Chapitre 9 - Magie et sorcellerie

Elle entendit vaguement la voix de Quentin mais elle se sentait incapable de lui répondre. Elle n'était jamais malade et n'avait jamais fait de malaise. Elle avait tellement chaud et elle avait du mal à garder les yeux ouverts.

— Elle fait un malaise, dit Alexis qui s'était relevé.

Mais il ne comprenait pas pourquoi elle choisissait de faire son intéressante maintenant.

Quentin l'attira contre lui bien qu'il ne soit guère plus vaillant. Il souffrait beaucoup moins, mais sa fièvre et la fatigue était toujours là. C'était simplement plus supportable, presque comme d'habitude.

— Fais la boire, proposa Jo en tendant la bouteille à Quentin.

Il colla le goulot sur les lèvres de Bo, la tenant fermement de son autre main. Il ne savait pas qui avait le plus chaud entre elle ou lui, mais c'était comme si elle aussi avait de la fièvre.

Comme elle s'étouffa avec l'eau, cela eut le mérite de lui faire reprendre connaissance. Alexis prit la bouteille et lui en jeta à la figure.

— Quand on s'évanouit y a que ça. J'en sais quelque chose, dit il en haussant les épaules.

Bo ne se sentait pas très vaillante mais l'eau lui avait fait du bien.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-elle à voix basse.

Alexis avait arrosé Quentin en même temps, mais il n'eut pas le temps d'engueuler le Substitut que Bo revenait à elle.
La gardant toujours contre lui, sa main libre vint se poser sur sa joue avec douceur, mais son regard était inquiet. Ce qui était un comble quand on voyait son état.

— Je ne sais pas trop...

Il avait senti de la magie lui venir en aide. Une magie similaire à la sienne. Cela avait été très bref, mais il ne pouvait se tromper. Il n'y avait donc qu'une seule explication possible.

— Je crois que le bébé... enfin, sa magie, a fait disparaître une partie... Je crois qu'il m'a aidé.

Cela le laissait perplexe. Il savait qu'on pouvait ressentir la magie d'un bébé avant la naissance, il l'avait déjà sentie l'autre fois. Mais qu'elle agisse d'elle-même, d'autant plus que Bo n'était enceinte que de trois mois... C'était encore un minuscule embryon. S'il avait déjà autant de pouvoir, cela pouvait expliquer que la fausse Kelly ait voulu s'en emparer.

Joanna avait baissé la tête, resserrant ses doigts sur sa montre. Encore un peu de pouvoir pour rester elle-même. Encore un tout petit peu.
Peut-être que Quentin avait raison, peut-être que la magie du bébé s'était mêlée à celle de Bo pour l'aider alors qu'il était au plus mal. Après tout, le ventre de la jeune femme scintillait encore plus que le reste de son être, il devait donc y avoir une raison. Mais Jo pensait surtout que c'était la magie propre à Bo qui avait agi sans qu'elle le sache, mais elle ne pouvait le dire. Que penserait Quentin s'il savait ce qu'elle voyait d'eux et qu'elle le lui avait caché tout ce temps ?

— C'est qu'il doit sentir que tu feras un super tonton, fit-elle d'un air plus détaché.

Elle se tourna vers Alexis.

— Qu'est-ce que t'as foutu, toi ? Qu'est-ce que tu lui as fait ?

S'en prendre à Alexis la distrairait un peu du reste et cela lui ferait du bien.

— Mais rien ! Ça va être de ma faute encore bordel ! s'écria Alexis.

Il soupira.

— Je l'aide à monter et toi t'aide Bo, dit il à Joanna.

Bo n'était pas sûr que ce soit son ventre ou ce quil y avait dedans qui avait fait un truc. mais comme on avait pas entendu de vent ou vu d'ombres, elle était soulagée.

Jo lui aurait bien décalqué la tête, là, juste pour se sentir mieux, mais elle prit sur elle. Alexis aurait glapi si fort qu'il en aurait réveillé toute la maison. Avec tout ce bordel, c'était déjà étonnant que Gwen ne l'ait pas été ou même Capucine.
Bo entendit Jo marmonner qu'Alexis aurait pu tuer Quentin alors qu'elle s'approchait pour l'aider à se relever.

— Q, si tu veux monter te coucher, il faut la lâcher, fit-elle en retrouvant un sourire amusé.

Quentin se rendit compte qu'il tenait toujours Bo contre lui, sa main sur sa joue, et il dut faire un effort pour s'écarter.

— T'en fais pas, je vais pas la lâcher dans les escaliers, reprit Jo en aidant Bo à se lever en la soutenant de son mieux.

Il fallait vraiment que Jo aime Quentin pour s'infliger cette torture. La proximité de Bo et de sa magie faisait réagir tout son corps de la pire des manières. Si encore elle en avait profité dans la voiture pour récupérer celle de Quentin qui s'échappait de sa blessure ! Mais non ! Elle avait été trop raisonnable, et trop inquiète surtout, pour penser à elle-même plutôt qu'à lui. Ce qui était d'autant plus stupide qu'il ne s'en serait pas aperçu vu son état.

Alexis se chargea d'aider Quentin en poursuivant sa litanie de "je l'avais dit... Avec Eric ça fait pas ça... Mais j'étais le substitut d'Eric... Pas celui de Quentin... Et puis cette fille elle a pu faire tout capoter... On sait pas ce qu'elle a vraiment fait..." en français bien entendu. Peut être parce qu'Alexis se sentait moins heureux quand il devait réfléchir à la façon de le dire.
Bo commença à se sentir mieux dans la montée des escaliers. Elle se dégagea de Joanna et resta à côté d'elle pour marcher.

— Il s'est passé quoi ? Je veux dire avant votre arrivée ici.

Joanna resta à ses côtés, histoire de surveiller qu'elle ne refasse pas un malaise.

— Hier soir, il a déjà soigné quelqu'un, un ancien client de son père. Un cas assez lourd. Il n'a pas eu le temps de récupérer qu'il a enchainé avec deux petits cons qui se la jouaient Harry Potter. Des gamins de deux familles rivales qui se sont affrontés avec leurs pouvoirs. Il y en avait un de gravement blessé. L'autre l'avait envoyé valser contre une grille et il s'est ouvert le bide.

Elle soupira, fatiguée autant par sa journée que de voir Quentin s'épuiser pour ce genre de choses.

— J'espère vraiment qu'il est bien payé.

Même si elle n'avait pas d'intêret pour l'argent, elle savait que Quentin aimait bien en avoir pour le donner aux autres.

— Oh, ce n'est même pas lui qui encaisse le fric, c'est la société.

Elle jeta un oeil vers son ami qui avançait soutenu par Alexis.

— Si au moins Alexis remplissait son rôle, il n'aurait jamais été dans cet état.

— Mais ce serait Alexis qui serait dans cet état... Je suis pas sûr que ce soit mieux. Même si bien sûr, comme tout le monde, je ne peux pas encadrer Alexis.

Elle haussa les épaules.

— En faite, je crois qu'il serait encore plus insupportable.

— ça, c'est sûr. Depuis trois ans que je le connais, ça ne s'arrange pas en plus.

Cela ne risquait pas, d'ailleurs, maintenant qu'Eric était mort et le lien rompu.

Alexis aida Quentin à s'allonger dans son lit. Il aurait peut être été plus juste de dire qu'Alexis avait lâché, Quentin sur son lit mais il ne tomba pas de très haut.

— C'que t'es lourd, marmonna-t-il en se massant l'épaule.

Quentin s'était contenté de serrer les dents, mais il était content d'être enfin sur son lit. Il n'avait plus qu'à dormir et tout serait rentré dans l'ordre le lendemain matin.

— Merci.

Cela s'adressait autant à Alexis qu'à Jo et Bo.

— Tu te sens mieux ? demanda-t-il en regardant Bo.

Comme il ne voulait pas se redresser, il essaya de retirer ses chaussures avec ses pieds, sans les délacer, ce qu'il ne faisait jamais pour ne pas les abîmer.

Bo récupéra ses chaussures avant qu'elle ne tombe.

— Tu veux quitter le reste aussi ? Demanda-t-elle.

— Et c'est reparti, soupira Alexis.

Il quitta la chambre en lançant en anglais cette fois :

— Quoique vous fassiez garde ton putain de portable avec toi.

— Je peux m'en occuper si tu veux aller dormir, proposa Joanna.

Elle glissa la main dans la poche de pantalon de Quentin pour récupérer son portable et le poser sur la table de nuit.

— ça ne sera pas la première fois.

Bo la regarda faire avec attention. Si Quentin avait été du genre à boire, elle aurait pu concevoir que plus d'une fois Joanna ait pu l'aider. Mais là, c'était un autre contexte. Elle regarda Quentin pour voir ce qu'il allait dire.

— Jo, c'est bon, murmura-t-il mais sans grande conviction.
— T'as déjà ruiné une chemise, tu t'en remettras pas si tu dors avec ton pantalon.

Sans hésitation, elle lui enleva ses chaussettes et il ne fallut pas longtemps pour qu'il se retrouve en boxer noir. Ses gestes avaient été doux pour ne pas réveiller les douleurs de Quentin. Son regard reprit cette lueur inquiète quand il se posa sur les ecchymoses et la cicatrice rougie.

— Il ne reste plus que la chemise, fit-elle en pliant le pantalon avec soin.

Bo s'était retranchée dans son activité préférée : l'observation. Elle prit des notes sur les gestes, les regards et la mots de Joanna mais tout autant des réactions de Quentin.
Elle savait qu'il n'aimait pas Capucine et se raidissait dès qu'elle le touchait. Paradoxalement elle avait l'impression que ça n'en émoustillait que plus la jeune femme. Un peu comme Kelly avec Connor.
En revanche avec Joanna, il était plus détendu et ne s'écartait pas quand elle le touchait.

— Bonne nuit, dit elle finalement.

Elle sortit de la chambre pour regagner la sienne et retourna dans son lit. Elle fixa le plafond en réfléchissant. Cette famille et les gens gravitant autour était très étrange. Rien ne semblait simple ou naturel et tout était très malsain, jusque dans les relations qu'ils entretenaient les uns avec les autres. Pourtant quand elle se retrouvait seule avec Quentin, ça ne lui semblait pas ainsi. Comme s'il s'acclimatait à cet environnement alors que dans le fond il aspirait à autre chose.
Elle attrapa son téléphone et envoya un sms à Géraldine : "Je suis à Paris. Ce serait bien qu'on se voit. Tu pourrais me rendre ce que je t'ai confié. Bisous. Bo". Elle le lâcha sur l'oreiller et ferma les yeux.

Cinq minutes plus tard, elle entendit Joanna quitter la chambre de Quentin et le silence reprit possession de la maison.


Quand Bo ouvrit les yeux, le réveil indiquait presque 10h et elle avait une faim de loup. Une fois habillée, elle comptait bien rejoindre la cuisine d'Annie pour prendre son petit-déjeuner quand elle croisa la cuisinière qui montait l'escalier avec un plateau bien garni.

— Bonjour, mademoiselle Bo, fit-elle avec un sourire et un anglais au très fort accent français. Avez-vous bien dormi ?

— Y a un jour dans la semaine où vous faites pas les repas ? Demanda Bo en lui adressant un oeil critique.

Jusqu'à présent, elle la voyait tout le temps s'activer aux fourneaux.

— J'ai à peu près tous mes week end. Vous rencontrerez Marianne le samedi et le dimanche. Je redescends tout de suite vous préparer le petit-déjeuner. J'apporte son plateau à Monsieur Quentin.

Avant que l'une ou l'autre puisse dire quoique ce soit, la troisième se manifesta.

— Je vais m'en charger, Annie, dit Capucine en reprenant le plateau.

Elle était encore une nuisette de satin et seule une robe de chambre dans la même matière dissimulait sa silhouette. Bo lui trouvait la taille et les jambes vraiment trop mince mais elle savait que c'était les critères à la mode. Et puis pour le reste, la jeune femme était vraiment faites à la perfection.

— Je vais me faire mon petit déjeuner toute seule et j'irais le manger sur la terrasse, dit Bo.

Elle sentait que Capucine allait donner à Quentin la force de quitter son lit. Mais c'était étonnant car Bo était certaine que tous les mecs avec qui elle avait grandi, aurait eu une érection monstrueuse rien qu'en la voyant entrer ainsi avec un plateau bien garni et un regard démontrant qu'elle était totalement disponible.

Comme tout le monde ici, Annie connaissait Capucine depuis des années. Elle l'avait vue traîner dans les couloirs de la maison dans toutes sortes de tenues, voir sans rien sous les draps lorsqu'elle lui apportait le petit-déjeuner dans la chambre d'Eric au temps où ils étaient fiancés. Elle n'était néanmoins pas certaine que Quentin apprécie que ce soit elle qui lui apporte le plateau, mais elle pouvait se tromper.

— Il vient tout juste de se réveiller, dit-elle simplement.

Elle revint à Bo.

— Voulez vous du thé ce matin ? Ou un chocolat ? lui demanda-t-elle en commençant à descendre l'escalier.

— Mais Annie, je sais me préparer un chocolat chaud, soupira Bo en la suivant. Ce sont les autres qui sont pas normaux...

Capucine fut satisfaite de les voir partir et monta à l'étage. Elle entra sans faire de bruit dans la chambre, allant porter le plateau sur le bureau.