Chapitre 22 - Baiser ou se faire baiser, il faut choisir (partie 1)

Mercredi 22 mai

Quand Bo se réveilla, elle était tout contre Olivier qui avait passé son bras autour de ses épaules. Il en avait profité pour grappiller un peu de ses émotions alors qu'elle devait rêver de quelque chose d'agréable vu son sourire.
Steven était en train de se garer dans le parking souterrain de son immeuble. Puisqu'ils jouaient à cache-cache avec Quentin, Olivier n'allait pas les emmener à son propre appartement.

— Steven ira vous acheter quelques vêtements, était-il en train de dire à Dimitri.

— Et puis faudra aussi lui jeter un peu la balle pour lui dégourdir les pattes, dit Bo en se redressant. Je me charge de la gamelle et Dimitri des gratouillis.

Pourquoi les de Lyonesse parlaient ils toujours de leurs employés comme de leurs chiens.
Steven coupa le moteur avec un léger sourire.

— Je vous préviens, c'est pas grand. Une chambre, un salon...

— Un appartement de taille normale ? Vraiment ? fit Dimitri presque avec excitation en s'accrochant à son bras d'un air faussement suppliant. Dis moi "oui", s'il te plait. Dis moi "oui".

Steven se dégagea avec un éclat de rire.

— Ouais... Exactement. Mais dans un super quartier pour sortir le soir. Enfin à mon niveau.

Le quartier latin était propice aux rencontres. Mais il sentait qu'Olivier allait les emmener ailleurs. Dans un endroit... moins simple.
Bo se regarda dans le miroir du hall d'entrée.

— J'aime beaucoup mon look : pantalon de jogging, haut de maillot de bain noir aussi et cheveux dans le vent. Je ne veux pas me changer.

Elle était sûr qu'elle pouvait donner chaud à Quentin s'il la voyait comme ça dans Paris.

Olivier se positionna derrière elle, posant ses mains sur ses épaules.

— C'est pas mal, c'est vrai, mais tu serais sûrement encore mieux en petite robe noire.

Dimi jeta un drôle de regard à Olivier. Il le trouvait un peu trop tactile pour être honnête.

— Au fait, c'est vrai que tu voles les orgasmes ? demanda-t-il de but en blanc.

Olivier eut un léger rire.

— ça et d'autres choses, oui.

— Les petites culottes ? Non je suis bien comme ça. Ça me plait. Y a un truc très underground urbain sous-marin. Je pense pouvoir lancer une mode.

Steven désigna les étages.

— On rentrera pas tous dans l'ascenseur. C'est au quatrième.
— On vous le laisse les mauviettes, dit Bo en attrapant Olivier par la main pour monter les escaliers.

L'idée que Dimitri se retrouve coincé dans cette petite cabine avec son ex était bien mieux.

Au sourire de son frère, il pensait bien la même chose. Il se planta devant Steven une fois dans l'ascenseur. Qu'il soit plus grand que lui ne l'avait jamais intimidé.

— T'as vachement plus de classe maintenant, fit-il en souriant, son regard croisant le sien.

Son allure, sa coupe de cheveux, ses fringues... tout était différent. Pourtant, c'était toujours Steven, son beau sourire, son regard...

Steven le poussa contre le miroir et l'embrassa avec cette fougue et ce côté un peu sauvage qu'ils avaient souvent eu ensemble. Ses doigts glissèrent dans ses cheveux. Il le relâcha et s'écarta pile quand les portes s'ouvraient. Il lui fit un sourire et lui lança :

— Tiens-toi bien devant mon chef. J'ai aucune envie qu'il se mette à fantasmer sur moi.

Il sortit sur le pallier alors que la voix de Bo leur parvenait à l'étage du bas.

— Allez Oli, c'est mou tout ça... A moins que... Non tu traines pas pour mater mes fesses quand même ?

Il en fallait beaucoup pour surprendre Dimitri, surtout dans ce registre-là, mais Steven avait réussi haut la main. Si Bo le lui avait demandé, il n'aurait pas nié avoir eu envie de ce baiser dès qu'il avait revu son ex, juste pour comparer et voir s'il s'était amélioré bien sûr.

— Mais je me tiens toujours bien.

Il se sentit sourire de plaisir en sortant sur le palier et il profita que les deux autres ne soient pas encore en vue pour glisser sa main lentement sur les fesses de Steven. Histoire de tâter la marchandise en passant, car il ne s'y attarda pas, passant devant lui pour se pencher dans l'escalier.

— Comme si ça te gênait qu'il mate ! Je parie que tu traînes exprès en plus, fit-il à sa soeur alors qu'Olivier reconnaissait que le spectacle valait le coup d'oeil et qu'il n'allait pas s'en priver.

— Oh comme tu y vas, Bouclette. Je te rappelle que c'est toi qui est hyper fier de ton cul. Oh si j'allais me changer dans les vestiaires avec les marins de papa... Oh zut, j'ai fais tomber ma serviette, je vais me baisser lentement...

Steven alla déverrouiller sa porte.

— Rentrez tous chez moi avant que la vieille Avenein, ne défaille en vous entendant.

L'appartement devait faire soixante mètre carré, il était assez bien agencé et chaleureux. Avec des plantes vertes, des cadres photos sur les murs. De lieux plus que de personnes. Bo attrapa son frère et lui en montra une. Elle avait été prise au pub de Oncle. On les voyait tous les trois avec les jumeaux en arrière plan.

Dimitri avait regardé l'appartement avec intérêt, signalant tout de même que c'était bien plus grand que ce qu'il appelait un "appartement de taille normale".
La photo le ramena des années en arrière. C'était troublant malgré tout de s'apercevoir que Steven avait gardé une photo de ce temps-là. Les siennes étaient dans un carton au grenier chez Gills. Celles avec Chad les avaient rejointes peu après leur départ pour Londres.

— Le pub n'a pas changé. Nous par contre... On est bien plus beaux, sauf Callum. Il était déjà vilain à cette époque là et ça s'est pas amélioré.

Mais Bo ne devait pas être dupe de son ton léger.

Bo se laissa tomber dans le canapé. Il était très large et douillet.

— C'est un vrai petit nid d'amour, dit elle en souriant.

Elle avait vu d'autres photos où Steven posait avec un mec. Ils semblaient amoureux mais il avait moins de charme et de personnalité que son frère.
Steven alla chercher des bières et en donnant une à chacun.

— Si vous voulez vous doucher au lieu de foutre du sable partout, vous pouvez, dit il.

Il désigna une pièce au bout du couloir.

Dimi se fit violence pour ne pas lui proposer de venir la prendre avec lui. Il n'était pas sur que ça passe alors qu'Olivier était là.

— ça te rappellerait Port Hallen pourtant, fit-il plutôt en buvant une gorgée.

Olivier s'était installé à côté de Bo. Il n'avait pas espéré que les choses tournent aussi vite aussi bien entre Steven et Dimitri. C'était même intéressant à observer, mais surtout ce serait parfait pour ce soir.
Il regarda son portable. Quentin n'avait pas essayé de le joindre pour lui dire de ne pas mettre ses sales pattes sur Bo. Gauthier ne l'avait pas appelé non plus et cela, c'était plutôt une bonne nouvelle. Il ne devait pas être au courant de ce qui s'était passé à Carnac. Olivier ne se faisait pas d'illusion : si Gauthier venait à apprendre qu'il lui avait caché la vérité sur Bo et que Lexie était sa complice, il ne le prendrait pas bien du tout et pourrait annuler son sortilège. Qu'il soit son créateur était une véritable épée de Damoclès sur sa tête et Olivier détestait cela.

Bo se leva et s'étira.

— Okay, je vais me doucher mais je me rhabille comme je suis, les prévint elle.

Elle abandonna les trois garçons alors que Steven s'installait dans un fauteuil. Ses yeux glissèrent un moment jusqu'à Dimitri. Il se demanda si son chef l'avait mis sur ce déplacement parce qu'il savait ou si c'était vraiment un hasard. Il ne voyait pas un de Lyonesse agir avec le "hasard" en instrument.
Olivier eut un appel d'Ahmed.

Olivier se leva en décrochant, se dirigeant vers la cuisine.

— Je me disais bien que j'aurai de tes nouvelles.

— Forcément. Tu transportes un chargement très précieux pour la direction.

La voix d'Ahmed avait toujours ce mélange de sérieux et d'amusement. Même quand il était soupçonneux, il ne le montrait jamais, prenant tout avec une légèreté qui n'était qu'illusion.

— Je suppose que tu ne me diras pas où vous êtes afin de préserver leur sécurité et que Bo se chargera de le faire auprès de Quentin. Cependant, j'apprécierai juste que tu me racontes en quelques mots ce qui a pu se passer exactement avec Voegel.

Olivier avait souri à la mention du "chargement précieux pour la direction". Ahmed avait toujours eu le sens de la formule.

— Quand je suis arrivé sur place, elle avait immobilisé Bo avec un sort puissant. Un que je n'avais jamais vu. Elle l'a tailladée sur la poitrine. Je l'ai soignée évidemment depuis.

Il se gratta à l'endroit où la blessure de Bo s'était transférée sur son corps en disant cela.

— C'était bien parti pour qu'elle la vide de sa magie. ça ressemble vachement au mode opératoire des meurtres de ces dernières semaines, il va peut-être falloir vérifier son alibi pour ça si tu veux mon avis. Pour l'arrêter, j'ai du lui tirer dessus. Je l'ai eue à l'épaule.

— Ce n'est pas elle. J'ai déjà vérifié, tu penses bien.

Il marqua un silence.

— Sois prudent, Olivier.

Il y avait un double sens évident dans cette phrase.

— Je le suis toujours, Ahmed.

Il avait bien noté l'avertissement et il ne doutait pas qu'Ahmed noterait le sien.

— Dimitri m'a dit qu'il avait vu que c'était bien Joanna. Quentin lui a refilé un miroir pour vérifier ça. Mais j'imagine qu'il t'en a parlé.

Olivier connaissait bien Ahmed. Enfin, l'ancien Olivier le connaissait bien et lui avait ses souvenirs. Ce type était un obsédé du renseignement. Il devait donc tout savoir des Sheridan et peut-être même savait-il depuis le début que Jonas avait pris l'apparence de sa jumelle depuis des années. Olivier n'était cependant pas sûr que Quentin le sache et ça, c'était curieux pour un obsédé du contrôle.

— Ce serait mieux que vous ne sortiez pas. Quentin arrive, dit seulement Ahmed.

Il raccrocha et lorsqu'Olivier revint dans le salon, Steven se leva du canapé pour un prétexte qu'il ne saisit pas. Bo arriva dans le même temps et jeta un oeil suspicieux à la manière dont Dimitri jouait avec un coussin sur ses cuisses.

— On sort quand ? Demanda-t-elle à Olivier en diversion.

— Dès que ton frère aura pris sa douche.
— Hum... D'ailleurs, si t'as des vêtements à me prêter, je suis pas contre, fit l'intéressé à Steven. Au moins un tshirt ou un truc comme ça.

Dimitri évita le regard de Bo, continuant à jouer avec son coussin pour faire redescendre la pression. Les baisers de Steven lui faisaient de l'effet et il se sentait sur un petit nuage.

— Je devrais pouvoir te trouver ça... Bon tu flotteras un peu dedans vu ma carrure, dit il amusé.

Mais Steven n'avait jamais été très large d'épaules. Il se rendit dans sa chambre.

— Viens me dire ce que tu préfères, je m'en voudrais de te coller un tee shirt Eurodisney...

Bo leva les yeux au ciel devant cette invitation absolument pas déguisée. Mais comme elle était une bonne soeur et que son frère avait manqué de se faire tuer, elle se leva pour allumer la télé et mettre les infos.

— Ah... On parle de moi, dit elle en montrant le reportage sur le tsunami et la grande marée en Bretagne.

Olivier s'était rassis dans le canapé.

— Alors comme ça, tu es une sorcière finalement, fit-il avec un léger sourire. Et une très puissante.

Il désigna les images à la télé.

— Rappelle moi de ne jamais te fâcher à proximité d'un cours d'eau.

Son pouvoir était impressionnant, les images à la télé ne rendaient pas vraiment justice au phénomène qu'il avait vu de ses propres yeux. Ce n'était pas étonnant que Lexie se soit montrée aussi puissante.

Bo allait répondre quand elle entendit un boum contre la paroi du mur. Elle soupira et leva les yeux au plafond.Elle espérait qu'ils allaient au moins attendre avant de baisser leur pantalon. Mais Dimitri n'avait jamais brillé pour sa patience sur ce point.

— C'est vrai que t'étais pas au courant de ça... Mais moi non plus si ça peut te rassurer. J'ai travaillé que cette semaine...

Elle montra sa bière. Elle fit remonter lentement le liquide du goulot pour former une sphère où les bulles semblait s'agiter sans que la mousse ne puisse s'en échapper.

— Seulement cette semaine ?

Olivier ne savait pas grand-chose sur les changelins. Gauthier gardait ses informations bien précieusement. Il n'était pas sûr d'en être vraiment un. Lexie ne lui avait jamais dit d'ailleurs s'il brillait autant que Bo ou Quentin et il n'avait pas pensé à demander. Maintenant, c'était un peu mort pour lui poser la question. Elle faisait chier aussi, à prendre des initiatives !
Olivier explorait donc encore ses pouvoirs. Il avait ses ombres, comme Bo, mais il avait aussi la magie des de Lyonesse, comme Quentin. Il avait le savoir que l'ancien Olivier avait acquis, la maîtrise innée d'un bon panel de sortilèges, mais il n'avait jamais senti la puissance que Bo avait pu manifester ce matin sur cette plage.

— C'est de la magie élémentaire de l'eau ?