Chapitre 12 - Dans la vie de Quentin, dans les rêves de Bo

— On n'avait pas le temps ce matin de toute façon, mais tu pourras le faire demain ou dimanche, si tu veux.

Il lui sourit en se servant d'un pancake.

— Salut les filles, fit Noé en entrant en traînant des pieds.

Il avait laissé son sac à dos dans l'entrée. Il portait un jean noir avec un tshirt rouge, ses nike de la même couleur aux pieds, comme d'habitude. Il avait vissé un borsalino noir souligné d'une bande rouge sur sa tête.
Il s'assit à côté de Capucine.

Bo s'interrompit mais le regard qu'elle lança à Quentin signifiait clairement qu'elle n'avait pas dit son dernier mot concernant le petit déjeuner.

— Bien dormi ? Pas de mauvais rêve où tu provoquais des overdoses à répétition à de pauvres innocents ? Demanda Bo à Noé.

Elle préférait changer de cible. Elle découpa un morceau de pancake.

Noé lui lança un regard pas aimable.

— Sérieux ? Dès le petit déj ?
— Tu croyais qu'on allait attendre 3 semaines ? répliqua Quentin.

Noé soupira et se servit un grand bol de céréales.

— J'ai déjà dit que c'était pas de la drogue. C'est rien que des potions pour se détendre, putain.
— Surveille ton langage.

— Il y a eu un problème, demanda Capucine en arrêtant de tartiner son pain de confiture.

Bo avala une nouvelle bouchée.

— Noé a pris du viagra liquide de sa réalisation personnel et a fait un bad trip. Quentin a dû se charger de vider un peu sa copine des effets secondaires. Alors du coup y a de la punition dans l'air.

Capucine quitta Noé des yeux pour regarder Quentin.

— C'est pour ça que tu étais dans la chambre de Bo ce matin ?

Noé ne put s'empêcher d'afficher un sourire en coin à cette information. Voir Quentin qui déconnait avec la copine d'Eric, c'était quand même inespéré.

— Non, ça n'a rien à voir, répondit Quentin.

Il préféra revenir à son frère plutôt que de revenir sur sa présence dans la chambre de Bo.

— Noé deale des potions auprès de ses copains depuis des mois, précisa-t-il, ce qui lui permettait aussi d'énoncer les charges à retenir contre son cadet. Peut-être même à tout son lycée. Et il fait ça avec la fille de Gauthier.

Il attendit que Noé confirme, mais celui-ci se contenta de hausser les épaules.

Capucine ne retint qu'une chose de tout ça.

— Alors c'est elle ! Mais pourquoi tu me l'as pas dit ! s'écria-t-elle.

Elle sourit à Noé.

— Elle ne s'habille pas trop mal.

Bo avala une nouvelle bouchée en se disant que ça aurait pourtant été tellement plus salutaire qu'il sorte avec une fille un peu moins dans les critères de Capucine.

Noé lui rendit son sourire, ravi d'avoir une alliée.

— Tu te doutes de pourquoi. Si son père savait... Il est avec Maman, ça serait trop bizarre. Et puis, il est hyper strict avec Clem. Elle a jamais le droit de rien faire. Il aurait été contre.
— C'est sûr que maintenant, tu auras de la chance s'il ne la renvoie pas aux Etats-Unis.

— Gauthier ne parle pas souvent d'elle. Avant qu'il la ramène ici, je n'aurais même pas soupçonné qu'il puisse être père. Je l'ai rencontré au printemps de créateurs... Elle est très intelligente et très cultivée, approuva Capucine.

Bo sentit qu'elle se retenait de dire "Pas comme Bo". Elle prit sa tasse et but son thé.

— Elle est formidable, approuva Noé avec un sourire.
— Et tu l'as mise en danger, intervint Quentin. Gauthier était furieux et il y avait de quoi. Elle est malade et sous traitement.
— Je sais très bien ça !
— Alors pourquoi, Noé ? Pourquoi l'avoir laissée avaler tes saletés ? Tu aurais pu la tuer et toi avec. Si Kelya ne vous avez pas entendu hurler, tu sautais par le balcon ! Tu as joué à l'apprenti sorcier. Je te croyais plus intelligent que ça.

Capucine hésita un instant. Elle souhaitait plaire à Quentin même si elle savait que c’était vain. Pour autant, elle était mal à l'aise qu'il parle ainsi à Noé. Même si elle se doutait qu'il allait la rembarrer sévèrement si elle s'en mêlait.

— Noé est très consciencieux dans son élaboration de potions. Peut être qu'il s'agit d'autre chose, dit elle.

Bo releva les yeux vers elle. Elle ne pensait pas Capucine si courageuse.

Noé pensait la même chose que Bo. Il était reconnaissant que Capucine affronte Terminator pour lui, mais il craignait le pire.
Quentin tourna la tête vers la jeune femme.

— Capucine, mêle toi de tes affaires pour une fois. C'est à Noé que je parle, pas à toi.

— Je sais, dit elle d'un ton moins pincé que d'habitude. Et j'ai déjà vu Noé travailler sa magie ce qui n'est pas ton cas. Je maintiens qu'il peut y avoir autre chose en cause que ses dosages. Je ne dis pas que le partager avec les autres lors d'une soirée soit à cautionner mais je ne pense pas qu'il aurait mis qui que ce soit en danger.

Bo s'adossa à sa chaise pour les regarder tour à tour. Elle commençait enfin à se sentir à la maison. Même si ça manquait de vaisselle cassée.

Quentin frappa la table du poing, faisant sursauter les tasses sur leurs soucoupes.

— Tu m'emmerdes, Capucine !

Jamais Quentin ne s'était exprimé de la sorte, et jamais il n'avait tapé du poing sur la table, mais il n'avait dormi que 3h après une journée plus qu'éprouvante, sans compter la peur qu'il avait eue pour Noé et ce qu'il avait appris sur Eric cette nuit.

— Ce sont des affaires de famille, reste en dehors de ça.

— Est-ce que cela va devenir une habitude de chasser tous les invités de la maison en les insultant ? Demanda Gwen en entrant.

Si Capucine s'était apprêtée à répondre vertement, elle préféra se taire en affichant un sourire satisfait. Elle savait que Quentin détestait déplaire à sa maman.

— J'y suis pour rien cette fois, dit Bo en levant ses mains.

Gwen soupira en s'installant à table. Elle regarda Quentin.

— Il y a un problème ?

Quentin avait très envie de faire ravaler son sourire à Capucine et cela se vit dans son regard. Il prit sur lui pour ne pas le faire et prit une inspiration afin de retrouver son calme. Quand il regarda sa mère, il lui adressa un regard d'excuse.

— Rien dont tu dois te soucier, répondit-il sur son ton habituel. Un petit différent avec Noé.

Il remit son col en place, même s'il n'en avait pas vraiment besoin. Il jeta un oeil à sa montre.

— Dépêche-toi de finir, on part bientôt, fit-il à son frère.

Gwen regarda ses fils longuement et remercia Annie pour le service. Elle n'insista pas. Elle ne se mêlait pas des disputes entre ses enfants. De toutes manières, elle n'aurait rien à demandé pour que Capucine lui révèle tout.

— Tu emmènes Bo avec toi.

Jamais encore la jeune fille ne s'était levée si t^t et n'avait fait autant d'efforts dans sa tenue.

— C'est pour éviter que je passe à tabac son équipe de sécurité. J'ai promis d'être sage, dit Bo.

Capucine la regarda avec attention.

— Tu as frappé les gardes du corps ?

Bo haussa les épaules.

— J'aime pas qu'on me touche.

Quentin adressa un regard d'avertissement à Noé. Ils n'en avaient pas fini avec leur discussion. De son côté, son frère fut suffisamment intelligent pour ne rien dire alors que Gwen était là.

— Bo a besoin de voir autre chose que la maison et comme je n'ai pas envie que ça dérape encore avec mes hommes, autant que je la garde à l'oeil moi-même.

Quentin n'était tout de même pas fier que sa mère l'ait surpris à perdre son calme face à Capucine, et tout aussi contrarié de se retrouver pris en défaut alors qu'il était dans son droit.

Bo regarda Quentin.

— J'adore quand tu me fais passer pour une dangereuse délinquante.

Elle au moins, elle ne vendait pas de la drogue. Mais elle avait bien compris qu'on ne disait rien devant Gwen. On ne parlait jamais de rien de grave devant elle. Tout le monde semblait d'accord sur ce point.

— Bo, j'ai obtenu un rendez-vous auprès d'une amie pour demain après-midi. Elle a un cabinet privé et pourra s'assurer que votre bébé se développe bien.

La jeune fille se crispa sensiblement. Le bébé. Elle n'y pensait plus. Pourquoi ne parvenait elle pas à intégrer qu'elle puisse avoir le fils d'Eric dans son ventre.

— Okay, dit elle en se levant.

Elle regarda Quentin.

— Je vais choisir la voiture.

Elle n'attendit pas pour quitter la pièce.

Il la suivit du regard. Maintenant qu'il avait une partie des réponses, il comprenait mieux les réactions qu'elle pouvait avoir parfois.

— Nous rentrerons pour dîner. Si jamais il y a du retard, je te préviendrais, fit-il à sa mère en avalant son café.

Finalement, il n'avait pas avalé grand-chose. Tant pis, il verrait au bureau.

Gwen regarda Quentin.

— Je me fais du soucis pour elle. Son corps... Ce n'est pas celui d'une femme enceinte de quatre mois.
— Peut être qu'elle ne l'a jamais été, fit remarquer Capucine.
— Je n'ai pas dit ça, tempéra Gwen.

Elle craignait plus une forme de déni en réponse à la mort d'Eric. Bo se comportait très différemment des gens de leur famille. Elle avait du mal à s'entretenir avec elle. Elle regarda Quentin. Avec lui ça semblait différent comme si elle avait décidé de lui faire exclusivement confiance.

— Les sautes d'humeur, l'agressivité, le feu au cul, ça ressemble plus à des règles perpétuelles chez elle, dit Alexis en entrant dans la pièce.

Il se laissa tomber à la place de Bo et termina son assiette. Il était en caleçon et portait un bonnet tête de chien.

Quentin allait répondre à sa mère mais se figea en regardant Alexis. Il ne l'avait pas vu depuis la réunion de famille, mais l'avait en fait à peine fréquenté depuis leur retour d'Angleterre.

— Alexis ? C'est rare que tu prennes le petit déjeuner avec nous, dit-il avec prudence.

Il regarda Gwen d'un air inquiet. Depuis le départ d'Eric, Alexis avait graduellement changé de comportement. Sa jalousie, son sentiment d'abandon avaient été exacerbés au fil des mois, puis des années, mais vu les sentiments contradictoires qu'il avait toujours eus pour Eric, cela n'avait rien eu d'étonnant. Le reste était plus préoccupant et avait tout à voir avec la maladie mentale chronique des Bergerac, leur malédiction.
Il repensa à ce qu'avait dit Bo la veille au sujet d'Eric, qu'il était égoïste, ne pensait pas aux autres quand il faisait quelque chose. C'était vrai et Alexis en était le parfait exemple. Les raisons du départ d'Eric étaient justifiables, mais pas l'abandon de son Substitut et de toute sa famille.

— J'avais faim.

Il regarda Quentin en enfournant le reste de Pancake.

— Tu l'emmènes à ma place ce matin. Moi aussi je veux bien dormir avec toi, si ça peut te rendre de meilleur humeur, dit il visiblement avec un grand sérieux.

Capucine soupira devant cette foule de personne qui en avait après Quentin alors qu'elle s'était quand même positionnée la première.

— C'est gentil, mais ça va aller. Merci.

Noé fixait le bonnet tête de chien d'un air ahuri.

— T'as un chouette bonnet, fit-il en terminant son bol.

— C'est Chase. De la Pat Patrouille. C'est le meilleur de tous les chiens, répondit Alexis.

Il scruta la table et se pencha pour piquer le yaourt de Capucine. Elle protesta et voulut le récupérer mais il l'arrêta d'un doigt comme faisait Bo.

— J'ai besoin de calcium. Pas toi. Fais gaffe !
— Mais t'es vraiment complétement à la masse, dit Capucine en le fixant.

Noé ne put s'empêcher de rire. Il savait pourtant que cela n'avait rien de drôle.

— Tu devrais prendre des congés, Alexis. Quelques jours, ça te fera du bien, lui dit Quentin.