Chapitre 22 - Baiser ou se faire baiser, il faut choisir (partie 3)

— Bo.

Enfin. Mais Quentin ne se sentit pas soulagé pour autant.
Il entraîna Capucine jusqu'au mur d'eau et posa la main dessus.

— Bo ! Je suis là !

Il sentit une résistance dans le mur de magie mais il connaissait le tissage magique. Il s'était lié au sien.
Capucine le lâcha et resta un retrait mais pas trop loin. Elle semblait ainsi faire rempart au sortilège provenant de la grande salle mais permettre à Quentin de lancer la sienne avant sur le mur d'eau.

Il la remercia d'un regard et posa ses deux mains sur le mur d'eau, se concentrant sur le tissage de la magie élémentaire de Bo. Il chercha à le dénouer pour se frayer un chemin, lançant ses ombres en même temps qu'il tirait sur un fil ou sur un autre, tout son esprit tourné vers Bo.
Contrôle. Ouvrir le chemin.
Maîtrise. Ne pas penser à ce qu'il allait trouver derrière et qu'il allait tuer Olivier.

Bo était assise dans l'eau, adossée au mur. Elle avait repris connaissance quelques minutes après la fuite d'Olivier quand elle avait senti la présence de d'autres sorciers. Elle s'était aussitôt verrouillée dans ce petit tunnel qui ne débouchait sur rien... Ou peut être sur une chambre fermée avec un passe dans le fond. Le mur lui avait semblé bizarre et c'était bien le genre de l'établissement.
Elle était restée ainsi sans trop savoir combien de temps s'était écoulée. Le temps de reprendre ses esprits, de sentir que la lumière s'était rendormie et que ses ombres pouvaient ressortir sans crainte.

— Quentin, murmura-t-elle en ayant conscience de sa présence sans trop savoir comment.

Le mur tomba alors qu'elle se redressait légèrement. Elle le vit sur le seuil avec Capucine derrière. Elle leva une main pour qu'il se tienne à distance.

— L'arrière d'une voiture c'est quoi ? Demanda-t-elle avec méfiance.

Elle voulait être sûr de ne pas se faire avoir une troisième fois parce que c'était quand même un peu étrange de le voir avec Capucine.

Le visage de Quentin exprima tout son soulagement à la retrouver, seule, et visiblement saine et sauve.

— Totalement inapproprié, fit-il d'une voix qui démontrait combien il brûlait de se précipiter vers elle pour la serrer contre lui.

Une semaine. Huit putains de jours. Une paille comparée à toute une vie, mais elle lui avait manqué à un point inimaginable. Il s'était jeté dans ses diverses occupations pour ne pas y penser constamment en Norvège. Combien de fois avait-il eu envie de reprendre l'avion ? D'aller la retrouver ? Il avait arrêté de compter. Passer des heures au téléphone avec elle avait atténué le manque tout en l'exacerbant à chaque fois. Entendre sa voix sans pouvoir la toucher avait été une véritable torture. Raccrocher encore pire.
Peut-être que ces dernières heures avaient été les pires de la vie de Quentin. Ne pas savoir où elle était. Ne pas savoir ce qui lui arrivait. Savoir qu'elle était en danger et ne rien pouvoir faire. Ne pas pouvoir être là. Vivre avec l'idée glaçante qu'elle disparaisse.
Il n'attendit pas plus pour se précipiter vers elle, franchissant les quelques mètres qui les séparaient en courant pour glisser à genoux dans l'eau et la serrer contre lui. Il ne lui laissa pas le temps de dire quoi que ce soit que ses mains se posèrent sur ses joues et qu'il l'embrassa.

Elle passa ses bras autour de son cou pour le serrer contre elle. Elle lui rendit son baiser sans la moindre hésitation. Elle n'avait posé la question que pour avoir la conscience tranquille. Elle savait bien que c'était lui. Dès qu'il avait touché l'eau, tout en elle, l'avait su.
Alors que ses lèvres s'accrochaient aux siennes avec presque de la dureté, elle finit par l'écarter pour plonger ses yeux dans les siens.

— Je suis fâchée, lui rappela-t-elle à voix basse.

Les yeux bleus de Quentin ne quittaient pas les siens, mais ses mains caressaient le visage de Bo comme pour s'assurer qu'elle n'avait rien.

— Je sais.

Il lui sourit, soulagé, heureux. Elle pouvait bien être fâchée après lui, il s'en moquait : il l'avait retrouvée.

— Je ne te quitte plus. Jamais.

— Mouais... On verra, dit elle pas vraiment convaincue.

Elle fronça les sourcils.

— Mon frère...

Pourquoi n'avait elle pas pensé à Dimitri avant ?

Il se releva et l'aida à faire de même.

— Il va bien. Il est chez Thanaclop.

Il l'examina des pieds à la tête. Elle n'avait pas l'air blessée.

— Où est Olivier ? Est-ce qu'il t'a touchée ? demanda-t-il d'un ton vibrant de colère.

Bo fut soulagée. Elle rougit légèrement à la question de Quentin mais annonça fièrement :

— Pas du tout. Je suis pas comme toi moi... Je me laisse pas débaucher par un petit sort de rien du tout.

Elle soupira en ajoutant :

— Je l'ai blessé avec l'arme... Olivier est un Dark Olivier.

Capucine leur rappela :

— On devrait pas rester ici... Vous pouvez vous embrasser encore une fois mais après vous devriez rejoindre les autres chez Thana.

Ce que dit Bo sur Olivier l'avait empêché de répliquer. Son regard s'était fait plus ombrageux encore alors qu'il pensait à Gauthier. Il avait recommencé. Il avait assassiné Olivier pour y planter une ombre. Et cette ombre s'en était prise à Bo.

— On y sera mieux pour discuter, répondit-il à Capucine.

Il lui tendit la main pour qu'elle approche.

Sans un baiser.
Bo jeta un regard noir à Quentin avant de dire fièrement :

— De toutes manières, je ne l'aurais pas laissé m'embrasser encore une fois et il le sait parce que je suis fâchée...

Capucine regarda Quentin avec attention.

— Emmène-la là bas. Je vais fouiller la boite. Si Olivier est blessé, il est peut être encore là... On peut pas le laisser dans la nature. Et il ne peut rien me faire. Donne-moi les clés de ta voiture, je t'y attendrais si je fais chou blanc...

Elle lui montra le collier d'Agathe.

— Ou avec Olivier. Si je le trouve, j'appelle Ahmed de toutes manières.

Elle ajouta :

— Si je dois travailler avec toi, autant commencer maintenant.

Quentin lui donna les clés. Il tenait toujours Bo contre lui, bien décidé à ne pas la lâcher.

— Fais bien attention à toi.

Il regarda à nouveau Bo et lui sourit avec tendresse.

— Je me ferai pardonner.

Il se pencha vers elle pour l'embrasser encore une fois. Il ne voulait pas s'y attarder de trop vu l'endroit et, surtout, parce qu'il savait qu'il ne pourrait plus s'arrêter.

Elle mit un doigt entre leurs lèvres.

— Fâchée, rappela-t-elle.

Mais elle lui sourit et laissa sa main glisser sur le tatouage pour les emmener chez Thana. Elle fut soulagée d'y découvrir son frère avec Steven et alla serrer Noé dans ses bras.

Noé lui rendit son étreinte, mais regardait son frère d'un air inquiet.

— Où est Capucine ?

Dimitri lui avait raconté ce qui s'était passé et il s'était mis à imaginer le pire : Quentin et Capucine se jetant l'un sur l'autre, Capucine embarquée dans une orgie... Et lui planté là comme un con.

— Elle est restée là-bas. Sa malédiction la protège de ce qui s'y passe.
— Tu l'as laissée toute seule ? Au milieu de... cette boite ? Emmène moi là-bas.
— Sûrement pas.

Il était hors de question que son petit frère se retrouve au milieu de cette orgie magique.

— Merde, Quentin ! Capucine ne peut pas se défendre. Elle n'a pas de pouvoir !
— Et Olivier ? demanda Dimitri en venant prendre Bo dans les bras pour s'assurer qu'elle allait bien.

— Je l'ai sérieusement blessé... Il s'est enfui dans la boite, dit elle autant pour l'un que pour l'autre.

Dimitri eut un soupir et ne put s'empêcher de râler :

— Quand je pense que j'ai même pas bronché quand il a commencé à t'embrasser et te peloter sur la piste de da...

Bo lui donna un coup de pied en faisant des gros yeux.

— Ah non ! T'as confondu ! Moi je me laisse pas posséder, se défendit elle.

Thanaclop ne savait plus où regarder. Il y avait le nouveau sorcier qui le fixait comme s'il était au bord de la crise cardiaque. Il y avait la fratrie Hendricks qui faisait beaucoup de bruit et quand il regardait Noé bouillir il sentait que la fratrie de Lyonesse en ferait bientôt autant. Alors il sourit parce que jamais ça n'avait été aussi vivant chez lui.

Quentin avait quitté son frère des yeux pour Bo.

— Tu t'en défends un peu trop, lui fit-il remarquer.
— J'ai pas fini de te parler ! explosa Noé.
— Capucine sait ce qu'elle fait, trancha son aîné sans quitter Bo des yeux, attendant sa réponse.

Dimitri réfléchissait en se grattant la tête. C'est vrai que c'était flou avec tous ces couples.

— Ben t'es quand même la seule nana en maillot de bain et il me semble bien m'être dit que c'était vraiment un chaud lapin à sa manière de te...

Il croisa le regard de sa soeur. Il se frappa le front en disant :

— Mais quel con ! Bien sur que non ! C'était pas toi... Elle avait un plus gros cul mais alors qu'est-ce qu'elle avait l'air d'aimer ce qu'Olivier lui faisait avec sa langue...

— Je vais t'exploser la gueule ! cria Bo en commençant à poursuivre son frère autour de la table.

Thana décida de ranger la vaisselle dans les placards. Il ajouta pour tranquilliser Monsieur Noé :

— Mademoiselle Capucine est incapable de violence. Elle est très doué pour négocier et je gage qu'elle saura trouver les bons arguments pour que Monsieur Olivier l'écoute. Vous savez, elle m'a raconté que c'était toujours lui qui était enchainé au lit et jamais elle les quelques fois où ils ont joué aux dominos ensemble...

Noé devint rouge avant de virer au blanc. Il ne voulait vraiment pas entendre ce genre de choses sur Capucine !

— Je ne veux rien entendre de plus là-dessus ! Je ne veux rien savoir !

Maintenant, il allait avoir les images dans la tête ! Auxquelles se superposaient en plus les mêmes, mais avec Eric ! Il allait devenir dingue !
Dimitri continuait à éviter sa soeur, manquant de renverser dans sa course la table basse, bousculant un peu Steven au passage, se protégeant derrière lui.
Quentin avait trouvé la réaction de Noé un peu exagérée. D'ordinaire, ce genre de conversations l'aurait fait rire et il en aurait rajouté. Il attrapa Bo alors qu'elle passait devant lui, la ceinturant par la taille. Il avait beau savoir qu'elle était sous l'influence du sortilège de la boîte, il ne pouvait s'empêcher d'être jaloux car c'était encore pire qu'un baiser de Nhill/Alexis cette fois.

— Je crois qu'on devrait rentrer, fit-il à son oreille.

Elle articula en silence à son frère qu'il était mort et accompagna d'un geste où elle se tranchait la gorge.
Elle resta contre Quentin, l'idée de rentrer avec lui était très agréable quand il le lui disait à l'oreille. D'autant que maintenant ils étaient deux à être fâchés.

— On rentre où ? Demanda-t-elle.
— Moi je serai pas contre rentrer juste chez moi, dit enfin Steven.

Dimitri réalisa qu'il manquait à tout son savoir vivre :

— Steven Miller. Mon ex.

Il ajouta pour Noé.

— Le Dealer qui aurait pu t'apprendre bien des choses et qui a appris à ma soeur à tout casser avant de réfléchir.

Steven fit une tête signifiant qu'il ne se serait pas défini comme ça.

— Vous faites parti du service de sécurité d'Olivier, fit Quentin en le regardant avec attention et suspicion.

Il gardait toujours Bo serrée contre lui, à la fois pour qu'elle ne se jette pas sur Dimitri et parce qu'il ne voulait plus rompre le contact.

— T'emballes pas, prévint Dimitri. Il est pas dans le coup. Sinon il m'aurait pas sorti de là alors que j'étais prêt à le...
— Je veux aller chercher Capucine, l'interrompit Noé.

— Je veux juste rentrer chez moi, dit Steven blasé.

Il ajouta pour Quentin :

— Et envoya moi Monsieur Abbassi si vous voulez vous assurer que je suis pas un traire.

— Qui ça ? demandèrent Thana, Bo et Dimitri en coeur.

Personne ici n'appelait Ahmed par son nom de famille. On pensait même qu'il n'en avait pas.

— Il parle d'Ahmed, répondit Quentin.
— Il me semblait bien avoir entendu ça quelque part, ajouta Noé qui n'utilisait pas plus le nom de famille de l'ami de son frère.
— Toi, rentre chez les tantes. Nous allons raccompagner Monsieur Miller chez lui.
— Tu te fous de ma gueule ? Je retourne pas là-bas sans Capucine.

Quentin soupira. Son frère commençait sérieusement à l'agacer avec son obsession pour Capucine.

— Elle a les clés de la voiture de Quentin. Elle peut rentrer en Bretagne... ça va juste lui prendre un peu de temps, dit Bo.

Elle regarda Quentin avec appréhension :

— On retourne pas aussi là bas en bagnole ?

Parce qu'elle avait vraiment pas envie de se retaper toute la route.

— Non, on ne va pas là-bas.

Peut-être qu'ils devraient retourner à St Germain, mais rien ne disait qu'ils y seraient en sécurité.

— Mais Dimitri pourrait aller avec Noé.
— Dis le franchement que tu veux pas de moi parce que Bo et toi, vous pensez qu'à copuler comme des bêtes.