Chapitre 7 - Menace nocturne

La NUIT  - Port Hallen  

Quentin s'était posté dans sa voiture depuis le départ de Bo et Connor. Il avait hésité à rappeler Franck pour le remplacer, mais avait finalement renoncé. C'était à lui d'assumer la garde cette nuit et ce n'était pas cette discussion extrêmement contrariante avec Bo qui allait lui faire oublier ses devoirs et la mission qu'il s'était assignée.
La jeune femme l'avait vraiment mis en colère à le provoquer de cette façon. Il ne comprenait pas comment elle pouvait se montrer à certains moments touchante et amusante, et à d'autres insupportable et d'aussi mauvaise foi. Le pire étant que cela influençait sur son calme légendaire et c'était sans doute le plus incompréhensible pour lui.
Il avait donc fallu quelques exercices de respiration pour qu'il retrouve son calme et qu'il cesse de ruminer après Bo. S'il avait eu un galet en main, cela aurait été plus efficace, il le savait très bien, mais ceux en porcelaine étaient restés à l'hôtel et, très franchement, vu qu'ils étaient des créations de Bo, il n'était pas sûr qu'ils l'auraient vraiment aidé. Finalement, il s'était concentré sur le peu d'éléments qu'il avait pour continuer son enquête, reclassant ses dossiers mentaux, essayant de comprendre, d'analyser... mais il n'était pas plus avancé que le matin.
En début de soirée, Michaël était passé lui apporter à manger et un thermos de café avant de prendre son poste chez Gills, mais depuis, il avait à peine touché à son sandwich. Il avait pris le temps de passer un coup de fil à sa mère, puis à Joanna, mais cette fois, il ne s'était pas étendu sur la journée et encore moins sur le reste.

Il était maintenant 1h du matin et il sentait la fatigue lui tomber dessus, comme toujours à cet horaire-là lorsqu'il devait faire une veille de nuit sans bouger. Cela ne lui était plus arrivé depuis longtemps à vrai dire. Désormais, les missions qu'il assurait lui-même n'étaient plus très nombreuses, et la plupart du temps, il était surtout là pour superviser une grande soirée ou un grand événement. Dans le cas contraire, il était toujours en binôme avec Jo.
Régulièrement, il tournait la tête vers la fenêtre de la petite maison où Bo avait disparu avec Connor Watson. La lumière s'était éteinte depuis longtemps, mais l'épicier, comme l'appelaient Dimitri et les jumeaux, n'était pas reparti pour autant.
Quentin se sentit piquer du nez et se resservit du café. Il était en train de terminer la tasse que devant ses yeux apparut des runes rouges lui indiquant qu'un sortilège était à l'oeuvre à proximité. Il eut à peine le temps de voir une silhouette féminine dans le rétro extérieur qu'il sombra dans le sommeil sans rien pouvoir faire.


Lexie crevait de faim. Tout son corps tremblait du manque de magie, elle avait des sueurs froides et le teint cireux. Elle avait aspiré le contenu de trois objets de pouvoir, mais cela n'avait guère servi qu'à pallier temporairement à son problème, le temps qu'elle mette son plan au point.
La jeune femme détestait cet état de faiblesse qui la faisait ressembler à un junky. Quand elle avait sa dose, quand son corps était comblé, elle était tellement puissante ! Elle se sentait tellement bien ! Pourquoi fallait-il que ça cesse aussi vite ? Elle se demandait souvent si son frère ressentait le manque de la même manière qu'elle. Dix ans plus tôt, ses symptômes étaient moins forts que les siens et il tenait le coup plus longtemps, mais aujourd'hui, qu'en était-il ? Comment faisait-il pour ne pas devenir dingue quand son corps le lâchait ?
Penser à son frère la mettait toujours en colère et c'était pire quand elle était en manque, aussi valait-elle mieux qu'elle évite si elle voulait se concentrer sur ce qu'elle était venue faire : s'occuper de Bo Hendricks.
Lexie avait foiré sa mission la veille. Le golem n'avait pas du tout atteint son but et la cible était toujours vivante. Elle n'avait pas fait son rapport encore, espérant encore rattraper les choses. Elle n'avait plus d'ombre et plus de réceptacle, mais une fois gavée de pouvoir, ce ne serait plus un problème.
Elle avait été très prudente, observant Bo Hendricks et Quentin de Lyonesse une partie de la journée au travers des yeux d'une mouette, puis d'un moineau. Cela avait mis à mal ses maigres réserves, mais elle ne voulait pas être imprudente. Le Français était puissant et sur le qui-vive, elle devait donc bien calculer son coup, d'autant plus qu'il était hors de question qu'il la voit. On l'avait bien mise en garde sur ce point. De toute façon, elle n'avait aucune envie de se mesurer à lui.
Elle aurait donc préféré que ce soit un autre que lui qui monte la garde devant la maison de Bo Hendricks, mais il avait tellement l'air de prendre son rôle de protecteur au sérieux que ce n'était guère étonnant. Lexie les avait vus se disputer et cela avait été fascinant et très douloureux pour elle. Il avait fallu qu'elle fasse appel à toute sa lucidité pour ne pas leur sauter dessus et assouvir sa faim.
Elle avait donc attendu que la nuit soit suffisamment avancée pour agir. Quentin de Lyonesse était bardé de protections magiques, bien évidemment, mais elle avait conservé deux objets de pouvoir pour mettre son plan à exécution. Le premier lui avait permis de changer d'apparence. Le second d'endormir le Français. Son alarme magique s'était déclenchée pour le prévenir, mais il n'avait pas eu le temps d'agir. Néanmoins, Lexie savait que cela ne durerait pas éternellement et il fallait donc qu'elle se hâte.

Elle n'eut même pas à forcer la serrure car la porte n'était pas fermée à clé. Elle entra à pas feutré dans la petite maison en fronçant le nez. C'était vraiment minable, même dans le noir, et guère pratique quand on venait tuer quelqu'un. Elle alluma la lumière de la cuisine et se faufila jusqu'à la petite chambre. Bo et Connor dormaient à poings fermés dans les bras l'un de l'autre, mais évidemment la jeune femme était du côté du mur. Lexis rabattit sa capuche, pas mécontente de l'apparence qu'elle avait prise, mais regarder Bo semblait rappeler à son corps combien il devenait urgent de se nourrir.
Elle sortit une lame de sa poche. Un joli petit poignard que sa famille lui avait offert et qui avait déjà ôté bien des vies pour permettre à la sienne de perdurer.

— Connor. Espèce de salopard, fit-elle en se penchant vers le jeune homme.

Le jeune homme remua légèrement, mais ne se réveilla pas. Elle lui colla une gifle et cette fois, il se retrouva assis dans le lit sans comprendre ce qui se passait.

— Hein ? Quoi ?
— T'as vraiment pas traîner, hein ? fit Lexie en le regardant d'un air mauvais.
— Ke... Kelly ? s'étrangla-t-il en secouant Bo pour la réveiller.

Sa femme était là, devant lui. Dans la lumière indirecte de la cuisine, elle paraissait livide et en nage. Connor se dit que ce devait être un cauchemar, mais quand elle glissa la lame de son poignard sur sa gorge, il trouva que le contact froid du métal était bien réel.

Bo était entrain de faire un rêve. Un rêve étrange où elle prenait le thé chez la reine avec Quentin. Alexis était un chien et il n'arrêtait pas de baver sur le tapis. Il finit par se mettre à grogner en la regardant et il prit la tête de Kelly.

— Non, protesta-t-elle dans son sommeil.

Connor la secoua plus durement.

— Bo !
— Bo ! singea Lexie.

Lexie aurait pu planter Connor et le laisse se vider de son sang, mais c'était risquer que les ombres de Bo se manifestent pour la tuer. Il valait mieux continuer de jouer sur la carte de la revenante. Sans compter que c'était tout de même jouissif de voir ce pauvre gars livide devant elle. Jouer le rôle de Kelly n'était en plus pas très compliqué. Leur histoire à tous les trois était si connue à Port Hallen qu'elle n'avait pas eu à beaucoup chercher pour trouver un moyen de pression.

— Allez ! Pouffiasse ! Debout ! cria Lexie en donnant un coup de pied dans le lit.

Bo ouvrit les yeux. Elle tourna la tête et vit Kelly. Avec la lumière de la cuisine, il n'y avait pas de doutes possibles. Elle s'assit et aperçut la lame.

— Laisse-le tranquille, dit elle.

Eric avait il pu changer de corps ? Prendre possession de celui de Kelly ?

— Et puis quoi encore ?

Elle appuya un peu plus sa lame sur la gorge de Connor qui essayait de réfléchir. ça ne pouvait pas être Kelly. Il l'avait vue dans le cercueil. Il l'avait enterrée. Sa femme était morte ! Mais pourtant, elle était là et elle les menaçait.

— Kelly, écarte ce truc, fit-il malgré tout.

Lexie lui adressa un sourire mauvais qui n'augurait rien de bon. Son regarda alla de Connor à Bo.

— ça fait même pas un mois que je suis morte et vous baisez déjà ! Si ça se trouve, tu l'as même sautée sur mon cercueil.
— Arrête ça !

Cette fois, Lexie regarda uniquement Bo.

— Tu m'as tout pris. C'est toi que je veux. Alors, si tu veux pas que je le tues d'abord, tu vas te laisser faire.

Et pour faire bonne mesure, elle joua de son poignard pour tracer une longue ligne ensanglantée sur le torse de Connor qui ne put retenir un cri de douleur.

Bo ouvrit de grands yeux. Elle jeta un oeil vers la fenêtre. Est-ce que Quentin était lié à tout ça ? Est-ce que c'était un piège ?

— Qu'est-ce que tu me veux ? dit elle finalement en la regardant.

Lexie avait du mal à ne pas lui sauter dessus. La main tenant le poignard tremblait de plus en plus. Bo brillait tellement de magie que c'en devenait insupportable pour son corps.
De sa main libre, elle fit un geste et Connor fut plaqué contre le mur.

— Ke... lly...

Il porta ses mains à sa gorge, la respiration coupée. Il avait la sensation d'une poigne de fer lui serrant le larynx, mais il n'y avait que le vide.

— Si tu bouges, je le tue. Si tu cries, je le tue. Si tu tentes quoi que ce soit, je le tue. Tu n'as pas envie que je prive nos enfants de leur père alors que tu as déjà tué leur mère.

Lexie ne connaissait que la version officielle de la mort de Kelly, mais c'était facile de broder.

— Tu sais très bien que c'est toi qui l'a tuée et pas moi, dit elle en s'efforçant de ne pas trop regarder Connor.

Si elle ne voulait pas paniquer, elle ne devait pas voir qu'il souffrait. Sa peur et sa douleur étaient terriblement contagieuse.

— Tu veux mes ombres pour être plus fort, c'est ça, murmura-t-elle en venant à la rencontre de Kelly.

Lexie ne comprit pas tout de suite ce qu'elle dit à cause de son cerveau embrouillé par le manque, mais il ne fallut pas longtemps pour qu'elle se souvienne de quoi Bo parlait : l'Oaf. Alors, c'était donc ce qui s'était passé. L'Oaf avait tué Kelly Watson. Mais qui l'avait tué, lui ? Bo avait-elle absorbé ses ombres ?

— Quand tu penses pas qu'avec ton cul, tu peux avoir des éclairs de génie.

Elle resserra les doigts de sa main libre et Connor se mit à battre des jambes, essayant toujours de se défaire de cette poigne invisible qui l'étouffait.

— Contente de me revoir ?

— Arrête de lui faire mal ! Cria Bo.

Le vent se leva et ouvrit la fenêtre de l'intérieur. Il y eut un bruissement comme le bruit des feuilles des arbres en pleine tempête. Le son rappelait aussi celui que pouvait faire les serpents en colère.

Lexie ne fut pas impressionnée. Elle connaissait ce bruit. Bo n'était pas la première à qui elle s'attaquait. D'ordinaire, elle ne le faisait pas seule cependant.

— Obéis bien sagement. Arrête ça tout de suite.

Elle relâcha légèrement sa prise sur Connor qui put à nouveau respirer. Bo l'entendit murmurer son prénom d'une voix cassée entre deux quintes de toux. Sa respiration était sifflante.
Lexie ne laissa pas le temps à Bo de faire autre chose. Elle colla sa lame tâchée du sang de Connor sur le côté droit du cou de Bo pour l'entailler. Il ne fallait pas qu'elle tranche une artère tout de suite si elle voulait éviter que la magie ne s'échappe sans qu'elle puisse tout avaler.

Bo poussa un cri sous la douleur mais se mordit la lèvre. Elle la regarda.

— Si j'arrête ça tu ne pourras pas boire mes ombres, fit elle remarquer à voix basse. C'est bien comme ça que tu faisais...

Sauf si ce n'était pas Eric. Mais qui alors ?

Lexie pencha la tête de côté. Elle n'avait pas pensé à ça. Tant pis pour cette version.
Sans relâcher le sortilège qui gardait Connor prisonnier, ni reculer la lame de son poignard, elle approcha sa main libre de la blessure pour attirer à elle les volutes de magie pure. Son regard s'était agrandie en discernant enfin ce qui lui manquait tant que ça en devenait de la torture. Elle entortilla la magie autour de son doigt et l'approcha de sa bouche. Quand elle l'avala, elle poussa un soupir de satisfaction.

— Tu en as tellement en toi, soupira Lexie avant de désigner le ventre de Bo. Encore plus là.

Elle recommença à prendre de la magie à Bo. Elle la sentait parcourir son corps en de petits fourmillements.

Bo ne savait pas si elle était fascinée ou effrayée par ce qu'elle voyait. Ce n'était pas ses ombres qu'elle prenait. C'était autre chose. En s'efforçant de regarder, Bo finit par y voir de la couleur et même une lueur. Cela lui rappelait les jeux du soleil sur la mer. C'était tellement joli. Et en s'échappant d'elle, cela l'épuisait terriblement. Ses ombres semblaient se révolter, grandir dans la pièce et elles brisèrent brusquement toutes les fenêtres de la maison et même celle de la voiture de Quentin.

Lexie se protégea le visage des bouts de verre qui volèrent partout.

— Je t'ai dit d'arrêter ! hurla-t-elle en plaquant Bo sur le lit, grimpant sur elle pour la maintenir allongée.

Elle venait de lâcher le poignard et se penchait pour aspirer directement la magie à la source. Son corps la réclamait de plus en plus. Elle n'avait plus le contrôle sur sa faim.
Soudain, elle fut brutalement écartée de Bo et tirée par la fenêtre dont les boiseries ne survécurent pas. Elle atterrit brutalement sur le trottoir. Le sortilège emprisonnant Connor disparut en même temps, relâchant le jeune homme qui s'écroula entre le lit et le sol.

— Bo ? Bo ? appela-t-il en tentant de se relever.

Le sortilège avait vraiment du écraser sa gorge car le son qui en sortait ressemblait à un coassement de grenouille malade et sifflante. Sa blessure au torse était profonde et saignait encore.

— Bo ?

Cette fois, c'était la voix de Quentin dans la rue. Il se tenait entre la fenêtre et Kelly.

Bo perdit connaissance quelques secondes. Ce fut suffisant pour que les ombres s’évanouissent aussi vite qu'elles étaient apparues. Le silence retomba également.

Quand elle reprit connaissance, Quentin la tenait dans ses bras, sa main posée sur sa blessure, le front barré d'inquiétude. Il saignait à la tempe droite et son visage portait les traces des minuscules entailles dues à l'explosion des vitres et du pare-brise de sa voiture, mais il ne s'en préoccupait pas. Bo ne pouvait d'ailleurs pas voir qu'il s'agissait de sang pour l'instant car curieusement, les couleurs lui paraissaient différentes, comme s'il en manquait une.
A l'endroit où Bo avait été blessée, elle sentait la chaleur de la magie du jeune homme agir pour la guérir. Il faisait ça en douceur.

A côté du lit, assis par terre, Connor essayait de se reprendre. Il ne comprenait rien de ce qui se passait et il avait mal, mais son regard restait fixé sur Bo.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? murmura-t-il, surtout parce qu'il ne pouvait pas parler plus fort. Comment elle va ?
— Vous ne devriez pas parler, Mr Watson, fit Quentin aussi bas, mais lui pour ne pas gêner Bo. Je m'occuperais de vous ensuite.

Bo se reprit et s'écarta légerement de Quentin.

— C'est pas toi, n'est-ce pas ?

C'était ridicule comme question. Si c'était lui, il n'allait pas lui dire "Mais si bien sûr et je te sauve pour que tu ais définitivement confiance en moi !". Elle lui fit signe que ce n'était pas la peine de répondre.

— Comment tu te sens ?

Son regard glissa sur la blessure qui avait disparu. Il sentit sa propre peau tirer un peu à l'endroit où elle s'était transférée sur lui, mais cela disparaitrait vite.

Elle le regarda un moment sans rien dire. Comme si elle essayait de chercher en lui s'il pouvait être lié d'une manière ou d'une autre à cette attaque. Elle sortit de sa transe en entendant Connor bouger et se précipita pour se mettre à sa hauteur.

— Tu saignes... Oh mon dieu... C'est ma faute. C'est encore ma faute... Je te l'avais dis, Connor... Je t'avais dis que j'allais t'attirer des ennuis, dit elle bouleversée en essayant d'éponger le sang avec le bas de son tee shirt.

— ça fait mal... geignit Connor.

Quentin bougea à son tour et attrapa doucement les mains de Bo pour les écarter de la blessure de Connor. Le sang avait une couleur noire dans la zone d'isolement.

— Laisse-moi faire.

Il soupira et plaça ses mains sur le torse de Connor.

— Ne bougez pas. Vous ne sentirez plus rien très vite.
— Qu'est-ce que... Bo ?

— Laisse-le faire. Il te fera pas de mal. Il est pas comme...

Elle se tut. Connor ne se souvenait pas de ce qu'Eric lui avait fait. Elle ne savait plus trop pourquoi et comment d'ailleurs. La nuit au débarcadère restait assez floue pour elle aussi. Sûrement à cause de l'alcool. Elle laissa faire Quentin et se mit de l'autre côté pour tenir la main de Connor.

— C'était pas elle. C'était pas Kelly, lui assura-t-elle.

Mais que pouvait elle dire d'autre ? Et où elle était passée ? Elle regarda autour d'elle avec angoisse.

— Ce n'était pas votre femme, Mr Watson, répéta Quentin. Cette femme s'est fait passer pour elle. Elle est partie maintenant.

Mais à sa voix, Bo pouvait sentir sans mal sa contrariété. Cette fille avait réussi à violemment repousser son attaque et sans ses réflexes, elle lui aurait fracassé le crâne.

— Ici, vous êtes en sécurité.

Il avait dit cela en regardant Bo. Il s'en voulait terriblement de s'être fait avoir de cette façon. Comment cette inconnue avait-elle réussi à l'endormir ? Quel sortilège avait-elle utilisé pour réussir à contrecarrer ses protections ? Si les vitres n'avaient pas explosé... il n'osait pas imaginer ce qui se serait passé.
Il revint à Connor. La blessure à son torse disparaissait déjà pour se transférer à Quentin qui endura cela de façon aussi stoïque que d'habitude.
L'Anglais sentit la douleur refluer et même sa gorge aller mieux. Il serra la main de Bo.

— C'était quoi tout ça ?

Il essayait de ne pas paniquer, mais c'était difficile. Il avait bien cru qu'il allait se faire tuer, même s'il ne comprenait pas comment. Pourtant, il eut l'impression que sa peur et sa panique disparaissaient en même temps que la douleur et sa blessure. Il avait bien conscience qu'il devrait les ressentir compte tenu de la situation, mais c'était comme si elles s'étaient évanouies.

— Vous me faites quoi ?
— Je vous soigne. J'ai bientôt fini.

— C'est exactement pour ça que je ne voulais pas que tu entres dans mon monde, murmura encore Bo en caressant la joue de Connor.

Elle refoula ses larmes et passa la main dans ses longs cheveux pour dégager son visage.

— Quelle conne...

Elle se leva pour aller à la fenêtre. Pourquoi est-ce qu'elle ne comprenait pas ? Pourquoi elle s'obstinait à rester auprès de gens qui allaient tout perdre... Le pire étant la vie.

— Quel monde ?

Connor tenta de se lever, mais Quentin l'en empêcha.

— Je n'ai pas encore terminé.

Le Français tourna la tête vers Bo. Il aurait voulu la rejoindre, poser ses mains sur ses épaules, comme il l'avait fait à l'atelier.

— Ce n'est pas ta faute, Bo.

C'était la sienne. Uniquement la sienne. Il aurait vraiment du entourer cette baraque de toutes les protections qu'il connaissait. Il n'avait peut-être pas mis le feu, lui, mais il ne valait guère mieux qu'Alexis. Comme elle le lui avait dit.

— Bien sûr que c'est pas sa faute ! fit Connor en repoussant la main de Quentin qui s'écarta.