Chapitre 4 - Causes et conséquences

Il leva l'index.

— Le pois-chiche estampillé de Lyonesse.

Il n'avait plus aucun doute sur la question, il pouvait donc le dire avec assurance.

— Et je n'achètes personne, ajouta-t-il en mordant dans sa tartine. Vous n'êtes pas une pouliche.

— Vous avez au moins le mérite d'avoir en plus de jolis yeux, une bonne mémoire, approuva Bo.
— Et de jolies fesses.
— Maman...

Irina s'excusa mais ses yeux brillaient suffisamment pour démontrer qu'il n'en était rien. Bo sourit. Elle n'était pas fâchée contre sa mère. Elle ne l'était jamais. Irina était une adolescente qui ne grandirait jamais. Une fois qu'on avait compris ça... Il n'y avait que le sujet Dimitri qui la poussait à la remettre à sa place mais là encore elle butait plus comme une gamine catho qu'une personne vraiment mauvaise.
Bo regarda Quentin. Elle n'avait pas regardé ses fesses mais elle faisait confiance à sa mère.

— Ça vous dérange de sortir avec une pute dans les rues de Port Hallen ? demanda-t-elle.

Quentin manqua de recracher son café. Déjà que la mention de ses fesses l'avait gêné... surtout de la part d'Irina, une femme qui avait presque l'âge de sa mère. Il était sûr que cela n'aurait absolument pas dérangé Eric en revanche.

— Pardon ?

Bo désigna la robe sur le lit.

— Moi ça me gêne pas parce que grâce à Mme Watson et à sa belle-fille, une bonne partie de Port Hallen le pense déjà. Juste qu'ils le disent pas à voix haute pour pas se faire casser la gueule par le clan Hendricks et les marins du port.

Elle lui tendit une serviette.

— Vous pourriez m'emmener à une boutique où ils ont des fringues un peu plus couverte et on passera dans mon ex maison ensuite. Je pense que Dimi à cette heure a déjà dû emmener Alexis au Pub et si mes cousins sont là à midi, il sera beurré.

Il la remercia pour la serviette.

— Votre frère ou Alexis ?

— Alexis.

Elle lui sourit.

— Dimi c'est pas avant Vingt trois heure. Je suis certaine qu'il veut être sobre pour jouer à son tour avec le Crétin.

— Ce n'est pas une bonne idée, ça.

Il finit sa tasse et la repoussa.

— J'ai deux appels à passer. Nous pourrons y aller ensuite. La robe rouge ne me gêne pas.

Il se tourna vers Irina.

— Je suis ravi de vous avoir rencontrée. J'espère que nous aurons l'occasion de nous revoir avant mon départ.

Il détestait mentir, mais il fallait bien se montrer poli.

— Bien sûr ! Vous viendrez manger à la maison, minauda-t-elle.

Bo le regarda se lever.

— On se retrouve dans le hall, dit elle.

Il salua encore une fois Irina et prit sa veste au passage. Bo put noter qu'il ne chercha pas à mettre de cravate ni de gilet avant de sortir.
Il appela aussitôt Michaël pour lui confier la surveillance de Gills Hendricks, puis enchaina avec Joanna. Il lui fit un rapport détaillé de l'attaque de la nuit. C'était la première fois que Quentin était confronté à un golem. Il connaissait leur existence et avait déjà lu une chose ou deux sur eux dans la bibliothèque familiale, mais il n'en avait jamais créé ni rencontré un. Il lui demanda ensuite de voir avec Olivier si ce dernier pouvait se renseigner sur les familles de sorciers habitués à utiliser des golems, notamment pour se savoir comment s'en débarrasser.

Bo l'attendait dans le hall. La robe était plus que près du corps, mettant en valeurs les formes qu'elle possédait même si elles étaient plus discrètes que lorsqu'Irina devait la porter. Elle avait relevé ses cheveux, en attendant de couper les mèches brûlées. Le rouge était assez éclatant et la dentelle couvrait le haut de sa poitrine, en dévoilant le début de son soutien-gorge qu'Irina avait bien sûr choisi noir.
Le pire c'est qu'elle avait pris des escarpins. Pour ça Bo décida de la détester.

Quentin se fit la réflexion que ce n'était vraiment pas une robe pour sortir en ville. Encore moins ici.

— A vous entendre, j'aurai cru que ce serait pire, fit-il en approchant.

— C'est pire que ça...

Elle lui montra les talons.

— Y au moins 8 cm de haut et je ne raconte même pas comment mes orteils se chevauchent les uns, les autres.

Il lui proposa son bras. S'il le faisait de lui-même, cela le dérangeait moins. De plus, il n'avait aucune envie qu'elle se torde une cheville.

— Nous allons commencer par le magasin de chaussures alors. La voiture est juste devant.

Il précisa :

— Pas celle où votre chien a généreusement vomi cette nuit.

Elle hésita mais accepta son bras. S'il la ramassait par terre, ce serait pire.

— A sa décharge revenir d'entre les morts ça peut secouer... Merci de l'avoir sauvé. Vraiment.

— C'est inutile de me remercier.

La voiture n'était en effet qu'à une dizaine de mètres de la porte de l'hôtel.

— C'est plutôt à moi de m'excuser pour hier soir. J'aurai dû être plus prudent.

Elle monta dans la voiture avant qu'il ne puisse lui ouvrir la portière. Elle attendit qu'ils soient installés pour répondre.

— Vous aimez bien tout prévoir ?

Il haussa les épaules.

— C'est indispensable dans mon métier.

Il savait parfaitement qu'il faisait pareil en dehors du travail. Maîtrise et contrôle. Son père lui avait tellement inculqué cela que cela avait largement dépassé le cadre de la gestion de ses émotions.

— Je me doute. Mais... Est-ce que vous aimez ça ? Demanda-t-elle en l'observant.

Il démarra et s'inséra dans la circulation.

— Je n'aime pas les surprises. Et celle d'hier soir a failli vous tuer.

Autant recentrer la discussion sur son cas à elle plutôt que sur le sien. Quentin n'aimait pas parler de lui. Il n'en voyait pas l'intérêt.

— Vous n'avez pas aimé la surprise qu'Eric vous a fait à Noël ? Demanda-t-elle sans le quitter des yeux.

Elle vit son expression changer à sa question et son regard se teinter de tristesse l'espace d'un instant.

— Si. Bien sûr que si. Je ne parlais pas de ce genre de surprise, se reprit-il aussitôt.

Il avait bien envoyé un sms à son frère pour le remercier, mais il aurait aimé le faire de vive voix.

— Je ne vous ai pas remercié d'ailleurs, pour le galet en porcelaine.

— C'était donc pour vous qu'il a fait ça.

Elle avait lancé ça au hasard pour voir. Eric avait refusé de lui dire pour qui c'était mais elle avait bien vu que le présent avait disparu après son séjour à Londres. Elle avait bien pensé qu'il avait vu quelqu'un de sa famille. Elle repensa au galet noir. Elle avait bien aimé faire ça. Elle en avait fait d'autres ensuite.

Il lui jeta un coup d'oeil.

— Vous l'ignoriez ? Il ne vous a rien dit ?

Alors elle ne savait pas non plus à quoi allait servir les galets dans la boite. Ce n'était pas plus mal. Il n'avait pas rencontré grand-monde qui ne trouve pas son hobby étrange. Eric avait longtemps qualifié son obsession pour les pyramides de pierres de TOC.

— Non Eric était très secret. Mais je l'ai vu passer du temps à sculpter cette boite et il m'a demandée de fabriquer un galet d'ombre laissant passer la lumi...

Elle s'interrompit avant de finir sa phrase. Une ombre laissant passer la lumière. Elle se sentit nauséeuse. Est-ce que c'était une coïncidence ? Ça ne pouvait qu'être ça...

— Vous allez bien ? Voulez-vous que je m'arrête ?