Chapitre 30 - Le pays basque

— Elle semble avoir beaucoup d'influence sur toi... Ça ne te fais pas bizarre de changer tes relations avec elle ? Demanda Dimitri.

Noé regarda derrière eux, mais ils étaient bien seuls. Il observa Dimitri un instant. Il était le seul à avoir deviné pour lui et Capucine.

— J'en sais rien. Je me pose pas trop la question, admit-il en se concentrant sur son assiette à essuyer. Je sais même pas comment ça a pu arriver.

Il sourit en coin.

— Je veux dire... J'ai souvent fantasmé sur elle depuis que j'ai l'âge, mais jamais j'aurai cru qu'on finirait par... voilà, quoi.

Il regarda à nouveau Dimi.

— C'est un peu comme toi et Steven, tu vois.

— Tu es certain qu'elle ne se console pas avec toi ? Demanda-t-il avec sa franchise habituelle mais sans jugement pour autant sur Capucine.

Noé n'aurait pas cru avoir besoin de discuter de sa relation avec Capucine avec quelqu'un et Dimitri n'avait pas les à-priori sur elle qu'avaient les autres. Il était aussi sûrement plus ouvert sur le fait qu'ils aient 10 ans de différence.

— Je me suis posé la question. Est-ce qu'elle voit pas Eric ? Est-ce qu'elle l'aime toujours et que je suis le lot de consolation ?

Il ne savait pas ce qu'il aurait pensé ou fait si ça avait été le cas. Est-ce qu'il aurait continué quand même ? Le sexe était tellement bien avec elle, alors peut-être que oui.

— C'est ce que diront les autres si ça se savait, tu sais ? Qu'après s'être fait jetée par Eric et Quentin, elle me tient par la queue pour rester dans cette famille. Mais c'est pas ça du tout.

Dimitri coupa l'eau et s'appuya contre l'évier pour le regarder avec attention.

— Qu'est-ce qui te fais penser que c'est pas le cas du tout ? Demanda-t-il simplement.

Noé réfléchit à comment formuler son ressenti.

— Elle a pas besoin de ça maintenant qu'elle a une vraie place qui l'attend à DLS, qu'elle a prouvé à mon frangin qu'elle n'était pas ce qu'il pensait. C'est même hyper risqué pour elle. On est sa famille, plus que ses propres parents.

Il soupira et reposa l'assiette.

— Et je la connais bien. Elle me ferait pas ça.

— Ça se tient. Alors à ton avis pourquoi elle le fait ? Lui demanda-t-il en plongeant son regard dans le sien.

— Parce que je suis irrésistible, voyons, fit-il avec malice.

Son regard pétillait.

— On est bien ensemble, et le sexe... Woaw. Je me vante pas, hein, mais elle a tout le temps envie qu'on baise.

Il avait baissé le ton sur ces dernières phrases, comme s'il craignait qu'on les entende. Il était tout de même fier de raconter qu'une fille comme Capucine puisse avoir envie de lui tout le temps.

Dimitri éclata de rire et alla se chercher une bière dans le frigo.

— Oui. Je pense en effet que ça doit te changer des lycéennes sur ce point. Même si elle fait plutôt froide aux premiers abords sur ce plan là.

Mais bon Quentin non plus ne semblait guère porté sur la chose et on ne pouvait pas dire qu'il était en reste quand sa soeur lui faisait des œillades. Quand il pensait qu'elle lui disait qu'il refusait ses avances et la traitait comme un chaton...

— Oh, c'est qu'un air, fit-il en s'appuyant sur le plan de travail.

Il repensa à ce que Alexis lui avait dit, à comment Eric qualifiait Capucine : la plus grande arnaque du siècle, du bling bling cachant un diamant. Est-ce qu'il l'avait vraiment pensé ? Il pourrait le lui demander avec la tablette donnée par Miu.

— Capucine montre bien que ce qu'elle veut d'elle, fit-il en se rappelant son appartement, si différent du côté girly et fashion victim qu'on s'attendait à trouver. Regarde, qui aurait cru qu'elle aurait été capable d'aller affronter Olivier ?

— Ça, ça m'étonne pas plus que ça. Il suffisait qu'il lui vole ses pompes visiblement...

Il but une gorgée sans le quitter des yeux.

— Mais si elle veut tout le temps coucher avec toi... T'as pas peur qu'une fois l'excitation retombée, elle ne te trouve plus grand intérêt ? Tu crois que tu tiendras la distance ?

Noé perdit son sourire.

— Tu crois que ça peut arriver ?

Lui, en tous cas, n'était pas sûr que l'excitation retombe un jour. Cela dit, il était un mec, c'était sans doute différent. Après tout, il n'avait pas vraiment d'élément de comparaison.

Dimitri éclata de rire à nouveau.

— Et oui... Là t'es dans la Lune de miel. C'est tout beau, tout neuf, rien que de se sourire et hophophop.... Mais ça c'est les hormones dans ta tête. Dans trois mois ça aura déjà sérieusement baissé... C'est là qu'il y aura les silences gênants et qu'il faudra trouver un peu plus pour passer du bon temps ensemble.

Il lui sourit.

— La seule chance pour dépasser les trois mois... C'est les sentiments. Faut tomber amoureux sinon c'est la fin. Crois en mon humble expérience.

— Trois mois, ça m'a l'air une éternité vu tout ce qui nous arrive en trois jours, fit remarquer Noé.

Il regarda Dimitri avec attention. L'Anglais le vit hésiter.

— Te fous pas de ma gueule, mais... Comment on sait quand on est vraiment amoureux ? Je croyais l'être de Clém, mais j'en doute maintenant.

— Tu ne le sais pas vraiment ou au contraire t'en doutes pas. Y a des gens qui le savent quand ils perdent l'autre parce que son absence est insupportable... Ou au contraire ça s'impose à eux parce qu'ils sont heureux dès que l'autre est dans la pièce.

Il regarda sa bière.

— Quand c'est fini, tu doutes, tu te dis que tu l'étais pas vraiment... Ou là encore tu morfles tellement que c'est évident...

Il haussa les épaules et releva les yeux vers lui.

— Les sentiments, ça va, ça vient... Y a que le temps qui te confirmera les choses. Si un jour t'as envie de lui dire je t'aime, t'en prive pas. Sauf si tu sens que ça va la faire fuir à des kilomètres parce que c'est trop tôt !

Il éclata de rire en ajoutant :

— Je suis un pro du mauvais timing pour ça.

Noé n'avait jamais parlé de ça avec personne. Chris et Benji étaient comme lui : ils déconnaient, racontaient des conneries, se vantaient, mais ils n'en savaient pas plus sur ces choses-là les uns que les autres. Quant à Quentin, jusqu'ici, on ne pouvait pas dire que leur relation l'avait poussé à ce genre de discussions, d'autant plus que jusqu'à récemment, il n'aurait jamais pensé que son frère puisse s'intéresser à autre chose qu'à son boulot.

— Tu as déjà fait fuir un mec, toi ?

— Un ?

Il rit de plus belle et grimpa sur le plan de travail.

— Je suis passé pro. Le côté "insecure" qui finit par les faire partir... Une enfance pas facile, l'absence de la mère, la mauvaise image du père et toute la merde autour quoi... Bref y a toujours un moment où je vais leur rentrer dans le lard, les pousser à bout pour voir si vraiment ils vont rester.

Il sourit à Noé.

— Et devine quoi... C'est le mauvais plan. Je finis toujours par obtenir ce que je veux.

— C'est un peu tordu quand même, répondit-il en lui rendant son sourire. Pourquoi tu veux pas qu'ils restent ?

Il se demanda si Bo faisait pareil, mais même si c'était le cas, avec Quentin ce serait forcément différent.

— Bien sûr que je veux qu'ils restent...

Il soupira en faisant tourner sa bière.

— Mais j'ai pas les mots pour l'expliquer et si tu le comprends pas. Tant mieux. C'est que t'as reçu tout l'amour qu'il fallait au bon moment.

Parce qu'après, on était comme un puits sans fond. Gills n'avait pas pu réparer, il était arrivé trop tard. Il avait limité les dégâts mais...

Noé le regarda longuement. Il avait capté quelques bribes à cause des histoires qu'il racontait, mais en réalité, il ne savait rien de Dimitri. C'était comme avec Capucine : il ne voyait que la surface.
Dimi était un mec facile à vivre, drôle et tellement décomplexé sur un tas de trucs qu'il l'avait tout de suite apprécié, mais il avait une part plus sombre que Noé n'avait pas soupçonné jusqu'ici. "Pas cherché à voir" serait plus exact d'ailleurs. Parce qu'au final, Noé ne cherchait pas à savoir qui étaient les gens derrière les apparences, comme avec Quentin. Quand il réfléchissait ainsi, il se faisait vraiment l'impression d'être un môme.

— Y a bien un obstiné quelque part dans le monde qui te laissera pas faire. Peut-être qu'il y a un sortilège pour que je te le trouve.

Il avait dit cette dernière phrase avec plus de malice, à moitié sérieux seulement. La magie pouvait résoudre beaucoup de choses, mais pas tout, il le savait.

Dimitri lui sourit.

- C'est une idée mais... Faut qu'il soit prêt de son côté à me rencontrer. Tu sais le timing c'est plus important qu'on croit. Y a rien de plus rageant que de rencontrer quelqu'un avec qui ça passe super bien... Mais c'est trop tôt et ça capote à cause d'éléments extérieurs.

Noé espérait que ça ne serait pas le cas pour lui et Capucine. Il n'aurait pas cru penser à ce genre de choses à vrai dire. Que voulait il exactement la concernant ?

- Je réfléchirai à te faire ça. J'ai déjà une porte à t'ouvrir sur Port Hallen et j'ai pas commencé les calculs. J'étais un peu focalise sur la Corse, fit il avec un sourire complice.

— Ouais ben file parce que sinon tu seras pas levé demain matin... Des calculs pour rejoindre une fille, on aura tout entendu...

Dimitri partit vers la télé en maugréant qu'il était vraiment trop vieux pour cette génération.

Noé lui souhaita bonne nuit et remonta dans sa chambre. Il n'avait plus qu'à vérifier une dernière fois les runes à utiliser et il pourrait faire un essai.