Chapitre 17 - Destination Carnac

— Okay, dit elle en grattant une tâche de son gilet.

Elle allait peut être devoir songer à le laver.

— Tu nous rejoins là bas ? Demanda-t-elle en levant les yeux vers lui.

Au moins acceptait-elle de lui parler et de le regarder.

— Normalement, oui, mais je ne peux pas te dire quand. Très vite, j'espère.

— J'espère que tu fais le bon choix, dit elle avec plus de lassitude que sa colère du petit déjeuner.

Elle se leva et descendit pour rester sur la dernière marche la plus proche de lui.

Il n'aimait vraiment pas la sentir comme ça. Il sortit le galet de porcelaine noire de sa poche et joua avec entre ses doigts.

— J'ai fait le seul que j'avais.

Il lui montra le galet.

— Je garde un peu de toi avec moi.

— Je sais pas si c'était le seul. C'est juste qu'en général quand y en a plusieurs, tu fais toujours le mauvais et tu t'en veux après.

Elle tendit la main et caressa sa nuque.

— Fais attention à toi.

Il sentit un délicieux frisson à ce frôlement, ce qui lui fit perdre ce qu'il comptait répondre sur ces choix.

— Toi aussi. Profites de la mer pour emmagasiner des forces. On en aura besoin quand je reviendrais.

Il lui sourit avec chaleur. S'il avait pu la serrer dans ses bras, il se serait senti prêt à affronter le monde entier.

— Je t'aime, Bo. Je t'appelle ce soir.

Elle hocha la tête. Elle l'embrassa sur la joue du bout des lèvres et le lâcha. Elle attrapa son sac et le laissa pour rejoindre l'Audi. Dimitri et Joanna étaient entrain de discuter de la bagnole.

Joanna regarda Bo les rejoindre. Derrière elle, Quentin la suivait des yeux. Elle était sûre qu'intérieurement, il ne valait pas mieux qu'un bébé chien abandonné. Elle préféra ne pas s'attarder sur cette idée.

— En route. On en a pour 5h, annonça-t-elle en montant en voiture. On pourra s'arrêter sur l'autoroute si vous avez faim.

Plus vite ils seraient arrivés à Carnac, mieux ce serait.
Elle régla le GPS et brancha son téléphone pour mettre de la musique.

Bo monta à l'arrière et mit ses écouteurs pour écouter sa propre musique. Elle se cala avec un oreiller contre la portière. Dimitri s'installa devant. Il sentait qu'elle s'était mise en position, moins le monde extérieur entre en contact avec moi et moins je risque d'exploser le monde extérieur.

— T'es déjà allée là bas ? Demanda Dimitri en bouclant sa ceinture.

Jo était assez surprise que Dimitri semble bien disposé envers elle, mais elle n'allait pas cracher dessus.
Elle jeta un coup d'oeil dans le rétro arrière pour voir Bo, puis démarra.

— Non, c'est la maison de vacances familiale. Enfin, une de leurs baraques. Je passe pas les miennes avec eux.

Elle n'était même pas sûre que Gwen et Noé y soient retournés ces dernières années. Quentin, en tous cas, n'y avait jamais mis les pieds depuis qu'ils se connaissaient. Il n'avait jamais pris de vacances non plus.

— Pourtant tu sembles faire parti de la famille quand on te voit là bas au p'tit déj. Pas autant que Capucine mais quand même, dit il en regardant son téléphone portable.

Joanna prit la direction du centre-ville pour récupérer l'autoroute.

— Gwen est quelqu'un de très polie. Elle va pas me laisser me taper les bouchons tous les matins pour venir chercher Quentin sans m'offrir un café.

Elle n'avait pas aucun doute jusqu'ici de faire partie de ce que Quentin appelait sa famille, comme Ahmed, sa femme et sa fille. Aujourd'hui, elle n'était pas sûre que les cartes ne viennent pas d'être redistribuées.

— Pourquoi faire toute cette route pour venir le chercher d'ailleurs ? Demanda Dimitri avec intêret.

C'était une excellente question. Joanna vivait dans Paris, St Germain était loin de sa route pour aller jusqu'aux locaux de DLS.

— C'est devenu une habitude après nos premiers boulots ensemble. ça me permettait de débriefer avant qu'il ne se retrouve plongé dans le monde merveilleux des réunions barbantes et des doléances des clients un peu pénibles.

Elle lui jeta un oeil en coin. Est-ce que Dimitri avait l'intention de lui faire subir un interrogatoire ou est-ce que c'était de la simple curiosité ?

— Je crois qu'il aime bien se faire conduire en fait et moi, je me fais payer en heures supp.

Il y eut un vague grincement-grognement à l'arrière qui leur fit comprendre que le niveau sonore des écouteurs de Bo laissait passer leur conversation.

— Et t'as une vie en dehors de ce boulot ? Demanda Dimitri en sortant un chewing-gum à la menthe.

Jo sourit en coin à sa question. Elle surveillait la banquette arrière de temps en temps avec le rétro intérieur.

— Je croyais que tu t'intéressais qu'aux mecs ?

Elle tendit la main pour qu'il lui donne un chewing-gum.

— Je sortais plus avant, c'est sûr. Mais entre ma frangine et le taff...

Mais parfois, elle avait besoin d'être quelqu'un d'autre ou de se retrouver elle-même, de sortir flirter, de se trouver un mec qui ne durerait que le temps d'une bonne baise... Et si au passage, cela lui permettait de remplir son objet de pouvoir, elle n'allait pas dire non.

— Tous les gays ne sont pas mysogine. Je peux donc te faire la conversation même si tu n'as aucun attrait à mes yeux, dit il en lui déballant même le chewing-gum.

Il ajouta avec un sourire :

— Il faut bien que quelqu'un écrive ton épitaphe si tu meurs sur une plage bretonne engloutie par la marée...

Elle récupéra le chewing-gum en le remerciant. Dimitri avait tout de même un beau sourire, même en parlant de son assassinat probable.

— C'était donc ça... Moi qui croyais que tu voulais que je te fasse profiter des meilleurs bars et boites de la capitale.

— Je doute sincèrement qu'on fréquente les mêmes endroits, jeune fille.

Il soupira en s'enfonçant dans le fauteuil.

— Et ce séjour est pas vraiment sur le mode découverte de truc plaisant.

Il mâcha un moment avant de demander :

— Quentin te semble différent depuis son retour d'Angleterre ?

Elle voulait bien croire que rien n'était plaisant pour lui ici avec toutes les merdes qui leur tombaient dessus.

— Un peu, ouais, finit-elle par répondre après un moment.

Jo ne savait pas si c'était un bien ou un mal. Elle avait souvent rêvé que Quentin se déride un peu, qu'il finisse par laisser tomber cette armure de glace qui le caractérisait au quotidien... Mais le changement avait été rapide et Bo en était la cause. Leurs magies de lucioles tout du moins. Le pire étant qu'elle ignorait où tout cela allait s'arrêter et mener et qu'elle n'était pas sûre de le voir.

— Tu crois qu'il pourrait être possédé par un sorcier ?

Bo se redressa et regarda son frère avec méfiance.

— C'est quoi ces conneries ?
— Toi, t'en mêle pas. Tu connais qu'un seul Quentin. Peut être que la première version ne t'aurais pas fait mouiller ta culotte.

Elle soupira en se recalant contre l'oreiller, murmurant un "bullshite" agacé.

Joanna s'était brièvement posé la question au début. Physiquement, elle ne pouvait avoir de doute sur le fait que c'était bien Quentin qui était revenu d'Angleterre. Sa signature de luciole en était la preuve. Avant hier, elle aurait été catégorique sur le fait que Quentin ne pouvait pas se faire posséder. Il était bardé de protections magiques en tous genres. Mais ce qui s'était passé dans le bureau démontrait bien le contraire.

— La première version...

Elle s'engagea sur l'autoroute.

— Et toi ? T'es sûr que c'est bien ta frangine qui voyage avec nous ?

Parce qu'elle pouvait aussi jouer ce jeu-là tant qu'à faire.

— Elle a toujours aussi mauvais caractère, mauvais goût pour les mecs, elle mange toujours autant de chocolat qu'elle boit de bière et elle pue des pieds...Ça me semble plutôt concluant.

— J'ai jamais pué des pieds !

Dimitri haussa les épaules.

— Elle frappe un peu moins. En temps normal, elle t'aurais déjà collé son poing dans la gueule mais c'est peut être juste une baisse de régime...

— Je peux te coller mon pied dans les couilles à la prochaine aire parcontre...

Jo se dit que ce serait dommage d'abimer le matériel.

— J'avais cru comprendre que vous régliez les choses en jouant des poings...

Elle avait bien vu Dimitri coller une droite à Quentin hier. Et puis, elle avait lu les infos que Michael et Franck avaient glané pendant leur surveillance. Elle connaissait leur réputation.

Dimitri la regarda.

— Alors. C'est une possibilité ou non ? Est-ce qu'il pourrait être manipulé comme Eric avant lui ? Est-ce que ça te semble normal qu'il tombe fou amoureux de ma soeur en même pas deux semaines ?

Bo braqua ses yeux sur son frère. Elle n'aimait pas du tout ce qu'il insinuait.