Chapitre 20 - Capucine

Elle sortit de la pièce en souriant. Elle lui laisserait au moins un beau souvenir de la salle de potions en Bretagne.
Elle retourna dans la maison où elle trouva Gwen dans la cuisine qui allait monter avec une bouteille d'eau. Elle sursauta ne s'attendant pas à trouver Capucine ici. Les allers-retours mystère de la jeune femme était un mystère de plus. Elle avait beau parler de blablacar ils n'avaient entendu aucune voiture.

— J'aimerai bien discuter avec toi, dit elle avec moins d'assurance qu'elle n'en avait eu avec Noé.

Gwen resserra son châle autour de ses épaules. Capucine ne l'avait jamais vu celui-là. Ce devait être un cadeau de Viviane au vu du choix des couleurs.

— Bien entendu.

Capucine n'avait pas l'air dans son assiette. Quentin n'avait rien dit sur ce qu'il faisait en Norvège, mais, à son grand désarroi, ce devait être en lien avec ces maudits Huldres. Mais elle ne s'expliquait pas pourquoi il avait emmené Capucine, d'autant plus qu'ils ne s'étaient jamais entendus.

— Allons dans le salon.

Elle l'entraîna dans la grande pièce et s'installèrent dans un canapé. A cette heure, elles étaient seules.

— Quentin a découvert pourquoi je n'étais pas douée en magie... Et pourquoi un sorcier a pu entrer chez vous.

Elle ôta ses chaussures et ramena ses jambes contre elle.

— J'ai été maudite il y a 7 ou 8 ans... Et je suis devenue une "zone blanche" pour la magie.

Gwen fronça les sourcils un peu inquiète pour la jeune femme.

— Maudite ? Mais par qui ? Et pourquoi ?

Elle soupçonnait tout de même que cela ait à voir avec Eric : une sorcière malmenée ou jalouse par exemple.

— On a pas toujours fais de bonnes choses avec Eric et on ne s'est pas non plus toujours montrés très respectueux dans nos voyages.

Elle haussa les épaules.

— Je l'ai sûrement méritée... Mais c'est pas... C'est pas si grave.

Elle prit sa main dans la sienne.

— Je peux aussi vous protéger d'une certaine manière, dit elle doucement.

S'il y avait bien quelqu'un qui savait combien elle souffrait d'être si peu utile dans sa vie, c'était Gwen.

Gwen serra sa main et lui adressa un sourire affectueux. Avec les années, Capucine était devenue son amie et elle était également la fille qu'elle n'avait jamais eue. Elle connaissait ses parents et savait très bien qu'elle n'était pas à l'aise chez elle, et pas reconnue à sa juste valeur. Bien souvent, elle s'était désolée que Quentin la voit toujours comme une ennemie.

— Tu réussis toujours à voir le bon côté des choses, c'est une force chez toi.

— Je ne sais pas... Mais disons qu'il y a des choses bien plus grave.

Elle serra la main de Gwen. Elle avait perdu son mari et son fils. Cela aurait été malvenu de pleurer sur son sort.

— Comme ce que tu as vécu avec Thomas, dit elle dans un murmure.

Elle ne voulait pas qu'on les attende. Elle posa sa deuxième main sur la sienne. Lorsque Quentin lui avait dit la vérité, elle avait eu de la peine pour Gwen.

Ainsi, Capucine savait. Gwen baissa les yeux. Depuis sa discussion avec Quentin, elle pensait souvent à Thomas et à l'inquiétude permanente qu'elle ressentait pour les deux fils qui lui restaient. Elle ne pouvait même pas en parler avec Gauthier. Le pauvre se sentait encore tellement responsable de ce qui était arrivé.

— Il t'a raconté, alors, murmura-t-elle à son tour.

Elle releva les yeux vers Capucine. Ils étaient un peu trop brillants, mais elle ne voulait pas pleurer. Elle avait l'impression de ne faire que cela dans l'intimité de sa chambre depuis un mois.

Elle hocha la tête et murmura :

— Pas simplement à moi. Mais il préfère que ça ne se sache pas. Nous serons tous discrets.

L'inquiétude passa un peu plus dans le regard de Gwen. Capucine devait parler d'Alexis, de Joanna et d'Ahmed. Quentin n'avait pas pu impliquer Noé plus qu'il ne l'était dans cette histoire, pas après leur discussion.

— Je suis surprise qu'il t'en ai parlé. Vous ne vous êtes jamais bien entendus tous les deux...

Elle serra un peu plus sa main.

— Mais je suis contente qu'il l'ait fait. Ce secret... ça a toujours été une torture, et depuis la mort d'Aurélien, plus personne ne pouvait comprendre.

— Je suis là Gwen... Je l'avais déjà dit avant mais c'est encore plus vrai maintenant.

Elle lui sourit avec une affection évidente.

Gwen lui rendit son sourire.

— Et tu sais que l'inverse sera toujours vrai. Tu es comme ma fille, Capucine.

Elle sembla réaliser quelque chose et demanda :

— Tu ne vas pas être obligée de quitter la maison maintenant que tu sais pour ta malédiction ? J'espère que Quentin n'a pas été te dire qu'il fallait que tu ailles vivre ailleurs.

— Je suis vraiment désolée, Gwen...

C'était vraiment un sale coup à lui faire ainsi qu'à Noé.

— Je prends le loft... Mais peut être que Quentin finira par libérer Alexis et qu'il partira...

— Au moins, tu ne seras pas loin et nous continuerons à prendre nos petits déjeuners ensemble, en famille.

Gwen soupira tristement, même si elle comprenait.

— Sophie a fini par savoir qu'il avait volé le parchemin du lien. J'ignore comment il s'y est pris, mais elle était furieuse. Elle me fatigue...

Toute cette situation l'épuisait.

— Je serai plus tranquille si Alexis retournait à Périgueux et faisait sa vie. Le savoir dans la maison, même s'il semble avoir retrouvé toute sa tête...

— Il est toujours pénible mais il ne transforme plus les objets en... autre chose.

Elle hésita avant de dire :

— Il faudra que j'évite de venir manger avec vous. Ma présence annule les sortilèges de protection et vous n'allez pas passer votre temps à les refaire...

Cette nouvelle contraria Gwen.

— Mais tu ne peux pas rester dans le loft toute seule pour le dîner tous les soirs !

Quentin finirait bien par reprendre ses habitudes horaires une fois que tout se serait calmé, ou il partirait pour l'Angleterre avec Bo. Quant à Noé, il allait avoir un emploi du temps chargé à la rentrée, elle n'était pas sûre qu'il rentre tous les soirs.

— Alors je suppose qu'on mangera sur la terrasse... Ou que je t'inviterai à manger chez moi. Je cuisine très bien les plats Thaï et les recettes végétariennes, dit elle en lui souriant.

Pourtant elle se dit que le petit déjeuner avec un Noé coiffé comme l'as de pique, lui manquerait aussi. Elle se demanda s'il avait fini par quitter l'atelier des potions. Qu'est-ce qu'il pouvait bien penser ?

Gwen retrouva le sourire à cette perspective.

— Il faudra qu'on se fasse ce voyage en Asie dont nous avons parlé, quand tout sera fini.

Elle lâcha ses mains et se renfonça dans le canapé. Penser à l'Asie lui faisait penser à Eric. Il avait beaucoup voyagé dans cette partie du monde avec Capucine et Alexis.

— Est-ce qu'Eric te manque encore parfois ?

Capucine se refusait à dresser un portrait négatif d'Eric à sa mère. De toutes manières, elle savait bien qu'il n'était pas un agneau. Il l'avait vu s'afficher avec d'autres filles ou quand elle avait reçu le sms annonçant que c'était fini entre eux. Mais justement c'était amplement suffisant.

— Oui... Je lui en veux pour beaucoup de choses mais... On a passé de bons moments et il me sortait de mes sentiers battus. Il m'a montré que je pouvais être autre chose que jolie justement...

Elle en avait bavé mais au final elle avait appris à se battre pour obtenir ce qu'elle voulait. Juste que maintenant elle ne savait plus pourquoi le faire...

Gwen sourit légèrement. Elle n'ignorait pas que Capucine avait souffert de l'égoïsme d'Eric pendant des années.

— J'ai encore du mal à me dire qu'il ne franchira plus la porte de la maison...

Cela faisait à peine un mois que son fils avait été enterré et il s'était passé tellement de choses depuis.

— Gauthier essaye de me faire penser à autre chose. Il voudrait m'emmener en voyage quand les enfants auront passé leurs examens.

— C'est une bonne idée. Moi je m'occuperai de Noé. Il va filer doux avec moi, dit elle en souriant.

Peut être même qu'elle pouvait le traumatiser et le pousser à rester dans sa chambre juste en lui montrant ses seins.

— Tu es la seule qu'il écoute vraiment de toute façon. Tu pourrais lui faire faire tout ce que tu veux rien qu'avec un sourire, s'amusa Gwen à cette pensée.

Capucine ne le savait pas. Si elle en abusait avec les autres, elle n'avait jamais essayé avec Noé. Elle n'avait pas de raison de le faire.

— Ça lui passera. Je peux dormir dans quelle chambre ?

Gwen se leva, replaçant son châle sur ses épaules.

— Je vais te montrer.

Juste avant de sortir du salon, elle prit Capucine dans ses bras comme une mère l'aurait fait avec sa fille. Elle lui sourit, puis l'entraina jusqu'à l'étage et la chambre contigue à celle de Noé.

Capucine réalisa que ses affaires étaient dans le placard du jeune homme. Mais peut être qu'il n'était pas encore remonté.
Elle souhaita une bonne nuit à Gwen et frappa un coup à la porte de Noé.