Chapitre 22 - Baiser ou se faire baiser, il faut choisir (partie 4)

Jonas avait roulé à toute allure sur l'autoroute, se fichant bien des radars. Il avait du en déclencher au moins cinq sur le trajet, mais il n'était plus à ça près.
Il finit par arriver chez Ahmed quatre heures après son dernier message. Il avait faim, soif et il était épuisé. La magie de Quentin avait presque disparu de son organisme et il avait paumé son objet de pouvoir pour se recharger.
C'était vraiment grave la merde. Il allait avoir l'air d'un junkie en manque d'ici peu et il détestait ça.
Il rassembla le peu de courage qui lui restait et envoya un sms à Ahmed pour s'assurer qu'il pouvait entrer sans croiser Quentin.

"Je suis devant chez toi".

J'arrive.

Ahmed le rejoignit quelques minutes plus tard. Il avait pris sa veste et l'invita à le suivre d'un geste de la main. Sa femme et sa fille dormait, il n'avait pas envie de les réveiller ou les mettre en danger.

— Tu es encore plus vilain que sur la photo, dit il avec cet air grave et cette lueur maligne au fond des yeux.

Jo avait gardé ses mains dans les poches du jean emprunté à Dimitri. Heureusement qu'ils avaient à peu près la même stature. Il lui avait également emprunté un tshirt et sa chemise épaisse à carreaux rouges, celle dont il s'était moquée en disant à Dimi qu'il n'avait pas la carrure d'un bucheron canadien.

— Tu dis ça parce que tu préférais quand j'étais une grande brune calliente, fit-il en se rappelant leur première rencontre. Kelya va bien ?

— Elle dort dans une chambre d'hôtel avec Eleanore. Il y a quatre autres sorciers tout autour.

Il ne l'avait pas ramené chez lui, ne souhaitant pas attirer Lexie au sein de sa famille.

— Un café nous fera du bien.

Jo poussa un long soupir de soulagement. Sa petite soeur était en sécurité. Elle allait bien.

— Si t'as un truc à bouffer, je veux bien.

Il sortit son paquet de clopes de la poche poitrine de la chemise. Il les avait récupérées à la maison, mais il avait presque terminé le paquet en route.
Il regarda Ahmed. Il se comportait normalement avec lui. D'un autre côté, Jo s'était toujours douté que contrairement à Quentin, il savait qui il était. Si ce n'était pas le cas au début, Ahmed avait du le découvrir après l'incendie de la maison de ses parents.

Il l'entraina jusqu'à un restaurant Kebab. Il commanda la même chose que lui et ils s'installèrent à une table à l'écart. Le lieux ne payait pas de mines, ils y seraient tranquilles.

— Je t'écoute, dit Ahmed en prenant une frite.

Jo ne savait pas par quoi commencer. Il avait caché tellement de trucs à tellement de gens. Cela faisait tant d'années qu'il s'était construit une vie sur des mensonges.
Il mordit dans son kebab, son estomac ravi d'avoir enfin quelque chose pour le remplir. Jo n'allait pas faire l'affront à Ahmed de lui parler des Sheridan. C'était quelque chose qu'il savait forcément. D'où il venait par contre...

— Mon père biologique était un sorcier. Sa famille... ce sont des psychopathes cinglés. Ils se nourrissent de la magie des autres et ils n'hésitent pas à tuer pour ça. Les meurtres des sorciers, ça ne peut être qu'eux. Ces dernières semaines, je les ai cherchés, mais ils se planquent bien.

— Les Velikans c'est ça ? Demanda Ahmed.

C'était le nom que lui avait envoyé Capucine, en ajoutant que son contact ne savait rien sur eux si ce n'était que c'était des renégats en marge de la société sorcière aux états-unis.

Jo eut un sourire en coin qu'Ahmed connaissait bien, même s'il avait l'habitude de le voir sur des lèvres féminines.

— Ouais. T'as de bons renseignements. Comme d'hab.

Il reposa son sandwich pour tremper une frite dans son ketchup.

— Lexie et moi, on savait rien d'eux. Mon paternel avait pris de la distance quand il est mort. Enfin, ça, j'imagine que tu sais comment on est arrivé chez les Sheridan. Bref, on a découvert ça y a 10 ans à peu près.

— Pourquoi ils sont sur Paris ? Pourquoi ils tuent sans se cacher... et combien ils sont ? Accessoirement, qui a tué Aurélien de Lyonesse ? demanda Ahmed.

Il attrapa son sandwich pour mordre dedans en attendant les réponse de Jo.

— Tout mène eux pour Aurélien, mais j'en sais pas plus pour l'instant. Je sais pas non plus pour qui ils bossent, ni combien ils sont à Paris. Mais je te donnerai les noms de ceux que je connaissais aux Etats-Unis et le lieu où les trouver, s'ils sont toujours là-bas. Je les ai pas revus depuis que je me suis barré.

Il trempa une autre frite dans le ketchup, lui faisant faire des ronds dans la sauce d'un air absent.

— Y a un truc avec la magie des Vélikan. On est incapable de la garder. C'est comme ces gens qu'ont des enzymes qu'ils synthétisent pas. Me demande pas pourquoi, j'en sais rien. Il faut qu'on en emmagasine régulièrement sinon ça nous rend malade. Le manque de magie finit par agir comme... un manque de drogue, on s'affaiblit et on crève. C'est pour ça qu'ils tuent. Ils vident les autres sorciers pour se shooter avec leur magie.

Il avait dit ça avec un dégout palpable.

— Lex... elle a suivi cette voie. Moi pas. J'ai tout plaqué quand j'ai su ce qu'ils faisaient.

— Je me doutais qu'il y avait un truc comme ça.

Ahmed sortit de sa poche une sphère et la fit rouler sur la table jusqu'à Jo. Il y discerna une magie puissante visant à créer un cercle de protection. Vu sa capacité au moins sur deux ou trois kilomètres.

— Ça peut marcher ? Parce que t'as vraiment une sale gueule et que je préférerai que tu siphonnes personnes dans l'immédiat.

Jo soupira en sentant la sphère sous ses doigts qui tremblaient. Il sentait tout son corps réclamer la magie qu'elle contenait.

— Je siphonne personne, moi, se défendit-il aussitôt en regardant Ahmed dans les yeux.

Il ne prenait jamais que de faibles quantités chez les sorciers, si faibles qu'ils ne s'en apercevaient pas. C'était pour cela qu'il se rendait parfois au Boudoir de Circée ou dans d'autres lieux fréquentés par les sorciers. ça et leur piquer quelques objets de pouvoir au passage. C'était toujours utile d'avoir un peu de réserve.

— Et j'ai jamais touché à Quentin ou à n'importe qui de sa famille ni à DLS. Compris ?

— Même pas quand toi et Quentin...

Il ne poursuivit pas, sachant très bien qu'il verrait où il voulait en venir.

Jo lui adressa un regard noir.

— Non. J'ai rien fait.

Et c'était la stricte vérité. Il n'avait absolument pas voulu goûter à la magie de Quentin à ce moment-là. Il était bien trop occupé à prendre son pied pour penser à l'entailler et lui voler une dose comme il le faisait parfois avec ses coups d'un soir. Cependant, il s'était quand même retrouvé à genoux ensuite parce qu'il avait absorbé sa magie de luciole. Après la jouissance du sexe, il avait pris de plein fouet celle d'une dose massive de magie pure. Rien que d'y penser, il resserra ses doigts sur la sphère. Il n'avait toujours pas touché à la magie qu'elle contenait malgré l'envie qui le tenaillait.

— Tu devrais arrêter de me fusiller du regard. Je te ferai remarquer que je suis celui qui te casse le moins les couilles. Je te paie un kebab, de la magie, je surveille ta frangine... Pfff t'as toujours été une sale petite ingrate, soupira-t-il.

Il reposa son sandwich pour essuyer son menton. Ses yeux souriaient toujours avec cette bonté qu'Ahmed montrait à son entourage.

— Et ça changera pas, ça, mon vieux. Mec ou nana, je suis pareil à l'intérieur : une graine d'emmerdeuse... enfin d'emmerdeur.

Il allait se perdre dans les accords maintenant. Il avait tellement fait attention à cela au début qu'il parlait naturellement de lui au féminin.
Il sourit légèrement à Ahmed. Il ne pouvait nier que cela faisait du bien qu'il se comporte normalement, qu'il ne l'engueule pas ou qu'il lui fasse comprendre qu'il n'avait plus rien à foutre là.

— Tu vas me dire s'ils vont bien maintenant ?

— Non, dit Ahmed avec un sourire vicieux. C'est ta punition.

Mais s'il le prenait ainsi, c'était bien qu'ils devaient être en vie. Quelque part.

— J'ai toujours su que t'étais un sadique.

Mais Jo ne semblait pas le prendre mal pour autant.
Il fit tourner la sphère sur la table. Il crevait d'envie de la vider, mais ne voulait pas faire ça devant Ahmed.

— Lexie va revenir et elle s'en prendra encore à Bo, fit-il en retournant à ses frites. Elle va aussi s'en prendre à Quentin. On peut voir la magie des autres et tous les deux... c'est vachement puissant. J'ai jamais vu ça. A part Thana, mais lui, c'est un démon, c'est encore autre chose. Avec la magie qu'elle a volé à Bo, elle avait des pouvoirs de dingue. Olivier lui a tiré dessus, mais ça va pas l'empêcher de réapparaitre.

— J'espère bien. Tu ne peux pas savoir avec quel plaisir j'arrêterais une garce qui a ta gueule...

Ahmed lui sourit à ses mots et regarda son téléphone portable.

— Faut que j'y aille. Tu rejoins ta frangine à cette adresse, dit il en glissant une carte sur la table. Tu laisses l'équipe te fouiller, scanner et j'en passe... Et tu gardes ton cul là bas jusqu'à demain matin.

Il regarda Jo dans les yeux.

— Quentin passera te voir dès que possible. En attendant c'est moi ton contact.

Il posa une puce GPS sur la table.

— Et tu seras mignon de te coller ça dans le cul pour me faciliter le boulot.

Jo lui sourit avec malice.

— Je m'en suis collé des trucs dans le cul mais la puce GPS, ça sera une première.

Il empocha la puce et la sphère.

— Merci, Ahmed.

— Me remercie pas trop vite. Tu sais bien que je suis un gros enfoiré qui fait ses coups en douce.

Il se leva pour payer et quitta le restaurant en rappelant Capucine.

— Tu te décides enfin à m'appeler en plein milieu de la nuit... Tu sais que je suis marié maintenant, ma belle...

Il s'interrompit et fronça les sourcils.

— Ne bouge pas. J'arrive tout de suite.

Il raccrocha et espéra que ce n'était pas aussi grave qu'elle le disait. Capucine pouvait pleurer parce qu'elle s'était cassée un ongle. Elle pouvait aussi jouer les brave quand elle se fracturait un poignet en plein défilé de mode.

***

Avant de se résoudre à appeler la cavalarie, Capucine avait pris sa nouvelle mission très au sérieux. Elle se voyait un peu comme ces héroine bombasse dans des feuilletons type Largo Winch. Sauf qu'on enjambait rarement des gens en plein acte sexuel sur tous les plans. Cela devenait même un peu redondant et lassant.
Elle poussa malgré tout un petit cri de surprise en repérant une vieille femme se faire cajoler l'entrecuisses par un garçon vraiment très jeune.

— Non. Ça n'a rien avoir, se marmonna-t-elle pour elle.

Elle n'était pas si vieille. Pas à ce point. Et puis elle ne lui demanderait pas ça. Elle soupira en essayant de chasser cette image de sa tête. Au moins jusqu'à demain. Bon sang c'était déjà demain son anniversaire. Ou maintenant s'il était plus de minuit...
Olivier. Elle devait se concentrer sur Olivier. Elle eut un peu de peine en songeant qu'il était mort... Ce n'était plus l'arrogant mais amusant séducteur qu'elle avait laissé attaché à son lit pour avoir été raconter à trop de monde combien sa réputation était surfaite. Capucine n'avait jamais aimé qu'on bavasse. Surtout des choses fausses. Elle était un bon coup. Même plus que ça. Mais elle ne faisait pas des efforts avec tout le monde. Ça aurait été gâché énergie et talent pour des causes perdues.

— Où tu es, petit fils de pute ? Demanda-t-elle en se dirigeant vers les vestiaires.

Elle savait qu'il y avait une sortie discrète menant au métro par là.

Olivier était sorti du club. Il n'était pas allé très loin. Adossé à un mur, il se sentait mal, affaibli. Il n'arrivait pas non plus à se débarrasser de cette sensation gluante de peur qui l'avait saisi quand cette lumière avait anéanti ses ombres. Il avait cru que c'en était fini de lui. Que ce serpent de lumière allait le dévorer, le rendant au néant.
Olivier ne voulait pas mourir. Il voulait vivre, découvrir, profiter, encore et encore. Cela faisait si peu de temps qu'il était venu au monde, tout ne pouvait pas s'arrêter comme ça.
La colère prit le pas sur la peur, un peu comme Lexie avait fait l'autre jour face à lui. Olivier ne voulait pas se laisser dominer par la peur. C'était une émotion qu'il étudiait chez les autres, mais il n'en voulait pas pour lui-même. Se focaliser sur son ressentiment pour Bo l'aidait à passer au-dessus. Que lui avait-elle fait ? D'où cette pétasse tenait-elle ce pouvoir ? La lumière était l'exact opposé de ce qui les composait tous : elle, Quentin, lui, Eric... Elle ne devrait pas être capable de manipuler ça sans mourir. Est-ce que c'était ce pouvoir qui avait tué l'ombre contenu dans Eric ? Gauthier ne s'était pas expliqué la disparition de l'Oaf, comme il les appelait. C'était un nom merdique et à sa manière de le prononcer, il était clair que leur créateur ne les voyait pas mieux que des meubles, des outils...
Il soupira et s'écarta du mur. Il devait se mettre à l'abri, appeler Gauthier pour qu'il le soigne. Il ne voulait vraiment pas crever comme ça.

— Ah ben oui... C'est logique. Avec les détritus dans l'arrière cour, dit Capucine.

Elle s'arrêta devant lui et s'alluma une cigarette.

— Tu as perdu de ta splendeur. Il parait qu'elle a fait ça aussi à Eric, dit elle en le regardant.

C'était vrai qu'Olivier était pâle, le teint un peu cireux.

— Qu'est-ce que tu fous là ?

Il regarda aux alentours, mais Quentin n'était pas avec elle.