Chapitre 20 - Capucine

Le jeune homme lui ouvrit, un peu surpris de la voir.
Il n'était pas rentré depuis longtemps, ayant passé du temps à se traiter d'imbécile et de tas d'autres noms d'oiseaux après son cafouillage dans l'atelier des potions. Dans ses rêves et ses fantasmes, il ne serait pas resté figé face à Capucine. Il l'aurait embrassée avec passion et lui aurait démontré qu'il n'était plus un petit garçon. Il aurait même peut-être poussé le vice à la laisser sur sa faim, la laissant se remettre de son baiser torride alors qu'il quitterait les lieux, pour la faire courir et montrer qu'il avait l'ascendant. Mais ça, c'était dans son imagination. La réalité était plus cruelle.

— Capucine ? Mais... Tu veux un... Qu'est-ce qu'il y a ?

Et voilà qu'il bafouillait maintenant. C'était le pompon !

Elle sourit et entra dans la chambre en passant doucement contre lui.

— Je pensais que tu serais content de me voir...

Elle ouvrit le placard et sortit les sacs. Elle mit tout dans le plus grand.

Il retint tout juste un soupir à la voir se jouer de lui de cette façon. Il avait encore beaucoup à apprendre s'il voulait être à sa hauteur.

— Bah... Bien sûr... toujours. Tu veux que je te ramène ?

Elle éclata de rire.

— Non c'est bon... Ma chambre est juste à côté de la tienne. Tu vois ton lit est contre le mien.

Elle prit son sac et revint à sa hauteur.

— Sauf si tu préfères que je m'éloigne, dit elle à voix basse.

Comment faisait-elle ça ? Il avait l'impression qu'elle l'entortillait au bout de son doigt et qu'il n'avait pas d'autre choix que de se laisser faire.

— Et pourquoi je voudrais ça ? demanda-t-il d'une voix un peu plus assurée, mais beaucoup moins que tout à l'heure.

— J'en sais rien...

Elle garda ses yeux plongés dans les siens. On sous-estimait trop souvent le pouvoir d'un échange de regard. Elle avait longuement discuté avec un scientifique une fois qui lui avait assuré qu'avec un panel de 30 questions intimes qu'il demandait un deux inconnus de se poser mutuellement sans cesser de se regarder dans les yeux, il générait des coups de foudre en quelques minutes.
Elle ne pouvait nier que c'était assez agréable d'être ainsi proche de Noé. Un peu trop. Après tout, elle avait juste voulu lui donner une petite leçon en lui montrant qu'il n'était pas prêt à jouer avec elle. Elle n'était pas censée y prendre goût même si l'idée d'arriver à le faire rougir en plus de bafouiller était diablement tentant...

— Bonne nuit, Noé, murmura-t-elle en détournant les yeux.

Elle quitta la chambre pour rejoindre la sienne.

Quand Noé retrouva l'usage de la parole, elle était déjà dans le couloir. Il lui souhaita donc bonne nuit avec un temps de retard et referma la porte. Il appuya son front contre, deux fois, trois fois.

— Putain... Mais c'est pas vrai...

Il avait bien cru que cet échange de regard allait le faire exploser. Il s'était encore vu l'attraper par la taille et l'embrasser, lui faire oublier qu'il avait bégayé comme le premier puceau venu et rien. RIEN. Il s'était retrouvé comme le lapin pris dans les phares, hypnotisé par le regard de Capucine et son intensité, le souffle coupé par sa proximité.

Quelques minutes plus tard, il l'entendit s'installer dans le lit qui grinçait au moins autant que le sien. S'il avait pu y faire quelque chose avec Clementine, il n'aurait pas pu avec Capucine. Il se retrouva donc à imaginer d'autres endroits susceptible de répondre à son envie dans cette pièce tout en entendant la musique qu'elle avait mis pour s'endormir. Une musique zen avec une voix invitant à la méditation. Si cela marchait chaque soir sur Capucine, cela ne semblait pas fonctionner sur Noé.

Noé était sur son lit, le regard perdu vers le plafond. Il se mettait la tête régulièrement sous l'oreiller, espérant ne plus entendre la musique ou pour ne plus penser à Capucine de l'autre côté de la cloison. En pure perte, évidemment.
Il hésita à disparaître chez Thanaclop, prétextant vouloir lire le journal d'Eric, mais il s'en abstint finalement. Penser à Capucine, même si cela virait au masochisme, était bien mieux que de repenser à toutes les révélations que Quentin lui avait faites.
Il finit par s'endormir un peu avant que la musique de Capucine ne s'éteigne.