Chapitre 30 - Le pays basque

Quentin avait aussitôt retrouvé son sérieux. Bo le sentit se tendre un peu à nouveau.

— D'accord. Merci.

Gwen avait perdu son sourire. L'Huldre la mettait extrêmement mal à l'aise. A chaque fois qu'elle le voyait, elle repensait aux absents, à ce pacte qui leur avait fait tant de mal et qui lui avait tant volé. Elle posa les yeux sur Quentin, le coeur serré d'angoisse. Il lui avait expliqué qui était l'Huldre qu'il venait rencontrer et cela ravivait sa peur de le voir disparaître à son tour.

— Je dormirai dans le jardin. J'y suis habitué, annonça-t-il.

Il les salua d'un signe de tête et partit vers la partie arborée du parc.

— Vous croyez qu'il est bi ? Demanda Dimitri.

Bo soupira et se leva en tirant la main de Quentin.

— Nous on va se coucher...

— Nous aussi, fit Noé en se levant pour ramasser la vaisselle qui restait.

Quentin n'avait pas résisté, mais fixait sa mère. Il n'avait pas pu manquer son changement d'attitude à l'arrivée de Nhill. Gwen s'en aperçut et lui adressa un léger sourire rassurant.

— Bonne nuit, leur dit-elle avant de se tourner vers Thanasaurius. M'accompagneriez-vous dans le jardin ?

Il était suffisamment grand pour éviter l'Huldre et elle avait besoin de marcher un peu.

— Avec grand plaisir, dit le démon en se levant.

Il lui proposa son bras.

Elle s'y accrocha sans une hésitation et l'entraîna avec elle. Elle ne pouvait oublier que cette apparence n'était qu'un déguisement et qu'elle se promenait en réalité au bras d'un démon à la peau rouge, avec trois cornes sur la tête et une fine moustache en fil d'or, sans compter le reste, mais sa compagnie avait été très agréable tout au long de cette soirée et Gwen n'avait pas voulu rester seule.

Noé les regarda partir, un peu perplexe malgré tout, évitant de penser "dominos". Ce serait vraiment trop bizarre.
Quentin ramena une partie de la vaisselle jusqu'à la cuisine, pensant à l'entrevue du lendemain.

— C'est bon... Allez inaugurez votre chambre, fit Dimitri. Je ferai la vaisselle avec le gnome.

Même si Noé était plus grand que lui. Mais seulement en taille. Il fallait qu'ils parlent d'homme à homme tous les deux. Miu étant une vraie feignasse, elle se planquerait le temps que la vaiselle soit faites.

— Tu veux pas la faire tout seul ? J'ai un truc à faire, tenta de se défiler Noé.

Quentin leur souhaita bonne nuit et suivit Bo dans leur chambre.

— T'es sérieux là ? Tu veux vraiment me laisser faire TOUTE la vaisselle seul ? Ça te suffit pas que je sois le seul célibataire, loin de ma famille, sans aucune attache si ce n'est ma solitude infinie ? s'emporta Dimitri avec son emphase habituelle.

— Bouh ouh ouh, ça va, Caliméro. On fait vite, alors.

Il soupira.

— On aurait du emmener Annie...

— Rhalalala ce que ça te ferait du bien de vivre dans un HLM, soupira Dimitri.

Il mit l'eau à couler.

— c'est pas sain de pouvoir aller où on veut avec sa carte bancaire ou son grimoire...

— J'ai pas besoin d'un grimoire. Juste d'un marqueur et d'une calculatrice, répondit Noé avec un sourire.

Il attrapa un torchon.

— T'aimerais pas pouvoir aller où tu veux, toi ?

— Quelle question à la con...

Il enfila les gants pour commencer à nettoyer les assiettes.

— Tout le monde a envie d'être pété de thunes. Faire ce qu'il veut, quand il veut, comme il veut... C’est bien pour ça que ça fait siffler le ciboulot de tas de mec...Et je suis pas différent. Je dis juste que c'est pas sain d'y être habitué. De regretter de pas avoir de boniche plutôt que de faire sa vaisselle.

Noé haussa les épaules. Chez la plupart de ses potes, c'était leur mère qui faisait la bouffe. Chez eux, il y avait toujours eu Annie. Elle était même là avant qu'il vienne au monde. Il n'avait que rarement vu sa mère dans la cuisine à St Germain ou seulement pour donner ses instructions.

— Pourquoi pas sain ?

— Parce que c'est pas la vraie vie. Le fric c'est comme la santé et la beauté. Ça dure pas. Vaut mieux apprendre à s'en passer. T'en sortiras plus fort. Et plus viril aussi.

— Je vois pas où est le rapport avec la virilité. Et je vais pas aller vivre dans un HLM...

Il leva un doigt.

— Si tu t'inquiètes pour ta beauté, je te filerai une potion. Je dois bien avoir une recette pour les vieux comme toi.

— Parce que tu crois franchement que c'est sexy un mec qui sait même pas faire cuir un oeuf ? Qui a besoin d'une femme pour ça comme un bébé ?

Dimitri lui passa l'assiette mouillée pour qu'il l'essuie.

— Et j'ai jamais voulu être beau. Quand j'avais quinze-seize ans peut être... Mais c'est tellement plus satisfaisant de rafler le mec que tu kiffes avec ta personnalité et pas juste pour ta gueule. Mais ça doit un peu te dépasser parce que tu sors qu'avec des bombasses.

— T'insinues quoi ? Que je m'intéresse qu'au physique ? fit-il en jouant de son torchon sur l'assiette.

Il lui coula un regard signifiant "me l'a fait pas à moi".

— Et pas toi peut-être ? Me dis pas que si tu kiffes un mec, c'est à cause de sa conversation et pas à cause de sa gueule ou de son cul, fit-il, amusé.

— Ça peut me donner envie mais c'est pas ce qui le fera rester, non, dit il en haussant les épaules.

Il n'allait pas s'amuser à draguer des top model alors qu'il savait très bien qu'il ressemblait lui-même au type basique qu'on croise à n'importe quel coin de rue. Et puis la plupart du temps ces mecs là étaient imbue d'eux-même au possible.

— Je suis pas sorti avec Clémentine uniquement parce que c'est une bombe. Enfin, si, au début, c'était pour ça, faut être honnête.

Ses copines d'avant aussi, il devait bien l'avouer.

— Tu sors qu'avec des mannequins, Noé. Tu es habitué à te payer ce que tu veux et avec la magie t'as tout ce que tu veux. En fait, je sais pas comment tu fais pour pas être un sale con, admit Dimitri.

Il lui jeta un coup d'oeil.

— Un compliment ?

Capucine avait dit un truc du genre elle aussi.

— Une vraie question en fait. Avec une même situation, ta mère a eu trois cas d'école : le mec arrogant imbu de lui-même, l'inadapté qui veut tout contrôler et le mec cool.

Il soupira.

— En espérant que tu changes pas.

Noé haussa les épaules en récupérant une nouvelle assiette.

— On n'a pas été élevés pareils, je te rappelle. Quentin a été bridé par mon père à cause de ce qu'il est. Remarque, s'il l'avait pas été, il aurait peut-être pris Eric pour modèle, alors je suis pas sûr qu'on aurait gagné au change vu tout ce que je découvre sur lui... Moi... J'sais pas. Depuis la mort de Papa, j'ai surtout vécu avec Maman et Capucine, ça a peut-être aidé à ce que je sois aussi génial.

En tous cas, il avait bien conscience qu'elles l'avaient influencé sur son attitude avec les filles, sans doute pour qu'il ne répète pas les erreurs d'Eric sur ce point.