Chapitre 19 - Destination Brocéliande

— Ça va, j'ai mon pull, dit elle. Mais c'est vrai que j'ai jamais vu une baraque aussi froide et humide de toute ma vie... Je sais pas comment elles font en hiver.

— Elles se réchauffent au chouchen, fit-il avec amusement.

Il bougea un peu, l'obligeant à ôter sa tête de son épaule, et tira le couvre-lit sur leurs jambes. Il en profita pour se pencher vers son visage comme s'il allait l'embrasser. Il resta à la regarder dans les yeux une poignée de secondes, lui sourit et reprit sa place.

Clementine fronça les sourcils. Elle se demandait vraiment s'il ne se moquait pas d'elle depuis quelques jours. Peut être voulait il lui démontrer qu'elle voulait être avec lui et la jetterait si elle tentait quoique ce soit. Elle ne pouvait pas croire qu'il puisse être si cruel.

— Je pense qu'on va pas tarder à rentrer... Mon père ne pourra pas rester toujours loin de son travail.

C'était même étonnant qu'il ait accepté une si longue retraite dans ce no man lands. Peut être que de pouvoir roucouler avec Gwen lui plaisait bien... C'était quand même bizarre à voir.

Sous la couverture, la main de Noé avait retrouvé sa place sur la cuisse de Clém, reprenant ses caresses.

— Il ne m'a pas paru prêt à rentrer, surtout si ma mère reste ici jusqu'à ce que le Boss ait donné son autorisation à notre retour à Paris.

Quentin appelait régulièrement pour prendre des nouvelles, mais il ne lâchait rien sur ce qu'il trafiquait en Norvège avec Capucine et Alexis. Noé ne lui avait pas parlé depuis leur départ alors qu'il appelait Capucine presque tous les jours.

— Tu passes beaucoup de temps au téléphone avec lui. Il ne t'a rien dit ?

Visiblement Clémentine n'imaginait pas qu'il puisse discuter aussi longtemps avec une autre fille. Même si elle avait parfois eu un doute en le voyant sourire à l'autre bout du ponton.

Noé se dit que s'il voulait avoir une chance d'aller plus loin que la cuisse de Clém, il valait mieux la laisser croire que c'était à son frère qu'il parlait plutôt qu'avec Capucine.

— Non. Il veut surtout s'assurer que je bosse pour mes exams et que j'avance sur les potions qu'il m'a demandé.

Noé passait plusieurs heures par jour dans le laboratoire des tantes pour cela d'ailleurs.
Il décida de couper court à cette conversation à hauts risques. Il se tourna vers elle et tenta sa chance, se penchant à nouveau vers son visage. Elle sentait toujours bon les agrumes. C'était un parfum qui lui avait toujours plu.

— On n'est peut-être pas obligés de parler de lui... murmura-t-il en l'embrassant.

Clementine se sentit terriblement faible. Pourtant quand elle avait été loin de lui, elle s'était dit qu'elle avait mieux à faire mais depuis qu'elle était ici, les manières de Noé ne la laissait pas indifférente.
Elle sentait qu'il avait envie dans une direction plus intime qu'elle ne pouvait que suivre naturellement. Elle répondit à son baiser en l'attirant sur elle.

Noé se sentit à la fois soulagé qu'elle ne le repousse pas et fier d'arriver à ses fins. D'autant plus qu'elle n'avait pas l'air de vouloir discuter avant qu'ils passent à l'étape suivante, ni qu'il la rassure sur leur relation ou la suite.
Il l'embrassa avec plus de fougue et sa main remonta sous sa chemise de nuit pour trouver sa poitrine. A son âge, les préliminaires ne dureraient pas très longtemps. Il trouvait même ça un peu chiant quand ça s'éternisait, mais il n'était jamais contre malaxer les seins de Clém.

Clem finit par écarter ses lèvres des siennes pour lui demander s'il avait ce qu'il fallait. Elle lui demanda aussi de faire un sortilège de silence. Elle n'avait pas envie que ça arrive aux oreilles de son père par les tantes. Elles avaient beau dire qu'elles jouaient aux échecs, la jeune fille les imaginait bien les écouter en douce. Cette idée la mettait très mal à l'aise.

Noé obéit bien sagement et insonorisa la pièce. Il dut se lever pour aller chercher un préservatif et pousser son ordinateur du lit. Il se débarrassa de son tshirt et de son sweat en revenant au lit, dévoilant son tatouage à Clém pour la première fois depuis qu'ils étaient arrivés en Bretagne.

— Tu as un tatouage sur le bras ? Dit elle aussitôt.

Elle se garda bien d'y toucher, sans trop savoir pourquoi. Elle était certaine que c'était un truc magique connaissant Noé.

— Ta mère est d'accord ?

Il l'attira contre lui pour l'aider à ôter son pull.

— Tu rigoles ? Elle n'en sait rien.

Il avait bien pris garde à ne pas traîner uniquement en tshirt ces derniers jours quand les autres étaient dans les parages. Il se doutait que sa mère ignorait tout de Thanaclop et il n'avait pas envie qu'elle vienne lui faire la leçon sur le tatouage.

- Tu veux dire que tu ne baigneras plus jamais dans ta piscine ?
Elle le regarda encore.
- il sert à quoi ?

— Quand je serai majeur, elle aura plus rien à dire.

Il l'embrassa à nouveau, n'ayant aucune envie de répondre à l'autre question. Il se rendit compte qu'il n'avait pas l'intention de l'emmener chez Thanaclop, ni même de lui parler du démon. Clém allait compliquer les choses, arguerait que c'était dangereux, et bla bla bla. Mine de rien, le tatouage et le démon étaient aussi une histoire entre lui et ses frères et même s'il ne savait pas encore quoi en penser réellement parce qu'il ne s'était pas attardé sur la question, il estimait que Clém ne pouvait pas comprendre. Alors que Capucine, elle...

Clem abandonna l'idée d'obtenir une réponse de Noé à cet instant, elle savait bien que dans ces moments là c'était peine perdue. Il obtint assez rapidement ce qu'il voulait. Ce n'était que la deuxième fois qu'ils le faisaient sans potion et la différence se faisait tellement sentir que les vannes de Bo ne purent que revenir en tête à Noé. Clémentine ne se plaignit pas, restant lovée dans ses bras mais il sentait bien qu'elle n'avait pas vraiment eu le temps d'y prendre totalement plaisir elle aussi.

- c'est la voiture de mon père, il va falloir que je regagne ma chambre. On dirait qu'il sait quand j'y suis pas...

Noé n'était pas vraiment satisfait. C'était comme s'il manquait un truc alors qu'il avait physiquement été jusqu'au bout. Est-ce que ça venait du fait qu'ils l'aient fait sobres et sans potion pour rendre ça plus fun ? Etait-ce à cause des réflexions de Bo ou de ce qui se passait avec Clém depuis leur arrivée ? Il ne savait pas vraiment. Clém n'était pas la première fille avec qui il couchait, il y en avait eu deux avant elle, mais elle était sa première véritable relation durable. Cela faisait 4 mois et demi qu'ils étaient ensemble et, finalement, ils n'avaient franchi le pas que très récemment.

— Ok.

Il se dégagea le premier pour la laisser se rhabiller et enfiler ses fringues à son tour. Il l'observa : Clém était une très jolie fille, encore plus sans ses vêtements, et les premiers temps, il adorait simplement la regarder. Ils avaient fait rapidement de la magie ensemble et cela les avait beaucoup rapprochés, surtout qu'elle n'était pas contre expérimenter des trucs avec lui, se laissant porter par les idées et l'enthousiasme de Noé. Mais là, alors qu'elle renfilait son pull, il n'avait pas envie de la retenir plus longtemps comme il l'aurait fait avant.

Elle revint près de lui pour l'embrasser et lui sourit.

— A demain, Noé, dit elle avec sa douceur habituelle.

Elle quitta la chambre pour regagner sans bruit celle d'en face. Il ne fallut pas longtemps pour que Gauthier monte et y frappe. Tous les soirs, il venait lui souhaiter bonne nuit, s'assurant qu'elle allait bien et passant parfois jusqu'à un quart d'heur-vingt minutes à discuter avec elle. Mais quand Noé en parlait avec sa petite-amie elle semblait ne pas voir ça comme des moments de complicité. Elle disait juste qu'il vérifiait son anémie, ses constantes comme si elle était une machine dont il fallait faire la maintenance chaque soir.

Gauthier n'était pas médecin et Noé savait par Clém qu'il essayait de guérir son anémie par magie, mais que cela ne fonctionnait jamais, peu importait le sortilège. Lui-même avait bien essayé, que ce soit avec son pouvoir d'absorption ou par ses potions. C'était une des raisons qui l'avaient poussé à descendre plus souvent à la bibliothèque ces dernières semaines, mais il n'avait rien trouvé de probant. La magie qu'il lui envoyait ne s'ancrait pas et elle avait fini par lui demander d'arrêter car elle voyait bien qu'il risquait de s'épuiser. Quant à absorber son mal, cela ne fonctionnait pas avec son type de pathologie. Peut-être que son père aurait su ou Quentin, mais Noé en doutait, sinon son frère aurait aidé Clém depuis longtemps. Cela devait faire partie de ces maladies que même un de Lyonesse ne pouvait guérir.