Chapitre 38 - La nuit des loups

Jeudi 6 juin
Pays Basque

Installée sur l'herbe, Bo s'amusait à créer une sphère avec l'eau du bol. Elle la faisait s'élever puis la divisait autant de fois que sa concentration le lui permettait. Mais régulièrement le liquide retombait dans son réceptacle, l'éclaboussant au passage. Elle soupirait bien consciente que le soucis qu'elle se faisait pour Quentin était en cause. Elle n'avait pas invité pour le suivre malgré son envie. La disparition de Clémentine lui avait rappelé que la sienne n'était pas si improbable. Elle se devait de rester à l'abris et de patienter, aussi terrible que ce soit cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête.
Ses yeux glissèrent jusqu'à son frère à quelques mètres, installé dans un fauteuil sur la terrasse, il essayait de distraire Noé à coup de partie de Poker. S'il était ravi de plumer l'adolescent, ce dernier ressemblait à un mec en manque de clope. Miu n'était pas revenue de la journée et il avait demandé plus d'une fois si quelqu'un l'avait vue. La seule personne à même de pister un Esprit ancestral devait être Thana et il était évident qu'il ne l'appréciait pas. En plus depuis sa longue conversation avec Capucine, il avait mystérieusement disparu dans sa dimension de poche.
Elle sursauta presque lorsque Kelya lui demanda si elle pouvait créer un bracelet autour de son poignet avec l'eau. La jeune fille était venue s'assoir avec elle. Il faut dire qu'ils étaient de moins en moins nombreux et elle ne semblait pas avoir vraiment d'atomes crochus avec Noé même s'ils étaient dans la même classe. Elle avait bien passé un peu de temps avec Capucine mais cette dernière n'était pas aussi bavarde et sociale que d'habitude. L'ambiance était de pire en pire si on était honnête.

— Un bracelet... Je n'ai jamais essayé, avoua Bo.

Elle se concentra à nouveau sur l'eau restant dans le bol et commença par créer un serpent d'eau qui s'éleva lentement dans une spirale pour venir s'enrouler autour du poignet de la jeune fille. L'eau ne toucha pas sa peau et ne sembla pas solide pour autant. Kelya eut même la sensation de voir un petit ruisseau circulaire en mouvement permanent.

— Vous avez vu Amelle ? Demanda Richard en s'approchant d'elle.

Il semblait préoccupé. Elle l'avait bien vu questionner Alan mais ce dernier était entrain de manger une soupe de nouille en regardant un truc sur son ordinateur. Il avait mis en charge ses drones et les feraient redémarrer dans dix minutes. Il avait encore râler un peu plus tôt sur le fait qu'il eut mieux valu en avoir toujours un en vol mais Richard lui avait fait remarqué qu'il y avait peu de chance que quelqu'un profite d'un laps de temps si court. Depuis Alan le regardait comme un incompétent notoire.

Kelya admirait l'eau autour de son poignet avec ravissement. Elle s'intéressait peu à la magie d'ordinaire, ne voulant pas vraiment plonger dans ce monde à l'origine de l'éclatement de sa famille, mais parfois, certains sortilèges lui semblaient tellement beaux que cela la laissait rêveuse.

— Je ne l'ai pas vue depuis le repas, fit-elle à Richard.

Richard jura et sortit son flingue.

— Vous vous regroupez tous dans le salon. Il y a un truc louche.

Il regarda Alan et lui aboya dessus :

— Trouve-la moi tout de suite !

Bo en oublia son sortilège et Kelya sentit l'eau dégouliner le long de son bras et tomber sur ses jambes. Elle n'avait jamais vu Richard perdre son calme. Elle se demanda si l'absence de Quentin et ce qui se passait au siège où se trouvait tous ses collègues le rendait nerveux.

Allan en recracha ses nouilles, surpris par le ton sec de Richard. Quelques-unes atterrirent sur son clavier, ce qui le fit jurer une bordée de "fuck" faisant bien ressortir son accent américain de son Texas natal.

— Avec quel drone ? lança-t-il avec autant de sarcasme que d'agacement.

Si au moins le boss avait validé sa commande de 6 drones au lieu de 4, ils n'auraient pas eu ce petit souci logistique.
Néanmoins, il actionna la localisation par satellite. Chacun d'entre eux possédait un émetteur dans son oreillette.

— Il se passe un truc ? demanda Noé en approchant.

— Tous dans le salon ! gueula Richard plus fort.

Bo sursauta et se leva en entrainant les deux gamins avec elle.

— On va pas le contrarier et on va se grouper, dit elle en lui jetant des regards inquiets.

Elle espérait qu'il était pas entrain de péter un câble.


Amelle ignora la question dans son oreillette et regarda son smartphone. Il y avait cette ombre dans le bocal et il y avait son père qui la suppliait de ne pas se laisser intimider. Sa mère serrait son petit frère contre elle, en pleurant.

— Je ne sais pas encore pour qui elle sera mais j’en ai d’autres en stocks. Fais ce que le chef t’a demandé où ta famille entière se fera dévorer la cervelle par une ombre. Quentin ne pourra rien pour toi dans l’immédiat alors le prévenir n’y changera rien… Et tu sais très bien que même s’ils pouvaient les retirer… Ils seraient déjà tous mort.

LOaf balaya la pièce encore une fois avec son écran avant de le faire basculer sur son visage. Si Amelle n’avait jamais eu l’occasion de le voir, elle avait vu des photos et savait très bien qui il était. Il était malgré tout un peu moins frais qu’avant même si la magie avait réussi à lui donner une illusion de vie qu’il avait perdu depuis bien longtemps.

— Tu es une sorcière Amelle, il ne te faudra pas beaucoup de magie… Juste faire exactement ce que je te demande.

Elle regarda le poignard sur son lit. Les cheveux de Quentin et de Bo qu’elle avait récupéré dans la salle de bain sur la brosse. Et la poule qu’elle avait été chercher dans le petit poulailler.

— Le sang. Le sacrifice. Cela fera naitre un écho des ombres des changelins. Je ferai le reste et je traverserai… Toi tu prendras ma place auprès de ta famille et tu pourras veiller sur eux. C’est un deal honnête… Et si ta conscience te joue des tours… Dis-toi bien que si Quentin avait dû choisir entre sa famille et toi… Il n’aurait pas hésité longtemps. Mais ça tu le sais déjà. La famille avant tout.

Amelle croisa le regard de son père faisant encore un signe négatif de la tête. Elle attrapa le poulet et le décapita d’un coup sec. Le corps tomba sur le sol, noyant les symboles qu’elle avait gravé avec un couteau dans le parquet durant l’après-midi. L’Oaf se mit à paslmodié des choses de l’autre côté de l’écran et lorsque le sang entra en contact avec les cheveux des ombres s’en dégagèrent. Presque translucide et fragiles rappelant la brume du bitume lorsque la pluie rencontre la chaleur. La jeune femme y envoya sa magie en répétant les même paroles que l’Oaf et les meubles de la chambres se mirent à changer de consistance pour devenir à leur tour des ombres.
La lumière changea et c’est dans cette scène ressemblant au négatif de là où elle se trouvait un peu plus tôt qu’Amelle sentit que les barrières entre les mondes basculaient. La voix de l’homme fut soudain à côté d’elle. Il avait remonté du glyphe pour apparaitre devant elle. Il était encore intangible comme un spectre mais le couteau qu’il avait à la main, similaire au sien était bien réel. Elle baissa les yeux et vit qu’elle ne tenait plus rien dans la sienne.

— Ta famille n’oubliera jamais ton sacrifice, lui dit il.

Amelle ouvrit de grands yeux lorsqu’elle comprit que pour que le rituel soit complet, il fallait qu’elle trouve la mort dans le cercle. Ce fut sa dernière pensée avant que la lame ne lui tranche la gorge comme elle l’avait fait un peu plus tôt avec le volatile.
Elle s’effondra dans les bras de l’Oaf qui la berça doucement en faisant « chuchuchut » faisant couler son sang tout autour d’eux.
Les ombres semblèrent pousser tout autour de lui.

— Glissez comme un serpent et quand vous aurez pisté vos proies devenez loups pour les dévorer…

Elles ondulèrent à sa voix dans une douce approbation et se mirent à glisser dans la chambre qui redevenait similaire à ce qu’elle avait été. L’oaf coupa la communication où l’on entendait geindre et hurler la famille d’Amelle.
Il se dirigea vers la porte et l’ouvrit bien décidé à trouver Clementine et le Grimoire des ombres.


Capucine les regarda entrer dans le salon avec surprise. Elle avait décidé de s'installer dans le canapé avec un roman, avec l'espoir de pouvoir apaiser Noé un peu plus tard dans la soirée lorsque Quentin serait revenu pour occuper les Hendricks.

— Que se passe-t-il ? Demanda-t-elle en refermant son livre.

— La sécurité veut nous compter, y en a une qui ne répond pas à l'appel, fit Dimitri avec un soupire. Elle a peut être juste la chiasse et elle descotche pas des chiottes...

Il n'eut guère le temps de developper cette théorie que le courant fut coupé et que la nuit qui avait gagné l'extérieur pénétrait à son tour dans la pièce.

Noé sentit un frisson remonter le long de sa colonne vertébrale et il scruta l'obscurité avec appréhension, craignait de revoir une Dame d'Ombre. Il s'éloigna de quelques pas de Capucine pour claquer des doigts et faire naître une flamme. Il la sépara en deux, une dans chaque paume, près à s'en servir. Cette fois, il ne se ferait pas surprendre.
Kelya avait allumé la lampe torche de son portable. Instinctivement, elle s'était rapprochée de Dimitri et Bo.

— A quoi il faut s'attendre ? murmura-t-elle.

— Au pire. Toujours au pire, murmura Dimitri.

Bo ouvrit le robinet de la partie cuisine et envoya sa magie pour voler la lumière du téléphone de Kelya. Celui-ci s'éteignit vidé de sa batterie alors que le filet d'eau de la changeait se chargeait de lumière. Elle en fit comme un cordon autour d'eux, mais excluant Capucine par la force des choses.
Ils entendirent des bruits de pas et un homme apparut sur le seuil de la porte. Bo savait que les autres ne les voyait pas dans l'obscurité mais elle sentit la présence des ombres. Des ombres sauvages et affamées. Elles avaient eu un corps et elles le voulaient à nouveau pour dévorer les chaires. Elle l'entendait à travers ses propres ombres, effrayées.

— Je suis désolé. J'ai un peu de retard, dit la voix de l'Oaf.

Il fit quelques pas de plus et la lumière de leurs magies éclaira son visage. Bo sous le choc en lâcha son serpent d'eau pour tomber contre son frère qui la serra contre lui.

— Beaucoup de retard, reconnut Eric.

Il lui manquait un oeil et l'autre avait un aspect un peu vitreux. Cela ne semblait pas l'empêcher de voir. Sa peau était usée mais pas autant que le costume qu'il portait.

— Putain de merde, souffla Noé sans en croire ses yeux.

Mais c'était bien Eric qui se tenait devant eux, dans le costume que sa mère avait choisi pour l'enterrement un mois et demi plus tôt. Gauthier avait osé aller chercher le corps de son frère dans son cercueil pour l'envoyer ici avec une de ses putains d'ombre à l'intérieur ! A cette idée, les flammes dans les mains de Noé gagnèrent encore en intensité.

Eric sourit en l'entendant.

— Moi aussi j'ai trouvé le temps long. Une étreinte chaleureuse c'est une idée...

Il y eut une détonation alors que le torse d'Eric se criblait de balles sous leurs yeux. Il poussa un long soupir et serra les dents.

— Ça. C'est pas très sympa.

Il ne se retourna même pas pour voir Richard mais Bo sut que c'était les ombres qui avait filé à sa rencontre. Il Y eut d'autres détonations puis un cri qui finit dans un glapissement. Ils entendirent une série de bruits sinistres et ne comprirent que lorsque les membres de leur garde du corps arrivèrent sur eux en pièces détachées.
Eric profita de leur surprise pour marcher jusqu'à Capucine, la plus proche et plaqua sous sa gorge le poignard encore ensanglanté qu'il avait utilisé sur Amelle.

— On peut reprendre maintenant ? Demanda-t-il.

Kelya n'avait pas pu retenir un cri en voyant les bras de Richard tomber au sol dans un bruit mat. L'obscurité les empêchait de voir du sang autre chose que des trainées noirâtres, mais cela n'enlevait rien à l'horreur et la jeune fille se raccrocha à Dimitri. Si au moins elle avait encore eu un téléphone en état de marche, elle aurait envoyé un message à Jo pour le prévenir.

Noé fit aussitôt deux pas dans la direction de l'Oaf, essayant de refouler à la fois sa peur de faire face à un nouveau Dark Eric que son angoisse de le voir menacer Capucine.

— Lâche la tout de suite !

Il détesta la supplication qui se mêlait à sa colère dans sa voix. Il réfléchissait à toute allure : aurait-il le temps de lancer son sortilège sur l'Oaf pour le tuer avant qu'il ne tranche la gorge de la jeune femme ? Son sort arriverait-il jusqu'à lui malgré la malédiction de Capucine ? Pouvait-il prendre ce risque ? Et si les flammes la touchaient et qu'il la tuait au lieu de la sauver ?

— Amelle m'a expliqué qu'elle annihilait tes pouvoirs. Bien sûr maintenant Amelle a la gorge tranchée. Je me suis exercé sur elle donc je pense qu'avec Capucine je ne louperait pas la carotide. Tu sais en combien de temps un humain se vide de son sang ? C'est assez fascinant comme phénomène... Et c'est très intéressant de voir que ton frère sait ce genre de détails...

Capucine regarda Bo.

— Est-ce qu'il y d'autres ombres ? Lui demanda-t-elle comme si elle n'était pas prise en otage.

— Oui... Plein... Sans corps... Elles sont sauvages et sans conscience, dit la jeune fille en dégageant lentement son visage de la manche de son frère.

Eric appuya un peu plus, faisant perler le sang.

— Tu vas m'ouvrir une porte, dit il à Noé.
— Quoiqu'il te demande, ne le fais pas ! coupa Capucine.

Les yeux de Noé s'écarquillèrent d'effroi en voyant la lame entailler Capucine.

— Non ! Laisse la !

Son regard passa de la jeune femme au zombie qui avait été son frère. Que devait-il faire ? Que ferait Quentin ?

— Miu. J'ai besoin de toi, fit-il mentalement.


Le signal d'Amelle avait indiqué à Allan et Richard que cette flemmarde de compétition était dans sa chambre. Non seulement elle passait son temps à moitié à poils au bord de la piscine, mais maintenant, elle trainait dans sa piaule au lieu d'être à son poste. A cause d'elle, il avait gâché des nouilles instantanées et dégueulassé son clavier ! Il allait lui faire passer l'envie de recommencer.
Il avait donc laissé Richard rejoindre le salon pour grimper à l'étage. Il était sur le palier de l'étage quand le courant fut brutalement coupé. Allan n'était pas un homme de terrain, mais il n'était pas stupide. Cela puait les emmerdes. Et cela puait le sang. Il reconnaîtrait cette odeur n'importe où. Il la connaissait par coeur, surtout quand le sang était encore tiède. Rien qu'en sentant l'odeur, il en avait le goût cuivré sur la langue.
Il ôta aussitôt ses lunettes qu'il plia consciencieusement sans quitter le couloir des yeux. Il fit pareil avec son sweat et les déposa ensemble sur la chaise qui traînait là, restant en débardeur noir. Il pencha la tête d'un côté et de l'autre, faisant légèrement craquer ses cervicales, et deux petits poignards recourbés apparurent dans ses mains. Ils étaient fait d'acier teinté en rouge dans la masse. Le manche tenait parfaitement bien dans ses paumes et la lame était finement dentelée.
Il avança jusqu'à la chambre d'Amelle, une lueur dangereuse au fond des yeux et l'appel du sang se faisant de plus en plus fort. Putain d'héritage familial !

Au début, il ne vit rien. Mais il ne tarda pas à marcher sur le reste du poulet et avec la lumière de la fenêtre, il reconnut un cercle de sorcière.
Puis il entendit un grognement animal. Sauf que marchant accroupi, la tête penchée sur le côté à cause de la plaie sur sa gorge ouverte, il reconnut la jeune femme. Ses yeux brillaient d'une lueur bestiale.
Elle poussa un cri guttural ressemblant à celui d'un loup et bondit sur lui avec une envie évident de le bouffer.

Allan ne chercha pas à discuter et il n'eut aucun scrupule. D'une, il détestait les loups. Ce n'était que des saloperies. De deux, il détestait Amelle. De trois, il n'allait pas se laisser bouffer par une créature des ombres. Il était un Riker et cette chose allait apprendre qu'il n'était pas qu'un geek asocial rivé à un écran et chérissant ses drones et son matériel informatique.
Il s'écarta d'Amelle au dernier moment et lui enfonça l'un de ses poignards dans le corps.

Elle glapit mais il vit une ombre sortir de son corps pour attraper le poignard et l'envoyer valser au loin. Elle le gifla au passage avant de retourner dans son enveloppe charnelle. Amelle poussa un nouveau cri de satisfaction et lui mordit la cuisse à pleine dent, le faisant tomber au sol.
La lampe de chevet bascula et manqua de lui tomber sur le crâne. C'était une lampe décor avec un pied en bronze représentant une bergère et son agneau.

— Tu vas me lâcher, saloperie ! vociféra-t-il en anglais.

Il planta son deuxième poignard dans la main d'Amelle, la clouant au sol, puis attrapa la lampe pour frapper sur sa tête encore et encore. Le sang l'éclaboussait un peu plus à chaque coup et son visage fut bientôt constellé de tâches rouges et de morceaux de cervelle.

L'ombre sortit du corps et il sentit sa léchure sur sa peau, froide et avide de s'emparer d'un nouveau corps.

— ça, n'y compte pas.

Il repoussa le corps ensanglanté d'Amelle du pied et se releva d'un bond. Il tenta d'attraper l'ombre d'une main.

L'ombre s'y lova volontiers et il sentit sa morsure alors qu'elle cherchait à pénétrer sa peau comme si elle était faite de pointes et de lames.

— Fuck !

Il était hors de question que cette chose le possède ! Il frappa sa main contre le mur pour faire lâcher l'ombre. De l'autre, il fouilla dans sa poche. Allan ne fumait pas. C'était mauvais pour les ordinateurs et il ne supportait déjà pas de mettre des miettes sur son clavier, alors de la cendre... Mais il avait suffisamment entendu le gamin parler de la magie de feu pour battre les ombres. Par précaution, il s'était procuré un petit truc qui allait faire passer l'envie à cette saleté de vouloir entrer en lui. Il l'avait piqué dans la cuisine en douce.
Sans une hésitation, il alluma le chalumeau électrique pour faire cramer l'ombre. Il valait mieux se brûler la main plutôt que de finir comme Olivier de Lyonesse.

Il ne lui resta plus qu'à descendre. Le son qu'il entendit et le morceau de jambe qui atterrit à ses pieds le renvoya à ses souvenirs d'enfance.

— Tu vas m'ouvrir une porte, dit une voix inconnue.
— Quoiqu'il te demande, ne le fais pas ! coupa Capucine.
— Non ! Laisse la ! cria Noé.

S'il se fiait aux morceaux, Richard était hors course, Amelle aussi. Il était le dernier à pouvoir assurer la sécurité.

Un instant, Allan crut être revenu dans la cuisine de la maison familiale, quand il avait trouvé sa mère en train de découper le révérend Statford parce qu'il avait osé dire que sa tarte aux myrtilles était moins bonne que celle de la vieille Smith.
L'échange qui suivit le ramena à la réalité. Il dégaina son portable et envoya un message d'alerte à Quentin et Ahmed. Ils étaient peut-être bien occupés de leur côté ou même déjà crevés, mais on ne pourrait pas lui reprocher de n'avoir rien dit.
Il s'approcha ensuite le plus discrètement possible pour avoir un aperçu de la situation.

Un homme qui lui tournait le dos tenait la dénommée Capucine contre lui avec ce qui semblait être un couteau sous sa gorge. Les autres étaient devant et ne semblaient pas en mener large.

— Je crois qu'on aurait bien besoin de tata Miu ou de tonton Thana, fit remarquer Dimitri.

Mais ni l'un, ni l'autre ne répondait aux appels de Noé.

— Bon puisque tu ne sembles pas tenir à cette fille, je vais l'exécuter et je passerai à la petite blonde... Tu finiras bien par me faire cette porte, dit l'Oaf avec un soupir.

Bo projeta alors violemment une de ses ombres sur Eric mais deux sauvages apparurent pour la contrer et la réduire en pièce. Elle tomba à genoux, le souffle coupé sous le choc alors que Dimitri s'agenouiller pour la serrer contre lui en déversant en anglais toutes les insultes imagées de son répertoire.

— Bo ! s'écrièrent Noé et Kelya en choeur.

La jeune fille tremblait de tous ses membres. Elle repensa à Clémentine, morte en une fraction de seconde devant ses yeux. Allait-elle subir le même sort ? Ses yeux glissèrent sur le bras à leurs pieds. Elle ne voulait pas mourir comme ça. Elle ne voulait pas mourir !
Noé regarda Capucine, toujours menacée par la lame sur sa gorge, puis Bo à terre et enfin, Kelya, livide. Il était le seul à pouvoir faire quelque chose. Il continuait à appeler Miu mentalement de toutes ses forces, mais la démone ne lui répondait même pas. Elle lui avait dit qu'il regretterait de l'avoir rejetée. Elle lui avait dit qu'il pleurerait quand elle ne bougerait pas le petit doigt pour aider les autres. Il se sentit terriblement mal à l'idée qu'elle ait raison.

— ça suffit ! Je vais te la faire, cette putain de porte ! capitula Noé. Mais lâche Capucine !

Il referma les poings, faisant disparaître ses flammes. Il fallait qu'il obéisse, ou qu'il fasse semblant le temps de trouver une ouverture pour enflammer Eric Zombie.

Eric lâcha Capucine mais il la poussa contre le mur et attrapa sa main qu'il plaqua dessus. Il y planta son poignard.

— Dépêche-toi, toutes les dis minutes je lui couperai un doigt, dit il.

Il sortit de sa poche un papier et le tendit à Noé.

— Ce sont les coordonnées.

Il regarda Bo et lui sourit.

— Tu me suivras sinon ils mourront tous. De toutes manières, tu sais que Quentin viendra te chercher. On y compte bien.