Chapitre 7 - Menace nocturne

— Si. Et je croyais tellement que c'était terminé... Que la mort d'Eric c'était la fin de tout ça. J'étais tellement naïve, murmura-t-elle en regardant la nuit.

Le pire c'est qu'elle ne comprenait pas. Avant il y avait eu les ombres et elle avait appris à les gérer en sortant sa colère, sa peur, en extériorisant ces émotions dès qu'elles naissaient en elle. Et puis aussi, en les oubliant dans les bras des garçons.

Quentin se leva, devançant Connor qui était encore affaibli. Il la sentait perdue et, pour une fois, ne savait pas quoi dire pour essayer de la rassurer. Ce n'était pas le moment d'avoir une discussion sur ce qu'elle ne disait pas.
Il hésita, puis posa sa main sur son épaule.

— Ce sera bientôt terminé. Je trouverais cette femme et elle ne te fera plus de mal, ni à toi, ni à ceux à qui tu tiens.

Il ne lui restait plus qu'à faire venir d'autres de ses hommes et à lancer une chasse aux sorcières dans tous les environs. C'est ce qu'il aurait du faire dès le début au lieu de faire la connaissance des Hendricks.

Elle le regarda.

— Non. Ça ne s'arrêtera jamais. C'est comme dans les jeux vidéos de zombie, on a beau tous les tuer, il en vient toujours un autre. Ça me poursuit.

Elle réalisa qu'il serait peut être temps de se taire avant que Quentin ne finisse pas mettre des choses bout à bout. Elle regarda Connor. Qu'est-ce qu'elle allait lui dire ?

Quentin n'aurait pas pu se détacher de son regard si elle n'avait pas tourné la tête la première. Il avisa Connor qui s'était finalement relevé.

— Comment tout ça a pu arriver ? Qui est cette nana ? Comment ça se fait qu'elle avait la tête de Kelly ? Et... Merde ! Les gosses !

Connor sentit une angoisse sourde au creux de son estomac. Et si cette femme allait voir ses enfants ? Si elle leur faisait du mal ?

— Vos enfants sont en sécurité, Mr Watson.

Il avait appelé Alexis et Franck. Ce dernier était parti chez les Watson pour s'assurer justement que la mère de Connor et les enfants n'étaient pas en danger.

— Comment vous pouvez le savoir ?

Quentin soupira. Il n'avait pas besoin d'absorber les émotions de Connor pour sentir sa panique. Il franchit les quelques pas qui les séparaient et posa son index sur le front du jeune homme en murmurant quelque chose. Aussitôt, Connor se figea. Quentin l'aida à s'asseoir sur le lit.

— Je ne lui ai rien fait de mal, précisa-t-il à Bo. Je veux juste éviter qu'il panique.

— Ce serait mieux qu'il dorme et ne se rappelle de rien. Si tu sais faire ça aussi.

Elle resta à fixer la nuit.

— Il ferait mieux de m'oublier tout court.

— Je ne suis pas spécialiste de ce type de magie, mais je peux au moins effacer ses souvenirs récents. Je le ramènerai chez lui et il ne se souviendra que d'être allé chez ton oncle.

Quentin devait se concentrer sur Connor plutôt que sur ce que dégageait Bo à cet instant.

— Non. Non. Il vaut mieux qu'il se réveille ici et aille chercher les petits demain matin comme il l'a dit à sa mère. Elle est... pénible.

Elle réalisa que dire tout ça devant Connor c'était horrible. Elle revint près de lui et s'accroupit à sa hauteur. Elle posa sa main sur sa joue.

— Toi et moi on a un lien très fort. Tu as beaucoup souffert à cause de moi, Connor. Ça doit cesser ou tes enfants finiront par te perdre. Stephen n'avait pas tout à fait tord me concernant. Je... Je vais partir quelques temps de Port Hallen, lui dit elle avec douceur.

Connor avait le regard dans le vague. Il avait l'esprit dans du coton et s'il entendait ce qu'elle disait, cela n'atteignait pas tout à fait son cerveau. Du moins ne pouvait-il y réagir.

Elle l'embrassa doucement sur les lèvres.

— Merci d'avoir toujours été si gentil avec moi, souffla-t-elle.

Elle se leva et alla dans la cuisine. Elle mit la cafetière en route et envoya un sms à Dimitri pour savoir s'il allait bien.

Dimitri lui répondit relativement vite compte tenu de l'heure. Soit il ne dormait pas encore, soit il avait un 6e sens pour bondir sur son téléphone au moindre sms.

Ici c'est ok. Et toi ?

Elle vit les couleurs de la pièce redevenir normales d'un coup alors que Quentin s'occupait d'effacer l'attaque et la fausse Kelly de la mémoire de Connor.

Tout est Ok. Quentin veille sur moi. Je te raconte demain.

Elle soupira en regardant les fenêtres. Son assurance allait la maudire. Après l'incendie, la tempête localisée ? Elle s'assit à la table de la cuisine, regardant le bas de son tee-shirt de nuit maculé du sang de Connor.

Dimitri avait répondu d'un simple "ok, essaye de dormir".
Quentin ne fut pas long à la rejoindre. Il jeta un coup d'oeil rapide autour d'eux. Cette maison était ridiculement petite. Même le cabanon du jardinier de St Germain était plus grand que cela. Même sa salle de bain l'était, il en était sûr. Brièvement, il se dit que ce devait être impossible de vivre dans aussi peu d'espace.
Le jeune homme s'assit en face de Bo et posa sa main sur la sienne.

— Il n'a plus aucune trace de blessures et demain matin, il ne se rappellera de rien, dit-il doucement.

Il se demandait comment ils allaient gérer l'explosion des vitres de tout le quartier.

— Merci, dit elle en essuyant une larme de sa main libre.

Mais elle ne pleura pas davantage. Elle lui montra le café d'un signe de tête. Cependant, elle retenait sa main ce qui compliquait la tâche.

— Comment tu te sens ? demanda-t-il sans bouger.

Il l'observait avec plus d'attention que d'ordinaire. Il fallait qu'il la protège, c'était une sensation viscérale comme jamais il n'en avait ressentie.

— Mal. Mais je ne suis pas blessée.

Elle toucha son cou, il n'y avait plus de traces de blessure. Elle le regarda.

— Tu as encore tout pris sur toi...

Elle en était désolée.

Il écarta cela d'un geste de sa main libre.

— Ce n'est pas important.

Ce qu'il avait absorbé n'était pas grand-chose ce soir. Il en serait débarrassé dans quelques heures et la fièvre serait bénigne comparée à l'autre fois.

— Est-ce qu'elle a dit quelque chose avant de s'en prendre à toi ?

Il fallait qu'il se concentre sur cette fille pour essayer de la retrouver. Il n'avait pas pu lui coller de traceur magique malheureusement, trop occupé à éviter la voiture qu'elle lui avait balancé dessus. Elle avait beaucoup de pouvoir.

— Tout s'est passé si vite...

Elle serra malgré elle un peu plus fort sa main.

— Elle a pris quelque chose en moi... Elle disait que j'en avais beaucoup. Surtout là, dit elle en montrant son ventre.

Elle ne comprenait pas. Eric ne lui avait jamais pris que ses ombres... Et cette chose voulait lui prendre... cette lumière coloré et transparente à la fois.

Quentin soupira. Sans s'en rendre compte, son pouce avait commencé à caresser la peau de Bo dans un geste rassurant.

— Alors, elle en avait après le bébé.

C'était bien ce qu'il craignait. Mais en voulait-on seulement à Eric et son fils ou à toute la famille ? A Noé ? Cette idée le glaça, mais Ahmed veillait de loin.

— J'ai ressenti sa magie l'autre soir, quand je t'ai ramenée à l'hôtel.

Elle baissa les yeux sur son ventre. Cette lumière qu'elle avait vu... Ce qui l'avait protégé d'Eric, du Golem et que cette sorcière avait voulu absorber... Cela venait du bébé. Elle avait pensé qu'il serait fait d'ombres car Dark Eric avait dit vouloir l'absorber complétement... Mais il s'agissait visiblement d'autre chose.

— Je comprends rien à tout ça, murmura-t-elle en relevant les yeux vers ceux de Quentin.

Si elle se sentait perdue et encore effrayée, elle se sentait moins seule depuis qu'il tenait sa main comme il le faisait. C'était une sensation étrange. Très agréable.

— Je sais. Bo... Je préférerai que les choses soient différentes, vraiment, répondit-il avec sincérité. Si j'avais à choisir, je voudrais simplement que tu vives une vie tranquille avec ton enfant, auprès de ta famille.

C'est ce qu'Eric aurait voulu, mais au-delà de cela, il sentait que c'était aussi son cas.

— Cela ne sera possible qu'une fois que cette menace ne pèsera plus sur toi et lui. Je vais trouver qui est derrière tout ça, mais cela me sera plus facile si je rentre à Paris. Je voudrais t'y emmener.

Bo hocha la tête.

— Je sais.

Dark Eric avait voulu l'emmener à Paris. Il y avait quelque chose là bas qu'il voulait plus que tout. Et elle avait également envoyé le journal qu'il cherchait là bas. Tout la ramenait à cet endroit.

— Je ne veux pas qu'on s'en prenne à ma famille et tant que je resterai... Je prends le risque que quelqu'un que j'aime meurt.

Son pouce vint frôler sa peau alors qu'elle entremêlait ses doigts aux siens. Elle se demanda s'il sentait lui aussi cette magie que tout le monde voulait lui prendre avec le même appétit.

Il la laissa faire bien volontiers.

— Je laisserais quelqu'un ici pour veiller sur eux, au cas où. Je ne les laisserais pas sans protection.

Il baissa les yeux sur leurs mains jointes. Il trouvait ce contact plaisant, rassurant...

— Tout ne sera pas facile là-bas, mais je ferais tout pour qu'il ne t'arrive rien, reprit-il en revenant au visage de la jeune femme. Je te le promets.

Cette promesse allait vraiment au-delà de celle qu'il avait faite à Eric, il le sentait.

— Ne t'avances pas trop. Il y a des choses avec moi qui prennent des proportions... inquiétantes. Bien avant qu'Eric n'arrive dans ma vie, dit elle.

Elle se leva pour servir le café avec la désagréable sensation que lâcher sa main coupait le lien intense qui passait entre eux.

— Dimitri refusera de rester ici, dit elle. Du sucre ?

— Noir, merci.

Quentin regarda sa main vide avec la même sensation qu'elle. Il préféra ne pas y penser.

— Si Dimitri veut venir, je ne l'empêcherais pas.

— C'est le mieux à faire, dit Bo avec un léger rire.

Rien ne pouvait arrêter son frère. Et puis, elle préférait qu'il soit près d'elle, sous ses yeux. Ils étaient plus forts ensemble et il savait la vérité. Enfin... presque.
Elle posa la tasse devant Quentin et reprit sa place en face de lui. Elle regarda sa main mais résista à la tentation. C'était ridicule. Un geste de couple ou de famille quand ça se répétait. Il avait juste voulu la rassurer.

— Je ne parle pas le français. Et je n'ai pas de bonnes manières, prévint elle.