Chapitre 16 bis -

— Je m'en doute. Vous l'avez toujours su ? Même avant qu'Eric l'apprenne ?

— Oh bien sûr ! Ça se voit comme le nez au milieu de la figure... Mais quand j'ai vu que tout le monde faisait comme si de rien n'était... Cela eut été très impoli de ma part, de dire que vous n'étiez pas humain comme les autres.

Il le regarda avec curiosité.

— Je savais que vous prendriez les choses avec votre recul habituel mais j'avoue ne pas être aussi sûr de la réaction de Mademoiselle Bo.

Il haussa les épaules.

— Je ne vous cacherais pas que ça a été un choc, mais ça ne change pas qui je suis. Mais pour Bo... Je n'ai pas encore eu le temps de lui dire. Tout s'est enchaîné depuis hier. Ma priorité était de trouver comment lui éviter de mourir et je voulais discuter avec l'Huldre. Vous savez, Nhill m'a dit qu'elle serait morte d'ici demain s'il n'était pas intervenu. Maintenant qu'on a un peu plus de temps devant nous, j'aimerai lui parler, mais je dois encore courir en Norvège et comme on ne peut pas s'approcher... le moment n'est pas le mieux choisi.

Thanaclop pouvait voir que cela le gênait de ne pas pouvoir tout révéler à Bo. Il regarda le démon dans les yeux.

— Je sais comment est mort Eric. On lui a injecté une ombre et ça l'a tué. L'ombre a ensuite vécu dans son corps pendant presque 4 mois avant que les Lumières en Bo ne l'éliminent.

— Je me doutais qu'il y avait eu quelque chose de ce genre... Parfois Alexis venait quand il avait bu et dans ses délires il évoquait avoir fait du mal à Eric.

Il montra l'étoile.

— Elle a juste à l'avaler.

— Elle va être ravie de votre cadeau.

Il hésita un instant, puis demanda :

— Si jamais il m'arrivait la même chose qu'à Eric ou que cela arrive à Noé, est-ce que ce qui nous remplacerait aurait accès à votre dimension ? Est-ce que vous sauriez que nous ne sommes plus nous-mêmes ?

— Cela ne peut pas vous arriver Quentin, ni à Bo. Tout comme un Huldre ne peut pas vous posséder... C'est sûrement pour ça que ce Nhill a choisit des humains au lieu de faire d'une pierre deux coups sur vous.

Il sortit une feuille, de l'encre et se mit à tracer des ellipses. A chaque fois qu'un trait entrait en contact avec un autre, une fine étoile d'encre se cristallisé au point d'impact. Il ouvrit un autre flacon d'une couleur or et remplit certaines zones. Il lui tendit la feuille. Son papier était très fin et d'une chaleur agréable.

— Je vous en préparerai d'autre. Donnez celui-ci à la personne que vous souhaitez protéger d'une possession en priorité. La durée de vie est d'un cycle lunaire, ce sera à refaire. Vous avez juste à le placer sur la peau pour que le dessin s'y transfers. Ombres, esprits ou personne... Aucune possession n'est possible.

— Merci encore.

Il sortit le journal de son frère de sa poche.

— Je vous demandais ça parce que je ne voudrais pas qu'on se serve de vous ou qu'on vous manipule à votre tour si jamais l'un d'entre nous l'est, d'une manière ou d'une autre. Je voudrais vous confier le journal d'Eric. Je ne peux pas me promener avec, c'est trop dangereux. Mais s'il m'arrivait quelque chose, il faudrait le donner à Noé.

— Bien entendu. Il est en sécurité ici, Approuva le démon.

Il alla aussitôt le ranger dans le placard avec ses autres merveilles.

— Une dernière chose avant de vous laisser. Demain, j'emmène Alexis et Capucine avec moi en Norvège. J'ai écouté vos conseils la concernant. J'aimerai venir chez vous avec eux pour tout leur révéler.

Quentin avait bien réfléchi à la question et il aurait préféré parler de leur nature avec Bo d'abord, mais s'il avait besoin qu'Alexis et Capucine soient efficaces, il ne devait rien leur cacher.

— Ici, je suis sûr qu'aucune oreille indiscrète ne sera à l'affût.

— Vous êtes sûr de vous pour Alexis ?

Il ne s'inquiétait pas vraiment pour Capucine. Celui qui s'hasarderait à l'ensorceler n'était pas encore né.

— Je suis lié à lui maintenant. Il est mon esclave si je dois reprendre les termes d'Eric. Il n'est sous l'influence de personne.

Plus maintenant en tous cas.

— Je lui donnerai l'un de vos sortilèges pour être sûr que ça n'arrive plus, fit-il en désignant la feuille de papier dans sa main. En attendant, je vais le barder de protections.

— Je ne pensais pas à ça.

Thanaclop détourna les yeux.

— Il n'y a pas de lumière en Alexis. Il n'y a qu'un souffle de vie dans un désert affectif où n'a brillé que deux soleil : Eric et la folie de sa famille. Il est malheureux et il le sera toute sa vie. Il y a des gens comme ça.

Il regarda Quentin.

— Il sera prompt à parler pour quiconque lui donnera un semblant de confiance, de compréhension, d'amour... Il est comme un animal prêt à suivre quiconque aura un os dans sa poche. Pour avoir la loyauté, il faut du temps et certains ne le seront jamais...

La mention des soleils rappela à Quentin comment Alexis le voyait lui : lunaire. Tout l'opposé.

— J'espère lui avoir donné un but : retrouver celui qui l'a manipulé et qui a tué Eric. Pour le reste, j'essaye d'instaurer une relation de confiance et de le prendre plus en considération que mon frère pouvait le faire. Il est lié empathiquement avec moi, même si j'ai encore du mal à appréhender ce que ça peut signifier exactement. Nous ne sommes liés que depuis 36h.

Il fallait toutefois que Quentin prenne en considération les avertissements de Thanaclop. Gauthier devait avoir une bonne idée de la psychologie d'Alexis, c'était bien pour cela qu'il avait réussi à le manipuler aussi facilement.

— Merci pour vos conseils.

— Personne n'a jamais aimé Alexis. Alexis n'aime personne. C'est aussi simple que ça. Et ce n'est pas de sa faute pour autant. Bonne nuit Quentin.

— Bonne nuit, Thanaclop. A demain.

Quentin se retrouva dans sa chambre. Il se rendit aussitôt de l'autre côté du couloir et frappa à la porte de celle de Bo.

Il fallut quelques minutes avant qu'elle ne vienne ouvrir, visiblement encore endormie. Entre le moment où il avait parlé aux uns et aux autres, le temps s'était écoulé et il était plus de minuit.
Après avoir picoré avec son frère, ils avaient regardé un film sur l'ordinateur de ce dernier et s'étaient endormis.

— Tout va bien ? Demanda-t-elle avec méfiance.

— Je suis désolé de te réveiller. J'ai un cadeau de Thanaclop pour toi et Dimitri.

Il ouvrit la main pour lui montrer l'étoile.

— Il dit que si tu l'avales, ça te protégera quelques temps des effets de cette chose, fit-il en désignant son ventre de l'autre main.

— C'est les étoiles de sang... Celle que ma magie avait englouti.

Elle le regarda.

— Ça a dû lui coûter de m'en donner une...

— Je crois qu'il t'aime beaucoup lui aussi.

Il fit glisser l'étoile de ses mains aux siennes sans la toucher. Être si proche et ne pas pouvoir même la frôler... Il ne devait pas y penser.

Elle hésita mais finalement l'approcha de ses lèvres. L'étoile vola d'elle-même dans sa bouche. Une lumière bleuté traça des sillons sur sa peau pendant quelques secondes. Bo sentit sa tête tourner et elle se retint au mur d'une main. Elle ne s'était pas attendue à ce que la magie soit si forte dans une si petite chose. C'était encore différent de tout ce qu'elle avait pu vivre.

Il avait esquissé un geste vers elle avant de refermer son poing pour éviter de la toucher.

— Bo ? ça va ?

Elle s'adossa au mur et garda les yeux fermés.

— Oui, murmura-t-elle. C'est juste très fort... Comme une bouteille d'un truc à Oncle. Ça passe...

Elle eut un frisson alors qu'un peu de sueur perlait pourtant à son front. L'alternance entre chaud et froid en quelques secondes d’intervalles était assez étrange.

— Tu devrais peut-être retourner t'allonger, fit-il en la regardant avec attention.
— Bo ? entendirent-ils en provenance du lit.

Dimitri émergeait à son tour. Il bascula sur le lit pour voir ce que fabriquait sa soeur. On ne voyait que sa tête et le désordre de ses boucles.

— J'arrive, murmura-t-elle.

Elle tendit la main en ouvrant les yeux et frôla celle de Quentin.

— Tout va bien alors ? lui demanda-t-elle en retrouvant un peu ses couleurs.

— Oui. Tout va bien.

Il lui sourit avec tendresse, puis pencha la tête pour regarder Dimitri.

— J'ai un truc pour toi aussi.
— Qu'est-ce que tu racontes ?

Dimi se leva en râlant, se grattant le bas du dos. Quentin lui tendit la feuille.

— Avec ça, personne ne pourra te posséder ou te manipuler. Ni une ombre, ni un esprit. Pose la feuille sur ta peau et ça agira.

Cela semblait la décision la plus logique à Quentin. Si Gauthier voulait s'en prendre à Bo, ce n'est pas Noé qu'il manipulerait, mais Dimitri.

— Et ça pouvait pas attendre demain matin ?

Mais l'Anglais râlait juste pour le principe. Il plaqua la feuille sur son torse, à l'endroit du coeur. Le dessin se transféra aussitôt.

— Moi qui ais jamais voulu de tatoo...