Chapitre 4 - Causes et conséquences

Le lendemain - Port Hallen

Lorsque Quentin se réveilla, il avait dormi plus longtemps qu'il n'en avait l'habitude mais si on exceptait une migraine tenace, il se sentait mieux. Alexis n'était plus dans la chambre. Il y avait une trace de petit déjeuner, pris un peu plus tôt. Il trouva un mot, disant qu'il suivait Dimitri jusqu'à chez son père mais que Bo était encore à l'hôtel.

Quentin s'étira. Les douleurs dans ses os dus à la guérison du chien avaient disparu et il en était de même pour les plaques rouges des blessures de Dimitri. Il avait encore un peu de mal à bouger ses doigts en revanche, mais d'ici midi, il n'y paraîtrait plus.
Il n'aurait jamais du dormir tout habillé. Son pantalon et sa chemise étaient complètement froissés. Evidemment, ses cheveux étaient en bataille et il se passa les doigts dedans en rejoignant la partie salon où il avait laissé son portable.

Il entendit un cri provenir de la chambre d'à côté et reconnut sans mal la voix de Bo.

Il se précipita aussitôt dans la chambre, ouvrant la porte si violemment qu'elle claqua contre le mur.

— Miss Hendricks !

Dans sa main droite brillait le début d'un sortilège qu'il était prêt à lancer sur le danger qui menaçait la jeune femme.

Bo était toujours en chemise et tenait entre ses mains une robe rouge avec un buste à dentelle. Une femme blonde, très maquillée, était assise sur le bord du lit. Elle portait une jupe moulante en cuir et un petit haut bleu azur en dentelle et satin.

— Ne me dis pas que tu n'as ramené que ça ! Enchaina Bo après l'entrée de Quentin.

Mais c'était peine perdue, le sujet n'intéressait plus du tout sa mère. Elle se leva du lit et s'approcha de Quentin avec un sourire gourmand de chat.

— C'est ton beau-frère c'est ça ? Je reconnais le côté ténébreux d'Eric, dit elle avec ravissement.

— Eric n'était pas ténébreux, maman.

Irina n'aurait pas aimé son côté Voldemort de toutes manières.

Quentin fit aussitôt disparaitre sa main derrière son dos et le sortilège avec. Il s'était arrêté sur le pas de porte et se refit une contenance, le dos droit. Restait qu'il avait toujours des vêtements froissés et n'était pas très présentable selon ses critères.

— Mrs Hendricks ? Bonjour.

Il lui tendit la main pour la saluer.

— Quentin de Lyonesse.

— Mademoiselle Richenkoff, minauda Irina.

Elle se pendit à son bras pour le faire entrer.

— Merci d'avoir sauvé mes enfants chéris... Comment exprimez ma gratitude ?

Bo soupira et attrapa le sac pour fouiller.

— J'ai toujours su que tu voulais me foutre sur le trottoir, marmonna-t-elle.

Bo put voir Quentin se raidir encore un peu quand Irina lui attrapa le bras.

— Ne vous en faites pas pour ça, Miss, fit-il à Irina. L'important, c'est qu'ils soient en vie.

Il se dégagea doucement de la mère de Bo pour ne pas la vexer, lui souriant poliment.

— J'ai cru que vous étiez en danger, reprocha-t-il à la jeune femme.

— Si j'enfile cette robe et que je sors d'un hôtel pareil, je vous assure que je serai en danger, dit elle en lui jetant la robe à la figure pour qu'il en juge.

Irinia soupira en levant les yeux au ciel.

— Bo, tu exagères toujours. Tu n'as pas la chance d'être aussi grande et blonde que moi. Tu dois compenser en mettant en valeur tes seins, tes fesses et tes jolis yeux ! En plus, bientôt tu seras ronde comme une barrique et plus aucun homme ne voudra de toi ! C'est maintenant que tu dois trouver celui qui offrira un peu de sécurité à ton enfant.

Bo aurait préféré qu'elle n'aborde pas ce sujet devant quelqu'un qui n'attendait que ça.

Quentin tenait la robe du bout des doigts, la reposant sur le lit. Il comprenait ce qu'elle avait voulu dire, mais n'en fit pas la remarque.

— Rassurez-vous, notre famille compte bien veiller sur votre fille et son enfant. Nous vous trouverons une autre maison rapidement.

Elle allait encore lui dire qu'elle ne voulait pas de son argent, mais vu que l'incendie était de la faute d'Alexis, il espérait qu'elle ne trouverait rien à redire.

— C'est bon, j'ai déjà trouvé, se défendit Bo.

— Ah non ! Tu ne vas pas retourner chez le vieux Hallinger ! Protesta aussitôt Irina. Eric avait eu le bon goût de te sortir de cette horrible maison pour quelque chose de bien plus...
— Hors de prix ? proposa Bo.
— familiale. Et ton enfant a besoin d'un environnement familiale surtout si tu es mère célibataire.

Elle avait dit ça avec une grimace comme si c'était bien pire que d'être une prostituée. Irina sourit à Quentin.

— C'est tellement gentil à votre famille d'assumer cette responsabilité, dit elle plus doucement.

— C'est Connor le père et il assumera dès qu'on aura un peu oublié que sa femme est morte le même jour qu'Eric ! protesta Bo.

Irina se tourna vers elle.

— Tu es folle. Tu as toujours été folle quand ça touchait ce garçon... Ton frère aurait pu finir en détention à cause de lui !

Le regard de Quentin allait de la mère à la fille et il sentait que son mal de crâne n'allait pas disparaitre maintenant qu'elles commençaient à se disputer. Surtout qu'il n'avait pas encore pris son café !

— M. Watson n'aura rien à assumer puisque l'enfant est celui d'Eric, fit-il en regardant Bo d'un air sûr de lui. Evidemment, nous ferons un test de paternité si vous y tenez.

— Vous me faites chier avec votre test de paternité. Vous savez clairement où vous pouv...

Bo ne put finir sa phrase, sa mère lui mettant une main sur la bouche. Elle fit s'assoir sa fille sur une chaise et présenta l'autre à Quentin avec un sourire d'excuse.

— Bo n'a pas eu la chance de bénéficier d'une éducation raffinée. CE n'est pas faute d'avoir essayé mais quand on prend le train en cours de route, il y a des kilomètres qu'on ne peut rattraper, dit elle pondérée.

Elle décrocha le téléphone et commanda trois cafés.

— Elle a de par son enfance difficile, beaucoup de mal à accepter l'aide qu'on veut bien lui donner, poursuivit elle.

Quentin n'apprécia pas le discours d'Irina. Cela lui rappelait comment Sophie pouvait les dénigrer, Gwen et lui, tout en gardant le sourire et en faisant croire qu'elle ne faisait qu'énoncer un détail sans importance.

— Ce n'est pas un problème et l'éducation raffinée, comme vous dites, ne fait pas tout.

Il répondait à Irina, mais s'adressait plutôt à Bo qu'il regardait.

— Je préfère qu'on me parle en toute franchise. Je suis sûr que nous finirons par trouver un terrain d'entente.

Bo soutint son regard. Il semblait tellement sûr de ça. Mais il y avait quelque chose de plaisant à le regarder. Cela adoucissait même les pépiements de sa mère.

— Je suis illustratrice, je surviens très bien à mes besoins, dit elle calmement.

— Justement ma chérie. Tu as du talent mais ce métier... C'est un crève la faim, je suis certaine que Monsieur de Lyonesse pourrait te présenter les bonnes personnes. C'est important la visibilité.

C'était étrange parce qu'en le regardant ainsi, elle avait presque la sensation qu'ils communiquaient autrement et dans le plus grand silence.
Le groom qui frappa pour apporter les cafés, la sortit de cet échange.

Quentin alla ouvrir, ce qui lui permit de se reprendre. Il aurait pu rester à regarder Bo pendant des heures !

— Si vous le permettez, je vais me changer et je vous rejoins, fit-il à Bo et Irina une fois le groom reparti. J'en ai pour 5 minutes.

Il n'en eut pas pour beaucoup plus. Quand il revint, il avait remis un pantalon de costume sombre et une chemise blanche, mais ni cravate, ni gilet. Il voulait bien faire un effort. En revanche, il s'était recoiffé. Il n'avait évidemment pas eu le temps de se raser, mais il avait pris deux minutes pour voir si on lui avait jeté un sortilège. Rien. Alors que se passait-il avec Bo Hendricks ?

— Parlez-nous un peu de vous, de votre famille ! Eric était un horrible cachottier, dit Irina en tapotant la chaise.

Bo se leva et appela pour commander un vrai brunch. Elle s'était fait une raison, sa mère ne décrocherait pas. Au pire, elle appellerait Dimitri pour la jarter dehors. Mais si on pouvait éviter une scène devant Quentin ce ne serait pas plus mal.

Quentin la suivit des yeux, mais se força à revenir à Irina.

— Oui, Eric avait décidé de prendre du recul après la mort de notre père.

Il n'avait vraiment aucune envie de faire la conversation à Irina. Ce qu'il ressentait envers elle s'apparentait à ce qu'il ressentait pour Capucine, en moins radical toutefois.

Irina avait cependant eu un sourire satisfait en le voyant observer Bo. Elle devait reconnaitre que cette chemise laissait deviner sa silhouette et que c'était peut être plus alléchant que la robe qui ne laissait guère de place à l'imagination.

— Eric s'est tout de suite plu dans notre famille. Il était raffiné et avait un sens inné de la conversation.
— Oui, il savait s'y prendre avec toi, approuva Bo en se rasseyant.

Elle voyait même qu'il y prenait du plaisir. Il faisait ronronner Irina comme un gros chat. En revanche Dark Eric avait été moins délicat. Il lui avait clairement dit que si elle ne baisait plus avec lui, il irait se faire sucer par Irina et qu'elle ferait moins la difficile. Le pire dans tout ça, c'est que Bo savait que c'était la vérité. Elle n'était même pas certaine que ça ne soit pas arrivé.

— Vous vivez à Paris ? Demanda Irina avec intêret.

Quentin n'avait pu s'empêcher d'esquisser un sourire à la mention de son frère. Il imaginait sans peine Eric mener la mère de Bo par le bout du nez. Il avait toujours été doué avec les femmes, peu importe qu'elles soient ses prétendantes, ses petites-amies ou leurs mères.

— A St-Germain-en-Laye. C'est juste à côté. Mais le siège de notre entreprise est à Paris. Nous travaillons dans la sécurité des grandes fortunes et des hommes politiques, devança-t-il la question.

Bo récupéra son petit déjeuner à la porte et posa le plateau devant elle. Elle grimaça en écoutant les réponses de Quentin aux questions de sa mère. Elle devait en mouiller sa petite culotte. Tout cet argent.

Elle tendit une tartine qu'elle venait de beurrer à Quentin. Lui laissant le choix de la confiture ou non.

— Que des fils... Quelle chance, s'exclama Irina.

Bo sourit à cette remarque.

— Tous hétéro en plus ?

Irina faillit s'étouffer avec sa gorgée de café.

Quentin ne percuta pas sur la réaction d'Irina.

— Tous les trois, oui, approuva-t-il comme si c'était là une question comme une autre.

Il tartina un peu de confiture sur le beurre. Bo en avait mis une bonne couche et il n'aimait pas trop cela, mais il n'allait pas le lui faire remarquer alors qu'elle lui avait spontanément donné cette tartine.

— Ma mère aurait été ravie d'avoir une fille, je pense.

A la place, elle avait hérité de Capucine, mais vu les circonstances actuelles, c'était un mal pour un bien. Tant qu'elle le laissait tranquille. Ces derniers mois, elle avait redoublé d'attentions et de sourires envers lui au point qu'elle le mettait vraiment mal à l'aise.

— Contrairement à la mienne qui a fait de son mieux, dit Bo avec un sourire affectueux pour sa mère.

Irina détestait quand elle faisait de l'ironie car elle n'arrivait pas à démêler les expressions mielleuses de Bo avec l'acide de ses paroles.

Quentin les regarda encore une fois tour à tour tout en buvant son café. Là encore, tout ce qu'il savait de leur relation ne tenait qu'à un dossier administratif et visiblement, c'était bien plus compliqué que cela. Il y avait certainement à creuser.
Un instant, il pensa à sa relation avec sa propre mère. Ce n'était pas simple non plus.

— Maman voulait un garçon. Dimitri a refusé de venir sans moi, expliqua Bo.

Elle attrapa son chocolat chaud et trempa sa tartine dedans.

— Alors si je peux lui rapporter quelque chose, elle n'aura pas investi pour rien. Surtout en lingerie et en produits de beauté.
— T'as toujours refusé de te maquiller, se défendit Irina sans rien dire de la première partie.

Bo leva juste les sourcils. Quelque chose voulant clairement dire "si c'est pour te ressembler". Elle regarda Quentin.

— Je vous présente donc la brèche par laquelle vous pouvez vous engouffrer pour acheter le pois chiche de l'épicier.