Chapitre 38 - La nuit des loups

Noé soupira d'aise à retrouver son contact, sa proximité.

— Elle n'a pas du penser qu'avec ta blessure, tu as besoin d'aide pour enlever tes fringues trempées...

Ses lèvres vinrent chercher les siennes pour un long baiser, comme s'il voulait s'assurer qu'elle était bien vivante et lui aussi.

— Il faut vraiment qu'un médecin voit ta main, murmura-t-il en écartant à peine sa bouche de la sienne.

— Je sais...

Elle soupira et avoua dans un murmure :

— Je ne sens même plus mes doigts.

Elle craignait ce qu'un medecin pourrait dire. Elle savait qu'elle aurait dû se presser, que les nerfs étaient peut être touchés et pourtant elle reculait devant ce verdict, le rendant plus négatif encore.

— Quoi ? Mais... Il faut y aller tout de suite ! s'exclama Noé avec inquiétude.

Il prit sa main blessée avec une extrême délicatesse. S'il avait déjà voulu écrabouiller Olivier après le bleu qu'il lui avait causé, il avait vraiment envie de tuer cette ombre qui possédait le corps de son frère.

— Sûrement mais...

Elle baissa les yeux sur sa main.

— Ils vont faire une réparation provisoire mais cela va nécessiter une greffe sur les tissus nerveux... Y aura une immobilisation et je ne pourrais probablement pas utilisé ma main pendant au moins un an. Sûrement plus. Mon frère a fait médecine avant de tout lâcher... Et j'ai lu certains de ses bouquins. J'ai au moins retenu l'anatomie et les ramifications des nerfs.

Elle soupira et le regarda.

— Cela aurait été pire s'il s'en était pris au poignet...

Là elle aurait pu perdre l'usage du bras. Elle caressa encore sa nuque de sa main vaillante sans le quitter des yeux.

— Quoique je fasse, elle ne fonctionnera plus comme avant et... J'ai d'autres choses à régler avant qu'on me force à rester dans une clinique spécialisée.

Elle le vit froncer les sourcils à son explication. Il savait très bien de quoi elle parlait.

— En attendant, il faut recoudre sinon tu vas te vider de ton sang, ça va s'infecter...

Il releva les yeux vers les siens, la regardant avec grand sérieux.

— Alors, zou, sous la douche et direction l'hosto.

Elle lui sourit.

— J'aurais aimé que tu viennes avec moi.

Elle l'embrassa doucement avant de le laisser pour aller dans la salle de bain, ne précisant pas si elle faisait référence à la douche ou à l'hôpital.

Lui aussi aurait aimé l'accompagner, que ça soit à l'un comme à l'autre.

— Tu as besoin d'aide pour te déshabiller ? lança-t-il en approchant de la porte de la salle de bain.

Elle termina de régler la chaleur et se tourna vers lui.

— Je veux bien, dit elle.

Elle ne voulait pas reconnaitre qu'elle aurait dû mal à le faire seule. Elle n'aurait pas accepter l'aide de Gwen ou d'un autre membre du scooby gang de Quentin. Mais Noé... C'était différent.

Il lui sourit et approcha pour mettre en pratique sa proposition. Il la déshabilla avec douceur pour ne pas réveiller plus sa douleur, ne résistant pas à embrasser ses épaules au passage. Il ne l'avait jamais vue dans un tel état : ses vêtements étaient foutus, elle était complètement décoiffée et son maquillage avait coulé.

— Tu ne dois pas mouiller ta main, lui rappela-t-il en s'écartant. Je vais te chercher des fringues.

— Je crois que la rincer avec un peu d'eau ne peut pas lui faire de mal... Au moins on verra les dommages, non ?

Pas qu'elle en avait envie, elle avait même peur que ça lui fasse tourner de l'oeil à nouveau. Elle le retint par le tee-shirt pour l'embrasser avec douceur sur les lèvres.

Il répondit à son baiser sans hésiter et ses mains se posèrent sur ses hanches. Il ne devait vraiment pas être très net pour avoir envie d'elle alors qu'elle était blessée et qu'il était urgent qu'elle aille à l'hosto.

— N'y touche pas. C'est aux médecins de nettoyer.

Elle lui sourit. Elle aimait bien quand il s'affirmait ainsi.

— Je sais que tu le sais déjà mais ce que tu m'as dis... Je le ressens aussi pour toi.

Elle était certaine qu'il y avait des manières plus directe de dire les choses mais c'était déjà mieux que rien dire du tout. Elle l'embrassa à nouveau mais s'écarta lentement.

— Allez sors de cette salle de bain, murmura-t-elle.

Il mit une seconde à obéir. A l'éclat de son regard, elle n'eut aucun doute sur le fait qu'il avait très bien saisi son aveu et que cela gonflait son coeur.
Il lui sourit et recula jusqu'à sortir, ayant du mal à la quitter des yeux. Une fois dans la chambre, il ouvrit le placard pour choisir une tenue pour Capucine. Il ne pouvait pas s'empêcher de sourire plus largement maintenant en pensant à ce qu'elle avait dit : elle l'aimait. Elle était amoureuse de lui. Cela le rendait tellement heureux qu'il en oublierait tout le reste !

Elle le rejoignit quelques minutes plus tard dans son peignoir éponge. Ses cheveux étaient mouillés et gouttaient légèrement sur le sol.

— Je crois que j'aurais besoin aussi de toi dans l'autre sens, dit elle avec un sourire.

La tunique et le pantalon qu'il avait choisis étaient étalés sur le lit. Il sortit les mains du tiroir où était rangée la lingerie, ayant pris ce qui paraissait le plus passe-partout au cas où elle doive se déshabiller à l'hôpital.

— Je suis là pour ça.

Il l'aida à ôter son peignoir et à mettre son soutien-gorge.

— C'est bizarre de faire ça dans ce sens-là, s'amusa-t-il.

Elle l'observait entre chaque geste l'aidant à s'habiller.

— C'est pas déplaisant.

C'était une intimité nouvelle et un peu étrange mais qu'elle ne trouvait pas désagréable. Peut être parce que c'était la première fois que quelqu'un s'occupait d'elle de cette manière.

Noé était presque sûr que personne avant lui n'avait habillé Capucine en dehors de ses défilés de mode, évidemment. En tous cas, Eric ne l'avait sûrement pas fait, ni Thierry machin-truc. Lui-même n'aurait jamais pensé le faire, il fallait bien être honnête, d'autant plus qu'il avait passé le plus clair de son temps à lui ôter ses vêtements dès qu'il en avait eu l'occasion.
Une fois qu'il eut terminé, il recula d'un pas pour l'observer.

— Tu es magnifique.

Elle était très pâle, avait l'air fatiguée, mais elle ressemblait déjà plus à celle qu'elle était d'ordinaire et cela devait l'aider à se sentir mieux.

Elle protesta d'un signe de tête avec un léger sourire sur les lèvres. Elle s'assit devant sa coiffeuse et lui tendit la brosse. Elle attrapa sa poudre pour en laisser un nuage sur son visage et prit son stylo anti-cernes pour s'occuper de son regard.

Noé n'avait jamais coiffé quelqu'un non plus, mais connaissant le soin que Capucine apportait à ses cheveux et son allure, c'était un gage de confiance qu'elle le laisse faire. Il brossa sa chevelure et attrapa une pince sur la coiffeuse pour essayer de les faire tenir comme elle en avait l'habitude. A sa moue, elle vit dans le miroir qu'il n'était pas convaincu par le résultat.

Elle sourit avec tendresse et rectifia légèrement la trajectoire de la pince. Même si ses cheveux étaient retenus avec moins de rigueur que d'habitude, le résultat lui plaisait. Elle posa une légère touche de fard sur ses paupières et un peu de rose pêche sur ses lèvres. Elle ajouta du parfum derrière son oreille et se tourna vers lui.

— Je pense que je suis prête maintenant, dit elle à voix basse.

Elle n'avait pas envie de le quitter.

Lui non plus, cela se voyait. Il l'aida à se lever pour la serrer dans ses bras.

— Je vais venir avec toi. Quentin a d'autres trucs à s'occuper.

Son frère lui avait fait un rapport succinct de la situation à DLS et de l'état d'Ahmed quand il l'avait retrouvé chez Thanaclop. Il devait être mort d'inquiétude pour son meilleur pote, pour Bo, pour Dimi...

— Tu es fatigué... Tu devrais te reposer, murmura-t-elle en restant contre lui.

Elle-même si elle avait pu se coucher et dormir quelques heures, elle n'aurait pas refusé.

— Non, ça va. J'ai rien, moi.

La morsure du loup était superficielle et il ne sentait quasiment plus rien. Comparé à elle, Dimi, Bo et Allan, il avait été épargné.

— Je me reposerais quand tu seras soignée et pas avant.

Il caressa doucement son dos, la gardant encore un peu contre lui. Il se fit violence pour rompre leur étreinte et glisser sa main dans la sienne.

— Tu peux marcher ou tu veux que je te porte ? fit-il en retrouvant un brin de malice.

— Tsss... Me porter... Tu n'en as le droit que dans le privé, dit elle amusée.

Elle prit une inspiration et sortit de la chambre en retrouvant son air plus sérieux.

Ils retrouvèrent Quentin et Allan au rez-de-chaussée. Le premier était au téléphone avec Pierre qui lui faisait le compte des pertes et des blessés de la nuit. Il venait de lui annoncer qu'Olivier avait trouvé la mort dans l'attaque et que Jean était sous le choc. Quentin n'hésita pas une seconde à révéler au cousin de son père que Gauthier était le responsable des différentes attaques tout autant que de la mort d'Aurélien, François et Eric. Il devrait faire une annonce officielle sur le sujet, mais cela attendrait demain. Pour autant, Quentin n'était pas prêt de rejoindre Bo malgré son inquiétude. Il y avait énormément à gérer avec les hôpitaux, les familles de ses employés, les morts à la villa... et il n'avait pas Ahmed pour le faire à sa place cette fois. Sa seule consolation était que Nhill ne laisserait pas Bo mourir.
Il raccrocha et ils ne tardèrent pas plus à se mettre en route pour l'hôpital où Jo et Kelya les attendaient. Noé resta un instant sur le perron à regarder la voiture s'éloigner, emmenant Capucine loin de lui à nouveau, puis se décida à rentrer. Gauthier n'était plus là, comme elle le lui avait si justement souligné, il restait encore des choses à faire.