Chapitre 23 - Joyeux anniversaire, Noé !

Elle sentit qu'il déposa un baiser sur ses lèvres avant de reprendre sa place dans le lit. Noé n'avait plus sommeil, mais il voulait encore profiter un peu du plaisir qui flottait encore en lui, du bonheur qu'il ressentait, et il devait vraiment arrêter de sourire à ce point.
Il se donnait encore quelques instants, puis il se lèverait, irait prendre une douche et descendrait chercher le petit-déj. Il sourit un peu plus en se disant qu'il n'aurait jamais pensé que fêter son 18e anniversaire serait aussi génial.

***

Bo et Quentin rêvaient. La mer s'étendait sous leurs pieds nus. Elle était basse et son bleu était ourlé d'or. Au loin, il y avait des récifs sous forme de galets empilés les uns sur les autres.
Jamais ils ne s'étaient sentis aussi bien. Ils ne savaient pas vraiment s'ils dormaient à cet instant ou s'ils flottaient encore dans cet état second de plaisir que leur dernière étreinte avait déclenché.
Leurs ombres s'étaient trouvées encore et encore jusqu'à les mener ici où Les lumières ne pouvaient pas venir. S'ils restaient ici, ils étaient tranquilles. C'était une zone qui avait été tissé pour eux, où leur magie se rejoignaient qu'ils soient dans l'un ou dans l'autre. C'était ce que Nhill avait mis en place comme protection.
Leurs pensées s'y mêlaient sous une forme diffuse sans qu'il sache réellement si elle avait pris naissance dans l'esprit de l'un ou de l'autre.
Ils reprirent lentement conscience en entendant des bruits du monde. Le monde où ils étaient. La réalité. La voix de Dimitri qui pestait. Il disait quelque chose sur le fait qu'il y avait de la flotte partout. Il était tentant de rester là... De ne pas y retourner.

— Putain mais y a des vagues aussi ! C'est n'importe quoi ! Bo ! Réveille-toi tout de suite ! Merde !

Il tambourinait si fort à leur porte, qu'ils reprirent connaissance assez brutalement. Quentin était toujours contre elle, en elle, les bras de cette dernière le serrant contre son corps.
Elle ouvrit les yeux et écarta ses lèvres des siennes. Elle se sentait incapable de parler. D'autant que Dimitri avait cessé de frapper pour lancer un :

— Et recommencez plus, bordel ! Même si y a plus d'eau et de cailloux, l'appartement pue la marée maintenant !

Quentin avait rouvert les yeux en même temps qu'elle. Comme d'habitude, ils avaient plongé dans ceux de Bo. Bouger semblait demander un effort considérable. Reprendre pied dans la réalité également.
Cette nuit avait été la meilleure de son existence sur bien des plans. Le plaisir physique, celui généré par leurs ombres qui se mêlaient, cet endroit rien qu'à eux où leurs esprits étaient allés... Il aurait voulu que rien ne s'arrête. Le monde avait cessé d'exister en dehors de Bo, de son corps, de ses caresses, de leurs ombres.
S'il avait été en état de réfléchir, son côté sérieux et pragmatique aurait dit que c'était dangereux, qu'ils auraient pu être à la merci de n'importe qui, qu'ils n'en seraient peut-être pas revenus, mais pour le moment, il pensait juste au bonheur infini qu'il ressentait à plonger son yeux dans ceux de Bo, à la sentir agrippée à lui, à être encore en elle, à cette connexion plus que physique qu'ils partageaient.
Entendre Dimitri râler le fit rire doucement. Un de ces rires spontané qu'il n'avait qu'avec Bo, quand il oubliait le Quentin si sérieux et pétri de responsabilités.

Elle lui sourit en réponse et l'embrassa doucement.

— Tu crois qu'on a dormi ? Demanda-t-elle dans un murmure.

Elle ne savait pas si c'était ce qui s'était passé entre les moments où ils cessaient de faire l'amour ou bien s'ils étaient dans cet endroit hors du monde au paysage à couper le souffle et au ciel miroitant comme celui des plus beaux levés de soleil.
Elle ne s'était jamais sentie autant en forme. Aucune fatigue, aucune douleur... Les ombres de Quentin avaient transmis leur force aux siennes et en retour, elle n'avait eu de cesse de les libérer des zones où il les avait enfermées.

— Aucune idée, souffla-t-il tout bas.

Il n'avait pas à lui poser la question, il savait exactement qu'elle se sentait autant en forme que lui, qu'elle avait repris des forces grâce à ses ombres. Lui-même se sentait plus complet maintenant que ces dernières n'étaient plus prisonnières. Avant cela, il n'avait jamais pris conscience de ne pas l'être, mais le changement était flagrant.

— Je t'aime, murmura-t-elle.

C'était complètement inutile de le dire avec tout ce qu'ils avaient partagé cette nuit sous toutes les formes mais elle en avait besoin malgré tout. Elle l'embrassa à nouveau avec plus de fougue. Quentin sentit son corps s'échauffer de plus belle alors qu'il était encore au creux du sien bien qu'il ne se souvienne plus quand ils avaient commencé ça.

Quentin n'était vraiment pas contre qu'elle le dise encore et encore. Il ne s'en lassait pas et elle put sentir à quel point alors que sa bouche répondait à la sienne et que ses mains retrouvaient leur vie propre sur le corps de Bo.

— Je t'aime tellement, murmura-t-il entre deux baisers.

Il avait la sensation qu'il ne pourrait jamais éteindre le désir qu'il ressentait pour elle, qu'il en voudrait toujours plus.

Les mains de Bo s'attardèrent à nouveau sur sa peau , alors qu'elle remontait sa jambe contre sa hanche. Elle abandonna ses lèvres pour son cou. L'odeur de leur transpiration avait effacé celle qu'elle jugeait superficielle. Elle l'avait toujours voulu ainsi, sans cet arsenal de vêtement et de couches qui n'étaient pas lui.
Elle laissa échapper un nouveau gémissement en sentant cette chaleur intense reprendre possession du bas de son ventre. Elle avait expérimenté le plaisir sous toutes ses formes cette nuit, il n'y en avait pas un qu'elle préférait à l'autre. Et comme, elle avait déjà oublié que Dimitri était réveillé, ses halètements ne furent pas dissimulé.
La télévision s'alluma en réponse, leur laissant toute latitude de faire autant de bruits qu'ils voulaient.

Avec n'importe qui d'autre, Quentin aurait été gêné de savoir que quelqu'un pouvait les entendre, d'autant plus le frère de la femme qui gémissait à son oreille. Sa pudeur habituelle l'aurait poussé à verrouiller la pièce avec un sort de discrétion, mais c'était actuellement la dernière de ses préoccupations. Peut-être que ce serait différent quand il sortirait de cette chambre, mais pour l'instant, seule Bo comptait. Ses gémissements et des halètements étaient une douce musique à ses oreilles. Il avait passé la nuit à explorer chaque centimètre carré de sa peau, comme il le lui avait dit, mais il n'en avait jamais assez.
Sa respiration s'était calquée sur celle de Bo au fil de leurs déhanchements. Son coeur battait au même rythme. Echo ou synchronisation, il s'en moquait bien.

Le plaisir qui les envahis fut cette fois presque uniquement physique. Leurs ombres ne pouvaient s'empêcher de s'accrocher même si ça n'était que par l'extrémité. Quentin sentait d'ailleurs une légère frustration au fait que Bo en ait si peu par rapport à lui.
Il leur fallut quelques minutes avant de reprendre complètement pieds. Très lentement, elle le relâcha et se laissa glisser sur le dos.

— Si j'avais pas si faim, je refuserai qu'on sorte de cette chambre, murmura-t-elle en le regardant.

Elle lui offrit un large sourire.

Il porta sa main à ses lèvres, souriant toujours avec cette chaleur qui trahissait combien il l'aimait.

— Maintenant que tu le dis, je meurs de faim.

C'était encore une étrange sensation que de sentir ses ombres comme des membres à part entière de son corps, comme autant de mains qui s'accrochaient à celles de Bo. Il était persuadé que ce serait encore meilleur si elle en avait le même nombre exact, si toutes ses ombres étaient connectées à celle de la jeune femme.

— Je vais aller chercher le petit-déjeuner.

Il n'avait aucune idée de l'heure qu'il était.

Dimitri s'était réveillé au son de la télévision et il s'était dépêché de l'éteindre en voyant que tout baignait dans trente centimètres d'eau. Tout l'appartement. Et il y avait un ban de sable devant la cuisine avec des piles de galets dessus.
Une mouette s'était mis à voler dans la pièce et tout s'était heureusement arrêté quand il avait tambouriné à la porte de sa chambre. Enfin tout... Quand il avait entendu qu'au lieu de sortir voir, sa soeur s'était mise à gémir avec force, il s'était dit que le Karma le punissait d'avoir écarté Connor de la vie de cette dernière. S'il était habituée à ce qu'elle l'entraine dans toutes les pièces, ça ne durait pas aussi longtemps et surtout... La mer ne débarquait pas dans la maison !
La mer avec des vagues et le sel en plus ! Ses vêtements étaient encore trempés comme tout le reste mais les appareils électriques ne semblaient pas corrompus puisqu'il put mettre la télé en route afin de ne plus entendre "les oui" fiévreux de Bo.
Il regarda Noé sortir de sa chambre. Le pauvre n'avait pas dû être à la fête en dormant si près de son frère.

— Je vais faire du café, lui dit il avec compassion.

Noé aurait bien pris plus de temps pour sortir de son lit, mais entre les ébats enfiévrés de la chambre d'à-côté qui allaient lui redonner des idées et le coup de gueule de Dimitri, il avait estimé qu'il était l'heure qu'il aille prendre une douche.
Il était sorti de la pièce sans avoir conscience qu'il avait toujours ce petit sourire du mec comblé sur ses lèvres. C'était moins flagrant que tout à l'heure, mais tout de même...

— Putain... Mais c'est trempé, fit-il en posant le pied sur la moquette.

Il regarda Dimitri.

— Y a eu une inondation ?

Mais pourquoi ça sentait l'iode et les embruns ?

— Ouais t'avais dû entendre parler de femmes fontaines... Moi j'ai mieux à la maison... J'ai la déesse de la Mer, pesta Dimitri.

Il soupira en ouvrant les placards.

— C'est à cause de ton frère ça ! Elle foutait pas ce bordel là avant... Elle se contentait de faire du bruit...

Il se tourna vers Noé, le paquet de café dans la main. Ses yeux se plissèrent légèrement. Il n'avait pas l'air de mauvais poils. Un peu fatigué mais...

— Ils ont dû t'empêcher de dormir, dit il en l'observant.

Noé regardait partout dans l'appartement. Il avait entendu Dimitri gueuler quelque chose à propos de vague et de sable, mais sur le coup, il n'avait pas pris les choses littéralement. Si la nature de changelins de ces deux-là faisait apparaitre la mer à chaque fois qu'ils baisaient, la maison allait devenir un vrai bordel et sa mère allait péter les plombs.

— Hein ? Ah, ouais. ça a été infernal.

Au moins la première fois, parce que la seconde avait mené à quelque chose de bien, bien plus agréable. Rien que d'y repenser, ses lèvres s'étirèrent un peu plus et il sentit que cela réveillait ce qui dormait dans son boxer.

— Faut que j'aille prendre une douche.

Froide. Ce serait mieux.

Dimitri continua de l'observer mais se dirigea vers la cafetière.

— Pas trop pénible de partager le lit avec Capucine ? Elle a dû prendre toute la place non ? demanda-t-il l'air de rien.

— Non, pas vraiment.

Dans sa tête, il y avait un petit Noé qui brûlait de crier sur tous les toits qu'il avait couché avec Capucine et qu'elle avait aimé ça ! Il le musela. S'il s'en vantait, elle lui arracherait les yeux et les couilles. Pire encore : elle refuserait qu'il la touche à nouveau.

— Je vais aller prendre une douche et j'irai chercher son petit-déj et le nôtre. T'as réussi à dormir, toi ?

Dimitri le trouvait souriant. Vachement plus souriant que les matins où il l'avait vu descendre à la salle à manger à Saint-Germain. Il avait même le sourire en coin du mec qui a pris son pied.

— Comme une masse. J'étais crevé, je dois dire. Bon le canapé est un peu raide mais... Je descendrais avec toi chercher le petit déjeuner. J'ai pas envie de les voir se regarder comme des merlans frits tout de suite.

Noé ne savait pas trop comment il allait pouvoir cacher ce qui s'était passé une fois qu'il verrait Capucine au petit-déj. Rien que là, il sentit son sourire revenir.

— Ok. Je vais prendre une douche, fit-il un peu trop précipitamment pour être honnête.

Il fila à la salle de bain, non sans râler sur la moquette mouillée, mais pas aussi fort qu'il l'aurait fait d'ordinaire.

Lorsqu'ils descendirent avec Dimitri, ils croisèrent en bas de l'immeuble, deux mecs qui étaient droits dans leur costard.

— Mais sérieux les gars, comment vous faites pour rester comme des statues alors qu'il y a personne...

Bien sûr, ils ne répondirent pas mais l'un des deux leur emboita le pas, en restant dix mètres derrière.

— T'arrives à vivre comme ça ? Demanda Dimitri à Noé.

Noé soupira. La douche lui avait fait du bien. Il se sentait toujours sur son petit nuage, mais il ne souriait plus comme un imbécile.

— C'est pas ça, notre vie, d'habitude. J'ai jamais eu un mec sur mes talons H24. C'est que depuis la mort d'Eric... Et c'est hyper lourd. Il est temps que ça s'arrête.

— Hmmm... Vu comment Quentin est parano.

En pure perte d'ailleurs.

— Je suis sûr qu'il te faisait suivre sans que tu le saches. T'as peut être même des micros dans ta chambre.

Ils trouvèrent une petite superette ouverte avec la boulangerie juste à côté.

— Dans ma chambre ? J'espère pas !

Vu ce qu'il y faisait parfois, tout seul, ce serait vraiment dégueulasse !

— Je vais à la supérette. Capucine veut des yaourts.

— Elle aime quoi d'autre ? Demanda-t-il en lui emboitant le pas.

Il soupira en disant :

— C'est con que je sois gay... Parce que c'est vrai que c'est une jolie fille. Elle est mannequin c'est ça ? Pas trop pénible ?

Noé ne pensait pas à la bouffe à la question de Dimitri. La première réponse qui lui vint en tête fut la caresse de ses doigts dans son intimité et il n'aurait vraiment pas dû y repenser.

— Elle est vraiment très belle, c'est vrai, fit-il d'un petit air rêveur.

Il se reprit aussitôt.

— Pourquoi ça serait pénible qu'elle soit mannequin ? Non. Et puis, je la vois pas comme ça. Enfin, pas que.