Chapitre 13 - Révélations

Gwen l'observa. Bo la laissait perplexe sur bien des points. Tout ce qu'elle ressentait se lisait sur son visage, un peu comme avec les enfants.

— Vous devriez manger un peu, lui dit-elle gentiment. Ne vous en faites pas pour cet après-midi. Le docteur Missionnier est quelqu'un de très compétent. Elle a suivi mes trois grossesses.

Un instant, son regard se troubla à ces mots, mais elle écarta aussitôt la pensée qui venait de naître dans son esprit.

— Je n'ai pas faim. Je vais aller prendre une douche et m'habiller.

Elle se leva et quitta la salle à manger. Elle résista à l'envie de partir à la recherche de Quentin et s'en tint à ce qu'elle avait dit.
Elle occupa sa matinée à ranger sa chambre puis celle de Quentin, ayant ainsi l'impression d'être un peu avec lui.
Finalement, en compagnie de Gwen, elle rejoignit Capucine dans un restaurant japonais. L'avantage c'est qu'elle put les laisser discuter ensemble après avoir répondu distraitement à quelques questions. Elle grignota quelques brochettes et du riz du bout des lèvres. Ses pensées la ramenaient à sa journée de la veille et plus encore à la soirée qu'elle avait passé avec Quentin. Elle avait la sensation qu'ils s'étaient encore plus rapprochés bien qu'il ne l'ait pas embrassé comme elle avait cru l'espace d'un instant. Elle se demanda s'il avait fait le même rêve qu'elle avec cette étrange partie de dominos.

— Je me demande bien à quoi tu peux penser pour sourire ainsi, dit Capucine alors qu'on leur apportait le dessert.

Bo sortit de ses pensées en la regardant. Même si Gwen n'avait pas été là, la réponse "À Quentin entièrement nu" n'était pas la meilleure des choses à dire. Elle était presque sûr que ça donnerait envie à capucine de harceler un peu plus et il n'avait pas besoin de ça.

— Je suis contente que mon frère arrive bientôt, dit elle à la place.

Elle sortit son téléphone pour lui envoyer un SMS histoire de voir s'il avait une date maintenant.

— Je vais faire préparer une chambre pour lui. Si vous souhaitez la choisir, n'hésitez pas, fit Gwen.

Elle se demandait à quoi pouvait ressembler le frère de Bo, mais surtout, elle se disait qu'ainsi, la jeune femme serait moins focalisée sur son fils.

Franck est en train de prendre les billets. Pour demain ! Tu tiendras jusque là ?

Bo sourit à son message. Il réchauffa son coeur.

— Il arrivera demain. C'est encore mieux que ce que j'espérais, dit elle.

Elle lui répondit en souriant davantage. "Tu me manques tellement. Je m'ennuie sans toi. Gwen m'emmène chez le medecin pour faire une echo. J'ai envie d'embrasser Quentin. J'ai trouvé un de ces cousins qui veut bien nous emmener en boite de nuit. Il a le pouvoir d'absorber les orgasmes."
Elle savait bien que même si elle avait noyé l'info, son frère ne retiendrait que l'essentiel.

Gwen n'aimait pas trop qu'on soit sur son téléphone alors qu'elles déjeunaient. C'était déjà tellement difficile à le faire entendre à Quentin, qui avait toujours une bonne raison professionnelle pour garder le sien à portée de main, et à Noé !

— C'est une excellente nouvelle.

Dimitri répondit aussitôt : "Bien essayé de détourner mon attention avec cette histoire d'orgasmes ! Tu as envie de l'embrasser ? Hâte d'arriver pour que tu me racontes comment c'est possible !

Capucine était repartie dans une discussion qui ne nécessitait absolument pas l'intervention de Bo. N'y même peut être celle de Gwen bien qu'elle connut les gens dont elle parlait.
Bo poussa donc l'impolitesse jusqu'à répondre encore une fois à son frère "Comment c'est possible... Avec des contacts agréables, des confidences, un peu d'alcool... Et pas de grand frère pour faire peur aux mecs !!" Même si elle sentait bien que Quentin n'était pas du genre à se laisser impressionner par Dimitri même s'il menaçait de lui démonter la gueule.
Elle envoya également un message à ce dernier puisqu'il n'avait pas tenu ses belles paroles de le faire en premier "T'as rêvé de dominos cette nuit?"

Elle reçut d'abord la réponse de son frère.

"C'est un challenge ça ? :p"

Mais Quentin ne fut pas long à répondre non plus.

"Avec des hommes tous nus ?
Comment ça se passe ?"

Bo se dit qu'elle ne devait vraiment pas mélanger ses deux réponses. Elle répondit dans l'ordre.
Dimitri : "Tu ne lui feras pas peur... Même moi je ne suis pas sûr d'y arriver avec mes ombres..."
Quentin :"Tu veux vraiment que je t'explique comment on joue avec des hommes nus aux dominos par texto ?"
Elle le reposa sur la table pour regarder Gwen.

— Mon frère s'inquiète de déranger. Je lui ai expliqué que la maison était grande et qu'il n'était pas obligé d'aller à l'hôtel.

C'était toujours mieux que de justifier son impolitesse par le fait qu'elle puisse faire des avances déguisées à Quentin et l'annoncer à son frère dans le même temps.

— Quel genre d'homme est Dimitri ? Demanda Capucine.
— Pas le tien. Et je dis pas ça uniquement parce qu'il est gay, précisa Bo.

Son téléphone vibra, affichant la réponse de Quentin : "Je parlais de ta journée !"

— Quentin m'a dit qu'il était photographe professionnel, intervint Gwen.

Le message de Dimitri suivit : "Tu dis ça pour me pousser à essayer !"

— Professionnel c'est un bien grand mot... Disons que parfois il gagne un peu d'argent. Mais il a du talent. Plus pour la photo que pour la cuisine en tout cas.

Capucine demanda l'addition.

— Je vous invite, dit elle avec un sourire. Je n'ai aucune envie de retourner à la fac cet après-midi.

Et Bo n'avait aucune envie qu'on scanne son ventre pour tenter d'y voir son alien. Elle profita que Gwen et la jeune fille se disputent pour payer. Elle attrapa son portable pour répondre.
Dimitri :"Essaie. On va rire. Cela dit, je galère... Et je suis pas certaine qu'il se laisse séduire aussi facilement. C'est moi qui lui court après, pas l'inverse."
Quentin :"Ma journée est bien moins excitante que mon rêve."

"Courage, tout ira bien.
Il faudra que je te parles de mon rêve.

Alors que Bo lisait le message de Quentin, Gwen capitula et laissa Capucine payer, non sans lui avoir signifier que cela ne devait pas devenir une habitude.

— Mais tout de même, Capucine. Il faudrait peut-être que tu retournes en cours.

Cela l'inquiétait que la jeune femme végète à la fac. Elle voyait bien que cela ne l'intéressait pas vraiment.

"OMG ! Il faut vraiment que j'arrive pour voir ça ! répondit Dimi. "T'es sure qu'il est hétéro ?

Bo eut un claquement de langue agacé.

Dimitri : "Il est à moi ! Pas touche !"
Quentin : " Si je n'étais nue dedans, ça ne m'intéresse pas."

Capucine haussa les épaules.

— Mais j'y vais et je suis assidue. Mes notes sont bonnes. C'est juste que ce n'est pas captivant. J'aurais peut être dû prendre lettres modernes.

Gwen se demandait parfois ce qui se serait passé si elle avait eu une fille dans son lot de garçons. Sa relation avec Capucine ressemblait-elle un peu à celle qu'une mère aurait eu avec sa fille ?

— Je ne doute pas que tes notes soient bonnes, tu es intelligente. Mais j'ai parfois l'impression que ce cursus ne te convient pas. Peut-être qu'il te faudrait trouver ce qui se plaît vraiment. Il y a tellement de possibilités, fit-elle avec un sourire.

Quentin : "On en reparlera ce soir. C'est important."
Dimitri : "C'est mon devoir de grand frère de vérifier ça pour qu'il ne brise pas tes espoirs ! "

— Je ne sais pas trop... Peut-être que finalement il me faudrait quelque chose plus concret comme le marketing ou la communication, concéda Capucine. Mais ma mère a été à la Sorbonne et il lui semblait indispensable que j'en fasse de même.

Bo fronça les sourcils.

Quentin :" T'es pas obligée de me parler comme si c'était un dossier de plus sur ta pile des choses à gérer. Pourquoi faut toujours que tu fasses 3 pas en arrière quand on passe du bon temps ensemble. Et demande à Jo de te montrer comment on met un smiley sur ton tél ! "

Elle soupira et repassa à son frère, elle allait vraiment s'y perdre.
Dimitri :"Avec lui, je me sens aussi sexy que Granny. Pourtant y a des moments où j'ai l'impression qu'il y a un truc... Et ensuite je redeviens la gentille Petite Bo de compagnie. "

Gwen se disait que si Capucine avait démontré des facilités avec les potions, elle lui aurait enseigné ce qu'elle savait, comme elle le faisait avec Noé. Elle avait bien essayé, mais malgré la bonne volonté de la jeune femme, les résultats n'avaient pas été probants.
Il n'y avait finalement qu'avec Noé que cela fonctionnait. Eric et Quentin n'avaient jamais démontré guère d'intérêt pour cette sorte de magie. Le second avait bien dévoré ses livres de recettes et essayé de son mieux, mais il s'était avéré bien plus à l'aise avec la magie d'Aurélien. Peut-être parce qu'ils passaient plus de temps ensemble et que son père était son modèle.

— Quelque chose ne va pas, Bo ? demanda-t-elle en la voyant froncer les sourcils.

Bo leva les yeux de son téléphone.

— Je pense que certaines personnes gagneraient à ce que nous utilisions encore les télégrammes.

Elle le rangea dans son sac et se leva.

— On y va ?

Autant se débarrasser de la corvée le plus tôt possible, histoire de s'enfermer dans sa chambre ensuite.

— Allons-y, oui.

Gwen se leva et sourit encore avec chaleur à Capucine.

— Je t'envoie un message quand nous aurons terminé, si tu veux nous rejoindre ensuite. J'ai prévu d'emmener Bo au salon de thé après le rendez-vous.

Bo leva les yeux au ciel, se demandant pourquoi il fallait qu'elle soit maudite à ce point. Elle allait le faire payer à Quentin ce soir. Très cher.
Capucine serra Gwen dans ses bras, embrassa Bo sur les joues et s'en alla. Cela ne consola pas Bo qui redevint la cible des interrogations de la mère de Quentin. Heureusement, le trajet fut assez court jusqu'au cabinet.
Elles patientèrent un moment à la salle d'attente avant que Laurence Missonnier ne les reçoive.
Bo préféra y aller seule, principalement parce qu'elle craignait que ce soit un alien et que Gwen tourne de l’œil. Elle répondit à toutes les questions, se soumis à un examen gynécologique qui sembla laisser le médecin perplexe. Elle se décida à faire l'échographie mais garda l'écran tourné vers elle.

— Vous allez me faire écouter le coeur et me dire si c'est une fille ou un garçon, c'est ça ? Demanda Bo.

Le silence s'éternisait et elle commençait à se sentir un peu angoissée. Que ferait elle si cette femme se mettait à paniquer parce qu'elle avait un monstre en elle ?

— Je voudrais vérifier quelque chose, si vous êtes d'accord, dit Laurence en se levant.

Elle sortit de son bureau un coffret et s'approcha d'elle. Lorsqu'elle l'ouvrit, elle vit un linge presque transparent mais avec des symboles brodés. Bo déglutit difficilement, elle se demanda si Quentin n'aurait pas dû être près d'elle. Et si la sorcière-caméléon avait eu vent de ce rendez-vous ?

— Ça ne fait pas mal, lui assura-t-elle.

Bo hocha doucement la tête et la vit poser sur son ventre le morceau de tissu. Les symboles se mirent à luire, prenant une teinte dorée. C'était très beau et la jeune femme se redressa pour mieux voir les dessins géométriques. Puis brusquement, il s'enflamma, les faisant pousser toutes les deux un cri de surprise.

— Je... Qu'est-ce qui s'est passé ? Demanda Bo.

La sorcière regarda son outil de prédilection, présent dans sa famille depuis des générations, disparaitre en poussière. Elle se força pourtant à se reprendre.

— Je ne sais pas... Mais mademoiselle Hendricks si vous avez été enceinte... Je crains que vous ne le soyez plus. C'est autre chose qui vous rend malade... Mais je en sais pas quoi, avoua la femme.

Bo baissa sa tunique et s'assit pour la regarder.

— Je ne suis pas enceinte, répéta-t-elle.

Laurence Missonnier fit "non" de la tête.

— Je vais chercher les résultats de votre prise de sang. Je reviens tout de suite.

Le docteur sortit, laissant Bo seule dans le cabinet, pour rejoindre la pièce attenante où Gwen attendait. Elle était livide et jamais encore la sorcière n'avait vu la praticienne si inquiète.

Gwen était debout depuis qu'elle les avait entendus pousser un cri. Son inquiétude monta d'un cran en voyant l'expression de Laurence.

— Qu'est-ce qui se passe ? Tout va bien ?

Laurence activa le sort de discrétion sur sa porte. Elle se précipita vers l'appareil où elle avait lancé l'analyse de sang et se saisit des résultats. Elle les parcourut rapidement avant de lever ses yeux vers son amie.

— Tu devrais t'assoir, dit elle à Gwen.

La sorcière obéit, pâlissant un peu plus. Elle attrapa la petite croix en or à son cou, priant en silence. Cet enfant était tout ce qui lui restait d'Eric. Elle ne voulait pas le perdre lui aussi.

— Dis-moi ce qui ne va pas.

— Elle n'est pas enceinte. Et je ne pense pas qu'elle l'ait été un jour, Gwen.

Elle s'assit en face d'elle pour lui prendre la main.

— Son utérus n'est pas fonctionnel. Mais au-delà de ça... Il y a bien quelque chose à l'intérieur.

Elle lui montra les résultats de la prise de sang.

— Et c'est entrain de la tuer. Je ne sais même pas comment elle peut être autant en forme avec un taux de globules aussi bas et des hormones qui explosent de cette manière...

Gwen avait ouvert de grands yeux aux nouvelles successives. Elle se raccrocha à la main de Laurence tout en parcourant les résultats sanguins.

— Est-ce que... Est-ce que tu as une petite idée de ce que c'est ? Est-ce que c'est une tumeur ?

Si c'était cela, ils pourraient la guérir ou ralentir la progression de la maladie. Ils le faisaient bien pour d'autres, tout le temps.

— La relique de Malte s'est embrasée... Je ne l'ai plus. C'est de la magie. Une magie tellement puissante... Je ne sais pas ce qu'autant de magie pourrait faire, Gwen mais ce qui est certain c'est qu'aucun être humain ne pourrait supporter une chose pareille... Ou très peu de temps.

Elle serra sa main et ajouta :

— Elle ne semble pas au courant... Tu m'avais dis qu'elle n'était pas sorcière alors... Je lui ai juste dis qu'elle avait perdu le bébé. Il faut que je retourne auprès d'elle, d'ailleurs.

— Oui. Bien sûr, répondit-elle, sous le choc. Laisse moi juste quelques minutes avant de revenir. Que je me reprenne.

Elle sentait les larmes lui brûler les yeux, mais elle ne devait pas les laisser couler.

— Comment a-t-elle réagi ? demanda-t-elle alors que Laurence allait rejoindre Bo.