Chapitre 28 - Une équipe de choc

Jo avait rendu son sourire à Steven. Un peu de chaleur humaine après avoir vu sa soeur lui fit du bien, surtout d'un mec aussi charmant.

— Ouh, une visite chez la vieille, fit-il avec un sourire carnassier.

La dernière fois qu'il y avait mis les pieds, il avait piqué le parchemin pour lier Quentin à Alexis.

— Si j'étais Olivier... Enfin Dark Olivier pour reprendre encore un terme Hendricksien, j'irai m'y planquer. Elle déteste Quentin et sa clique, elle l'adore lui... S'il lui raconte avoir été attaqué magiquement par lui, elle protégera ses miches.

Ahmed regarda Jonas.

— Tu peux y aller frontalement en reconnaissant avoir pris son parchemin. J'ai l'aval de Quentin pour la visite là bas. Steven est un sorcier et il connait par coeur les déplacements de son boss ces dernières semaines. Visiblement après la période Dark, il s'est mis à fréquenter des endroits encore plus underground qu'avant.

Jo sortit une clope qu'il tapota sur son paquet dans un geste machinal. Il évita de penser à Quentin qui ne voulait toujours pas lui parler.

— ça, c'est mon rayon. Je navigue là-dedans depuis plus longtemps que lui. On trouvera ce qu'il y fait.

Il regarda Ahmed.

— Sophie n'a rien fait quand elle a su pour le parchemin. Elle doit préparer un truc.

— Tu peux fouiller chez elle.

Il sourit en ajoutant :

— Quentin a dit texto "Au point où on en est, il n'est pas nécessaire de faire dans la dentelle."

Steven vit un sourire de chat se dessiner sur les lèvres de Jonas.

— J'aime quand il dit ce genre de trucs.

Depuis le temps qu'il attendait ça. Il n'avait jamais aimé Sophie. La vieille peau était un concentré de poison en tailleur Chanel. Elle pourrissait la vie de Quentin et Gwen depuis trop longtemps.

— T'as une bagnole ou je t'embarque en moto ? fit-il à Steven.

— La moto aurait été très pratique mais si on met la main sur Olivier et qu'on doit le ramener, on sera coincé...

Ahmed les regarda tour à tour.

— Oh Jo l'aurait réduit pour le mettre dans sa poche. Apparemment Lexie était blindée de magie...

Il se demanda ce que Quentin penserait du fait que la Magie de Bo soit revenu à Jonas. Il ne lui avait pas précisé de quelle manière il allait agir. Il fit jouer sa chevalière à son doigt. Ni comment il avait pu sa matérialiser devant Lexie.

Jo comptait bien faire bon usage de ce qu'il avait récupéré. Il n'était que justice que la magie volée à Bo serve à les protéger, elle, Quentin, Dimi et les autres. Ahmed n'avait rien voulu lui dire, mais il se demandait si toute cette magie ne manquait pas à Bo et ne l'avait pas affaiblie. L'Anglaise était en sursis, il ne l'avait pas oublié.

— Tu crois pas que je devrais la rendre à sa proprio ?

- Tu discuteras de ça quand tu seras plus le dernier soucis de Quentin, répliqua Ahmed.

Il leur montra la sortie.

- Et mettez le de bon poils en ramenant ce crétin d'olivier.

— Je vois que tu prends ton pied à me donner des ordres, toi.

Jo salua Ahmed d'un signe de la main et quitta l'hôtel avec Steven. Finalement, ils prirent la voiture. Jo se débarrassa de la veste du costume de pingouin et de la cravate en les balançant à l'arrière. Il ouvrit le col de sa chemise et s'installa côté passager. Il détestait mettre un costume. C'était l'avantage d'être une nana chez DLS : il pouvait s'habiller classe sans avoir l'air d'aller à un enterrement.

— Comment ça se fait que je t'ai jamais vu si tu bossais pour Olivier ? ça fait longtemps ? demanda-t-il en allumant une clope.

- Quelques années mais il n'avait pas besoin de moi près de lui avant de trouver que je connaissais les Hendricks.

À bien écouter, l'accent anglais de Steven se faisait entendre sur certaines voyelles.

Jo le regarda avec plus d'attention et lui proposa une cigarette.

— Hum hum, tu es ce Steven là, alors.

Dimi n'avait pas été avare en histoires et anecdotes sur sa vie à Port Hallen lorsqu'ils n'étaient que tous les deux à Carnac, et il avait parlé de son premier mec. Combien y avait-il de chances pour Dimi tombe sur son ex ici et dans ces circonstances ?

— C'est toi qui as sauvé les miches de Dimi l'autre soir, non ? percuta-t-il soudain.

Il avait fini par avoir vent de cette histoire. Ahmed l'avait bien fait marronner avant, "en punition". Il le soupçonnait même d'avoir donné des instructions pour que les autres agents laissent échapper des bribes devant lui pour qu'il s'inquiète de ce qui était arrivé. Il fallait dire qu'il y avait de quoi. Quentin affrontant bravement une soirée orgie pour aller sauver Bo... Il n'osait imaginer combien cela avait du le choquer, à moins qu'il ne soit passé au-dessus de tous ces corps enchevêtrés avec son détachement habituel. Ne pas pouvoir le charrier là-dessus lui manquait.

Steven lui jeta un coup d'œil, se demandant ce qu'il avait voulu dire avec sa première phrase. Il reporta son attention sur la circulation.

- J'ai fait ce que j'ai pu vu les circonstances, tempéra-t-il.

Il se demandait sans cesse comment lui et Bo allait. En principe de précaution, Ahmed s'était contenté du strict minimum et il n'avait pas de numéro de téléphone pour le joindre.

Tout en jouant avec son briquet, Jo se posait les mêmes questions. Comment Dimitri avait-il vécu cette plongée au Boudoir de Circée ? Comment s'était-il senti après avoir ressenti les effets de la musique d'orgie ? Après avoir compris que ses pensées et ses pulsions avaient été manipulées comme les siennes, celles de Quentin, de Bo et d'Alexis l'avaient été par Nhill ?

— C'est mieux que rien, va.

Mieux que ce qu'il avait fait, lui, en tous cas.
Il soupira et se reprit. Il n'allait pas repartir sur cette voie. Tout ce qu'il avait à faire maintenant, c'était réparer ses conneries et protéger les gens qu'il aimait. Pour les excuses et les explications, cela viendrait plus tard.

Steven lui jeta encore un regard.

— C'est quoi les grandes lignes de ton histoire... Parce que peut être que je t'ai déjà vu avec Quentin de Lyonesse mais là comme ça je ne te replace pas.

Et comme il n'avait pas croisé Lexie, il était encore plus perdu.

Jo lui sourit avec malice et redevint Joanna. Cela s'était fait instantanément, le temps d'un battement de cil.

— Et comme ça ? Tu me remets ?

Il se regarda dans le miroir du pare-soleil et soupira.

— Ouais, sans maquillage, j'suis moins sexy, mais bon, c'est pas comme si ça change grand-chose pour toi, hein.

Il lui adressa un sourire charmeur qui perdura quand il reprit sa véritable apparence.

Steven poussa un long soupir. Dimitri était une vraie pipelette. Il avait jamais su fermer sa gueule mais ça prenait parfois des proportions terribles.

— Tu es très proche du grand chef alors.

Jo se renfonça dans son siège, soufflant la fumée de sa clope par la fenêtre ouverte.

— On va dire que c'est un peu compliqué. La nana qui a attaqué Bo à Carnac, c'est ma frangine. Elle bossait avec ton boss. Enfin, avec ce qui l'a remplacé. Je sais pas ce qui s'est passé entre eux, mais connaissant Lexie, elle a sûrement voulu doubler Dark O.

Quand il évoquait sa soeur, Jo avait un ton plus dur.

— Tout le monde n'a pas une famille comme les Hendricks.

Au ton de Steven, il était évident que la sienne devait plutôt se rapprocher de celle de Jo.

— C'est sûr. J'ai bien cru qu'ils étaient prêts à débarquer à Carnac pour faire un grand barbecue sur la plage. Dimi a eu du mal à freiner ses cousins.

Si cela n'avait pas mis à mal la sécurité, Jo aurait bien laissé faire. Après tout ce que Dimi avait raconté, il aurait bien rencontré les jumeaux.

Steven eut un léger sourire nostalgique.

— J'espère qu'ils se remettent. Enfin je n'en doute pas vraiment.

Dimitri comme Bo avaient une sacrée hargne de vivre.

Jo nota son sourire, se demandant ce qui était passé par la tête de Dimi en revoyant Steven. Vu comment il en avait parlé, peut-être voudrait-il remettre le couvert avec son ex. Il imaginait sans mal qu'il avait du lui sauter dessus au club.

— Bo a Quentin, je me fais pas de souci pour ça, et Dimi doit foutre le bordel chez les de Lyonesse en racontant des conneries.

Jo imaginait bien la scène. Cela ferait sûrement du bien à Gwen de rire un peu, même si elle ferait sa choquée d'abord.

— Tu étais devenu assez proche de lui, nota-t-il en s'arrêtant à un feu rouge.

L'usage du diminutif était aussi révélateur que son analyse de ce qu'il devait faire en ce moment.

— Joanna peut-être. Une semaine en Bretagne avec rien à foutre, on a pas mal causé. Surtout lui. Il s'arrête jamais. J'ai jamais vu quelqu'un causer autant.

Le contraste avec Quentin avait été saisissant, autant dans le volume de paroles que dans le ton et le langage. Jo ne pouvait pas nier que cela lui avait plu de retrouver plus de naturel, sans devoir faire gaffe à rester poli.

— Comment il a pris... Tout ce truc sur la magie et les sorciers ? Demanda Steven.

S'ils avaient admis la différence de Bo jamais l'un comme l'autre n'avait évoqué l'idée que la magie puisse exister. Et quand il y avait été confronté, Steven avait préféré ne pas les mêler à ça. Visiblement en vain.

Jo tourna la tête vers Steven. Lui aussi était un sorcier, mais jamais Dimi n'en avait parlé. Il ne devait pas le savoir jusqu'à leurs retrouvailles.

— Avec une grande curiosité au début. Avant qu'il arrive ici, il était à New York avec deux de tes nouveaux collègues. Il les a harcelés de questions sur la magie, les objets de pouvoir, tout le bordel.

Le jeune homme reporta son attention sur le feu rouge, tirant sur sa clope presque terminée.

— Avec Bo en danger en permanence... et puis, voir comment la relation entre sa frangine et Quentin s'est développée à vitesse grand V... Notre monde lui plait de moins en moins. En même temps, je comprends un peu... S'il pouvait emmener Bo loin d'ici et oublier tout ça, il hésiterait pas.