Chapitre 22 - Baiser ou se faire baiser, il faut choisir (partie 5)

Au moment où le groupe apparut sur le trottoir devant le Boudoir de Circée, Quentin reçut un sms d’Ahmed.

« Mets les Hendricks à l'abri. Envoie-moi le lieu. Je vous y rejoins avec Capucine. Elle a trouvé Olivier. »

— Ma voiture est là bas, dit Steven.

Noé se matérialisa aussitôt à côté d'eux.

— Tu croyais vraiment que j'allais rester derrière ? lança-t-il à son frère.
— Noé !

Quentin leva les yeux au ciel. Comment Noé allait-il rentrer en Bretagne maintenant ? Comment expliquer ça à leur mère sans qu'elle panique et que tout ce bordel alerte Gauthier ?

— Trop tard. Elle est où ?

Dimitri le rattrapa par le col de son tshirt alors qu'il se dirigeait vers la boite.

— Même pas tu t'avises de mettre un pied là-bas.
— Je fais ce que je veux.

Il montra l'heure sur son portable. 00h09.

— Joyeux anniversaire, Noé, se souhaita-t-il à lui-même.
— Joue pas à ça avec moi, répliqua Dimitri, pas impressionné du tout. 18 ans ou pas, je peux toujours te foutre un coup de pied au cul.
— Capucine est avec Ahmed. Ils nous rejoignent. En voiture, ordonna Quentin qui commençait à se dire qu'ils avaient une chance folle de ne pas s'être fait repérer avec le vacarme qu'ils faisaient et leurs allers-retours.

Ils embarquèrent tous dans la voiture de Steven et le raccompagnèrent d'abord chez lui. Au moment de se séparer, Quentin posa sur lui un traceur magique si discret qu'il ne devrait pas s'en apercevoir, et lui indiqua de rester chez lui jusqu'à ce qu'Ahmed l'appelle.
Dimitri exprima son regret de se séparer de Steven d'un simple regard et d'une tape sur le cul quand il était sorti de la voiture. Il lui devait de l'avoir sorti de cet enchantement et n'aimait pas le laisser seul, à la merci des représailles d'Olivier. Il lui promit qu'ils n'en avaient pas terminé tous les deux et qu'il l'appellerait dès qu'il aurait un nouveau portable.
Quentin emmena ensuite les Hendricks et Noé dans l'un des appartements de fonction vides du côté de Montparnasse. Il avait envoyé l'adresse à Ahmed avant d'y être.

Bo soupira en se laissant tomber sur le canapé.

— Personne ne remarque mon look selki Underground. Ni là bas, ni ici. Je crois que la mode ça reste le rayon de Capucine... Y a de la bière dans cet appartement ?

Elle était épuisée. Elle voyait que Dimitri aussi mais il s'inquiétait pour Steven. Et Noé tournait en rond. L'ambiance était top... Personne n'irait dormir avant qu'elle soit là.

Noé était nerveux et agacé. Quentin le traitait encore comme un gamin et, surtout, il envoyait Capucine droit vers le danger. C'était insupportable. S'il arrivait quelque chose à la jeune femme, il ne lui pardonnerait jamais.

— Je vais voir, fit Dimitri en se dirigeant vers la grande cuisine ouverte.

Il fallait qu'il s'occupe. Il s'inquiétait pour Steven, mais il n'y avait pas que cela qui le préoccupait. Son expérience avec l'enchantement du Boudoir de Circée ne cessait de lui revenir à l'esprit. Se retrouver dans cet état, sans avoir conscience un seul instant d'être sous influence... Est-ce que c'était pire lorsque quelqu'un vous possédait ? Est-ce que c'était la même sensation ?
Pour sa part, Quentin s'était assis à côté de Bo.

— La prochaine fois, choisis un endroit où les gens gardent leurs vêtements si tu veux lancer une mode, lui fit-il en l'attirant contre lui.

Elle lui offrit un grand sourire.

— Mais ça... C'est l'histoire de ma vie.

Elle posa sa main sur sa joue et tourna son visage vers le sien.

— Merci de m'avoir trouvée, Monsieur de Lyonesse, murmura-t-elle.

Elle pouvait enfin le regarder. Plonger ses yeux dans les siens. Sentir son corps près du sien.

— Merci d'avoir laissé des petits cailloux, Mademoiselle Hendricks, répondit-il sur le même ton.

Ses yeux ne pouvaient quitter les siens, à nouveau comme aimantés. Tout son corps restait à l'écoute de la présence de Bo. Il l'attira plus vers lui jusqu'à la faire glisser sur ses genoux. C'était bien mieux ainsi.

— Putain, mais trouvez-vous une chambre ! gueula Noé. Qu'est-ce qu'il fout, Ahmed ?

Si Olivier avait fait le moindre mal à Capucine, le jeune homme allait le massacrer.

— C'est bien mon intention, murmura Bo en souriant à Quentin.

Elle approcha ses lèvres pour l'embrasser très lentement. Elle avait le droit. Elle pouvait enfin le faire.

Quentin répondit à son baiser sans une hésitation, sa main profitant bien volontiers de sa peau nue.
Dimitri revint de la cuisine et soupira en les voyant se rouler des pelles sur le canapé. Il avait trouvé de la bière dans le grand frigo, à son grand soulagement. Il en tendit une à Noé.

— Rappelle toi que je t'ai dit de profiter qu'ils étaient séparés. Maintenant, c'est foutu, soupira-t-il en tendant une bouteille à Noé. Joyeux anniversaire mon gars.

Noé fit tinter sa bouteille contre la sienne. Il avait attendu ses 18 ans avec une telle impatience et finalement, cela lui semblait vraiment secondaire. Il était toujours le même et, de toutes façons, tout le monde s'en foutait pour l'instant, lui le premier.

Bo sourit en entendant les commentaires des frères délaissés. C'était rassurant après les moments de peur qu'elle avait éprouvé depuis ce matin. Elle se laissa glisser sur le canapé et attira Quentin entre ses jambes pour qu'il continue de l'embrasser.
Au second commentaire de Dimitri, elle écarta ses lèvres pour leur lancer :

— On a tenté de me tuer deux fois aujourd'hui, j'ai le droit à un câlin de réconfort !

Dimitri leva les yeux au plafond. Il esquissa un sourire.

— Je croyais que t'avais déjà eu ton réconfort dans la voiture quand tu t'es endormie dans les bras d'Olivier...

Cela dit même s'il plaisantait sur le sujet, l'idée que ce connard ai tenté de la vider de ses ombres comme faisait Eric le rendait fou. Il manquait plus qu'il tombe sur un vampire et tout le monde trouverait un truc à siffler chez sa soeur. Il regarda Noé.

— Je suis sûr que Capucine va bien. Elle est pas du genre à jouer les héroïne. Elle a dû le suivre de loin et appeler Ahmed.

— J'espère...

Noé but une longue rasade de sa bière et regarda la marque d'un air critique. Ce n'était pas la meilleure. Qui avait acheté ça ? Il soupira et regarda par la baie vitrée menant au balcon.
Quentin quitta les lèvres de Bo pour tourner la tête vers son frère.

— Ils ne vont pas tarder. Dimitri a raison : elle ne va pas foncer droit vers le danger.

Il fronça les sourcils et prit le menton de Bo entre ses doigts pour la regarder dans les yeux.

— Tu t'es endormie dans ses bras en plus ?

— La route est super longue... J'ai dépensé beaucoup de magie... D'ailleurs t'as vu mon Tsunami, dit elle avec excitation.

Ses yeux pétillèrent de malice.

— Je suis devenue une vraie super sorcière de la mer ! Je peux créer un château d'eau, des tunnels, retirer la mer... Je suis une vraie bête ! se vanta-t-elle avec excitation.

Puis se rappelant qu'elle devait pas faire trop de magie à cause de ses ombres faiblardes, elle tempéra :

— Enfin... Je me suis pas entrainée tout le temps non plus...

Dimitri poussa un petit rire soupir.

— Tous les matins pendant deux ou trois heures... Pour passer tes aprem à ronfler après parce que t'étais crevée... Bouffer comme quatre et ressortir pendant la nuit quand t'étais pas au téléphone avec Quentin...

— Mais quelle balance celui-là ! pesta Bo.

— Et après, c'est moi qui dois pas sortir en douce de la baraque, fit Noé en regardant Bo avec une fausse désapprobation. Jolie vague, au fait. On a tous été impressionnés. Maintenant, les tantes veulent te rencontrer deux fois plus.
— Développer sa magie, c'est comme s'entrainer pour un sportif : ça fatigue, ça dépense de l'énergie et on a besoin de plus de sommeil et de nourriture, expliqua Quentin.

Ce n'était pas cela qui l'inquiétait à ce moment précis.

— Cette fille, elle t'a pris beaucoup de magie ? Et Olivier, il a pu te prendre des ombres ?

Cette fille. Il refusait de croire que c'était Joanna. Mais elle ne se sentit pas d'insister à cet instant.
Elle le fit basculer à sa place et s'installa sur lui à califourchon. Elle se pencha pour lui murmurer :

— J'ai caché mes ombres... Et quand il s'est approché...

Elle fit un geste de la main pour montrer qu'elle l'avait saisie. Elle lui sourit.

— Et je l'ai mangée... T'aurais vu sa tête...

Les mains de Quentin avaient retrouvé leur place sur la taille de Bo, sur sa peau nue. Cette position risquait de devenir embarrassante sous peu.

— Tu l'as mangée ? fit Noé, surpris. Comme Dark Eric a fait avec toi ?
— Ah. T'es au courant maintenant ?

Noé hocha la tête. Il se rappela qu'il devait faire gaffe : Quentin lui avait fait promettre de ne rien dire de ce qu'il lui avait révélé. Il voulait parler de cette histoire de changelins à Bo et Dimi en personne.

— Et ça t'a rendue plus fort ? demanda Quentin à Bo avec intérêt.

Il n'avait pas oublié ce qu'avait dit Nhill à ce sujet.

Elle se pencha et embrassa doucement ses lèvres avec une lueur amusée.

— Tu veux que je vienne chercher celles que tu caches au fond de...

Elle s'interrompit en réfléchissant.

— C'est quand même bizarre qu'on ait la même magie et qu'il y ait des gens qu'on tue et anime avec des ombres comme celles qu'on a en nous...

Il y avait quelque chose qui lui échappait. Dark Eric c'était une chose. Mais un autre Dark...

— Tu crois que si j'envoyais une de mes ombres dans quelqu'un... Il deviendrait un Dark ?

Noé préféra détourner les yeux et en profita pour assortir ça d'un "yeurk" dégoûté. S'il rêvait de coller Capucine sur un canapé de cette façon, voir son frère et Bo agir comme ça devant eux lui donnait presque la nausée.

— Nhill m'a dit que ça ne marchait pas comme ça, murmura Quentin.

Cela dit, il n'était plus si sûr d'avoir posé cette question.

— J'ai beaucoup à t'expliquer.

Il lui avait promis qu'il lui parlerait de tout, du contenu du journal d'Eric, de ce que Nhill lui avait révélé en Norvège. Il n'en pouvait plus de ne rien lui dire, de raconter tout aux autres et pas à elle.

Elle plissa les yeux et demanda :

— Je vais être fâchée ?

Quentin reçut un sms.

Il préféra ne pas répondre. Il n'avait aucune idée de comment elle allait prendre la nouvelle, mais si elle était fâchée comme elle l'était maintenant, il n'allait pas dire non.
Il attrapa son téléphone sur la table basse pour regarder le message.

Je ramène Capucine. Olivier a réussi à se tirer. Elle est très contrariée. Ne dites rien sur son apparence et trouvez lui des fringues de rechange. On sera là dans 10 minutes.

— T'as pas répondu... J'aime pas quand tu réponds pas, dit Bo méfiante.

Il soupira en reposant sa tête sur le coussin du canapé.

— Capucine va bien, mais il faut lui trouver des vêtements de rechange.

Noé sembla comprendre l'importance de la chose.

— Elle va pas bien alors si ses fringues sont ruinées...
— Ils seront là dans 10 minutes et il vaut mieux ne faire aucune réflexion sur son allure.

Il regarda les Hendricks tour à tour en disant cela. Il n'avait aucune envie de gérer une nouvelle apocalypse.

— Hmmm okay... Mais demain ? Ou après-demain on pourra y faire une référence ? demanda Bo.

Elle se releva et alla chercher une bière à son tour. Elle regarda l'appartement.

— Y a des fringues de gonzesse ici ?

Elle en doutait sérieusement. Sûrement une série de costumes-cravates façon DLS sécurité...

— Oh non. Il ne faut pas n'importe quoi, intervint Noé en posant sa bouteille sur la table basse. Si elle doit porter du coton pas bio ou, pire, un jean, elle sera d'une humeur de chien. Je vais aller chercher ce qu'il faut.
— Tu vas sortir ta carte bleue et faire ouvrir un magasin rien que pour toi ? demanda Dimitri, persuadé qu'ils en étaient tout à fait capables.
— Non, je vais aller à la source : dans son armoire.

Noé avait eu un peu de temps pour étudier le livre sur le sortilège des portes que Capucine lui avait offert. Il pensait avoir bien compris le truc et il se contenterait d'aller à St Germain. C'était le moins risqué et cela ne consommerait presque pas de magie. Si ça marchait.
Il trouva un marqueur dans un tiroir et commença à dessiner des runes sur la porte menant à l'une des chambres. Il espérait ne pas se tromper.

— Noé ! La porte... soupira Quentin.
— Tu choisis : mon art graphique ou une crise de Capucine.

Bo s'approcha pour regarder avec curiosité.

— C'est comme la porte que t'as voulu faire quand t'as essayé de faire le mur ? Demanda-t-elle avec curiosité.

Elle regarda Quentin.

— Pourquoi tu te déplaces pas en dessinant sur le murs toi aussi ?

— Parce que je préfère prendre l'avion, répondit-il avec un sourire amusé.
— C'est juste parce qu'il ne sait pas faire.

Les runes de Noé suivaient maintenant le contour de la porte.

— C'est encore différent de ce que j'ai fait l'autre soir, répondit-il à Bo. D'habitude, j'ouvre un passage dans un mur existant. Là, je relie deux endroits par cette porte qui existe déjà. Vous avez vu Monstres & Compagnie ? C'est pareil. Si ça marche, je devrais pouvoir me retrouver dans la chambre de Capucine à la maison.

Bon sa référence était un peu cheap, mais c'était l'idée.

Bo s'éloigna pour être sûr de pas interférer. Elle regarda avec curiosité la suite.