Chapitre 4 - Causes et conséquences

Il prit la direction de l'ancienne maison. Il n'en restait plus grand-chose à part des murs effondrés et noircies. L'herbe du jardin avait roussi sur une très grande surface et le pommier avait souffert. Si le feu aurait pu épargner certains objets, l'eau envoyée pour l'éteindre les avait définitivement ruinés.

— Tu es sûre de vouloir retourner dans cet appartement ? demanda-t-il en se garant.

D'après ce qu'elle et Irina avaient laissé entendre, cela n'avait pas l'air d'être un logement très correct.

— Bien sûr. J'y ai passé plusieurs années et pas les pires.

Elle descendit et s'approcha des décombres. Elle se mit à chercher l'appareil photo de son frère. Elle ne se faisait pas d'illusion pour le numérique mais l'argentique était métallique alors peut être qu'il serait réparable.

Quentin fronça les sourcils en voyant l'état de la maison.

— Eric m'avait parlé d'un journal la dernière fois que je l'ai vu, fit-il en avançant dans les ruines à son tour. Est-ce que ça te dit quelque chose ?

Et on y revenait. Encore.

— Je ne savais pas qu'Eric savait écrire, dit elle en poussant des gravats du bout du pied.

— Ecrire, c'est un bien grand mot. Des gribouillis plutôt.

Il n'y avait vraiment rien à sauver ici. Par acquis de conscience, il chercha des traces de la magie d'Eric. Si son frère avait mis ses recherches dans ce journal, il l'avait forcément protégé de la destruction.

— Il crayonnait des trucs qu'il voulait sculpter mais je n’appellerai pas ça un journal... Son notaire a pas arrêté de me demander ça.

Elle soupira et s'en voulut de charger ce pauvre homme mais elle préférait qu'on cherche ailleurs que de son côté.

— Je n'ai jamais compris pourquoi il insistait autant.

Quentin soupira. Son sortilège ne donnait rien. Soit le journal avait été détruit dans l'incendie, soit il était ailleurs. Mais où ?

— Il était pour moi, répondit-il en cherchant le golem cette fois. Tant pis.

Il doutait qu'elle lui dise la vérité, mais il ne voulait pas la braquer et qu'elle se recroqueville dans sa coquille pour de bon.
Il trouva le golem au milieu des gravats. La créature avait été stoppée en plein mouvement, ses mains griffues protégeant ses yeux et sa bouche ouverte sur un cri. Il s'accroupit à ses côtés pour l'observer avec attention.

— Tu peux me dire comment le golem a été arrêté ?

— Alexis a hurlé "Vent du Nord" et le Golem s'est écrasé contre le mur.

Elle attrapa un de ses carnets de dessin. On n'en discernait plus rien entre le feu et l'eau. Ça lui serrait le coeur. Elle se leva d'un bond et partit à la recherche de son four. Il avait survécu mais il était lourd.

— Tu peux emmener ça dans ton coffre ?

Quentin doutait que le sort d'Alexis ait suffi. La pierre était solide et pouvait résister à beaucoup de choses, y compris un impact contre un mur de briques.
Il se releva à sa question et la rejoignit.

— Qu'est-ce que c'est ? Un four ?

— Oui. Ça coûte très cher. Ça monte a haute température alors il doit encore fonctionner... C'est la seule chose que j'ai accepté qu'Eric m'offre pour mon anniversaire.

Parce qu'elle n'aurait jamais pu mettre assez de côté pour ça.

— Il devrait rentrer à l'arrière si on bascule un siège. Tu fais cuire quoi dedans ?

— Il faut qu'on le porte à deux. Ça pèse cinquante kilos facile, dit elle en regardant autour d'elle.

Elle se baissa et trouva des fragments de statuettes.

— Il me servait à cuire de la porcelaine. Mais je pouvais travailler d'autres matières... C'est juste que la porcelaine a besoin d'une température dépassant les mille degrés.

Elle soupira.

— J'adorais celle-ci, dit elle en regardant des débris dans un camaïeu de blanc, de gris et de noir.

Il en prit un avec précaution pour ne pas se couper.

— C'est une jolie couleur.

Il le reposa avec les autres, désolé pour elle.

— Je n'avais aucune idée de comment on faisait de la porcelaine, admit-il.

— J'étais revenue à la céramique ces derniers temps. Une autre technique, le raku. J'avais essayé quand Eric m'a demandé de faire des galets.

Elle trouva une boite en métal et sourit en la voyant. Elle lui tendit.
A l'intérieur, Quentin vit des galets similaires au sien. Blanc avec des marbrures noires. Bleu turquoise et vert gris marbrés eux aussi.

— C'est un mélange de très chaud puis de refroidissement qui font cet effet craquelé, expliqua-t-elle.

Il les sortit un à un, prenant le temps de les faire rouler entre ses doigts ou les soupeser au creux de sa paume. Ce n'était pas de la pierre, mais il appréciait leur contact et cela se voyait.

— Ils sont très beaux, dit-il avec sincérité.

— Oh ce ne sont que des essais... Ils ont juste eu plus de chance que le reste parce qu'ils étaient dans une boite. Je ne sais pas ce que je pourrais en faire.

Il les rangea et lui rendit la boîte.

— Ils sont un peu petits pour des presses-papiers, mais ce serait dommage de les jeter.

Elle reposa la boite dans les gravats.

— Qu'ils finissent ici... Avec tout le reste. Tu m'aides pour le four, dit elle en attrapant une partie.

Il l'aida bien volontiers. Ils durent le reposer le temps que Quentin bascule la banquette arrière. Le jeune homme sentait que l'agence de location allait le maudire vu que le four mettait de la suie partout sur les sièges.

— Tu as vu autre chose à récupérer ?

Elle récupéra l'argentique de son frère et une boite à gâteaux contenant des pellicules non développées.
Elle alla ensuite sortir son vélo du cabanon et monta dessus.

— Je vais passer la nuit chez ma mère. Demain, je m'installerai dans mon ancienne maison. Je t'enverrais les adresses par sms, dit elle.

— Appelle-moi en cas de besoin.

Il ne trouva pas utile de lui préciser que quelqu'un veillerait sur la maison de sa mère cette nuit. Il préférait garder cela pour lui pour l'instant.

Elle hocha la tête.

— Merci, dit elle simplement.

Elle donna un coup de pédales et s'éloigna en vélo. Elle s'arrêterait sur la plage avant d'aller chez sa mère. Elle avait besoin de s'assoir sur le sable et de regarder l'eau. C'était nécessaire.

Quentin soupira en la regardant partir. Il n'aimait pas qu'elle s'éloigne de lui, mais il ne pouvait pas non plus la suivre 24h/24.
Il retourna au golem et lança un sortilège pour essayer de retrouver la trace magique de celle qui l'avait utilisée, mais il ne trouva rien du tout. Tout avait disparu.
Finalement, il laissa tomber. Il fallait qu'il aille voir ce que devenait Alexis. Alors qu'il s'éloignait de la maison, il se stoppa et fit demi-tour pour retourner jusqu'à la boîte contenant les galets. Il la ramassa et la rouvrit un instant avant de la refermer. Il ne savait pas pourquoi, mais il n'avait pas envie de les laisser là. Il repartit vers la voiture, tenant la boite en main.