ne lui saute dessus avec tellement plus de fougue qu'il ne pouvait le faire à Paris quand elle se contentait de jouer les potiches aux soirées... Ce n'était peut être pas Eric qu'elle avait aimé à ce point mais la vie qu'il lui avait proposé. L'alternative improbable.

Il se tourna sur le côté, une main sous l'oreiller, l'autre posée juste entre eux, au dessus du drap.

— J'ai toujours pensé que tu étais cette fille-là, avoua-t-il. Bon, pas celle qui se jette face au danger, hein.

Il fronça les sourcils à cette idée. Si Olivier avait sorti un flingue, s'il lui avait balancé une bagnole à la tête, si... si...

— T'as vécu tellement de trucs dingues, soupira-t-il.

Ils avaient fait tellement de choses avec Eric, visité tellement d'endroits... et il sentait qu'il n'en imaginait pas le quart de la moitié.

Elle sourit et ferma les yeux.

— Elle a commencé quand j'avais ton âge... Mais un conseil... Termine tes études, sans quoi tu seras coincé à la fac jusqu'à tes vingt huit ans et tout le monde te regardera comme une demeurée qui ne fait rien de sa vie, murmura-t-elle.

— Il va falloir rentabiliser les vacances, alors...

Il avait toujours envie de l'embrasser et dès que ses yeux s'aventuraient ailleurs que sur son visage, sous ses formes sous le drap et qu'il repensait qu'elle ne portait que quelques centimètres de tissu presque transparent, il sentait à nouveau tout son corps réagir, sa gorge redevenir sèche et sa température grimper. Jamais aucune fille ne lui avait fait cet effet-là et cela lui donnait l'impression d'être aussi impressionné que lorsqu'il avait perdu sa virginité, deux ans plus tôt.

— C'est une idée... Je ne serai à toi que pour les vacances et je t'emmenerai à l'autre bout du monde.

Il y avait tellement d'endroit où elle retournerait volontiers mais seule... elle n'en avait finalement pas trouvé l'intêret. Ensuite, elle s'était concentrée sur sa vie à Paris avant de se lancer depuis un an dans ce vaste projet : trouvons une situation, marions nous et faisons un môme ensuite.

— Toi et moi à l'autre bout du monde. Ouais, ça me plaît.

Il avait un sourire dans la voix et des promesses plein la tête. L'école prépa l'attendait, une grande école aussi ensuite, peut-être une année ou deux à l'étranger... Des vacances avec Capucine à fureter dans le monde de la magie ou à simplement faire un peu de tourisme lui semblait un bon moyen de le motiver. Surtout s'il avait le droit de l'embrasser, de la toucher... Il fallait qu'il arrête d'y penser, mais c'était compliqué alors qu'elle était juste là et qu'il lui suffisait de tendre la main.

— On fera ça alors. Bonne nuit, Noé, murmura-t-elle.

Elle sourit en se demandant qui s'endormirait le premier. Elle se sentait bien ainsi. Elle aurait même pu parler toute la nuit avec lui de cette manière. Mais elle se souvenait comment il l'avait embrassé dans la salle de bain. S'il recommençait maintenant elle avait peur de se laisser un peu emporter comme dans le lac. Et le petit déjeuner avec Quentin et toute sa clique serait terriblement gênant.
Mieux valait le laisser s'endormir.

— Bonne nuit, Capucine. Dors bien.

Noé n'avait vraiment pas sommeil. Il était bien trop nerveux pour réussir à dormir. Il aurait voulu retrouver son assurance coutumière, se rapprocher et l'embrasser encore. Juste pour lui souhaiter bonne nuit. Il avait pourtant fantasmé sur ce genre de situation plus d'une fois ces deux dernières années, mais entre le rêver et le vivre... Et puis, d'ordinaire, il n'était pas du genre timide ou timoré. Il suivait son instinct, ses envies sans se poser de questions.
Avec Capucine, il ne savait pas où il allait. Tout ce qui se passait dépassait ce qu'il avait imaginé. S'il l'avait embrassée dans l'atelier des potions, c'était parce qu'il l'avait sentie blessée, fragile. Il s'était senti pousser des ailes à avoir pris sa défense face à Quentin et il n'avait pas vraiment réfléchi. La suite n'était pas prévue, il était entré dans son jeu par fierté, par goût de l'interdit aussi avant de comprendre qu'elle lui donnait une leçon. Il s'était montré plus sûr de lui sous le ponton par réaction à cela justement. Peut-être simplement parce que son égo s'était retrouvé égratigné, qu'il avait voulu lui montrer qu'il était un homme, qu'elle oublie l'image du petit frère qu'il avait toujours eu pour elle. Ce soir, il avait eu la trouille de sa vie en l'imaginant face à Olivier, il avait été en colère... et maintenant, elle le rendait dingue à se glisser sous le drap sans ses vêtements. Le testait-elle encore ? Sûrement. Avait-elle envie de plus ? Il n'en savait fichtrement rien.
Au delà de tout ça, il était avec Clémentine et il n'avait jamais couru deux lièvres à la fois. Il ne se voyait pas le faire. De ce côté là, sa mère et Capucine avaient réussi à lui inculquer des principes qu'Eric n'avait jamais eus. Est-ce qu'entre Clém et lui les choses avaient-elles vraiment changé ou est-ce que c'était cette histoire avec Capucine, son idéal féminin, qui le lui faisait croire ? D'un autre côté, ils s'étaient bien engueulés avec Clém cet aprem et il n'avait pas pensé une seule fois à elle depuis des heures...
Oh putain ! Il sentait qu'il allait se prendre la tête toute la nuit !

Bo était entrée la première dans la chambre. Elle fit le tour des lieux. C'était grand pour un truc fonctionnel. Avec une vue sur Paris assez vertigineuse surtout avec la baie vitrée qui prenait tout un mur.
De l'autre côté, elle entendait Capucine et Noé parler même si elle distinguait pas ce qu'ils pouvaient se dire. Mais ça la renseignait sur l'épaisseur des murs. Elle sourit en se disant que ça lui donnait très envie de les foutre mal à l'aise en gémissant des "Oh Quentin la langue ici ouiiii".
Elle se mit à rire toute seule en imaginant autant la tête des deux autres que celle de Quentin si elle jouait à ça.