Chapitre 10 - La famille de Lyonesse

Elle eut un sourire.

— Tu as monté des verres. C'est tellement mignon.

Elle s'approcha de la fenêtre.

— La seule chose qui me motive c'est qu'il y aura sûrement des trucs super bon à manger... Mais va falloir que je me freine pour pas prendre un plateau et faire le service.

Si elle s'était imaginée un jour être de l'autre côté de la barrière...

— Je te surveillerais pour éviter ça.

Il finit par sortir de son dressing. Il avait passé le gilet assorti à son pantalon et une cravate un ton de bleu au-dessus à rayures obliques. Il était en train de fixer les boutons de manchettes.

Elle le regarda avec attention.

— C'est pas des boucles d'oreille alors...

Il lui semblait bien que c'était un peu épais tout de même.

Il lui montra ses manches.

— ça ? Non. Je n'ai pas de boucles d'oreille.

Il approcha le bouton de manchette de l'oreille de Bo d'un air critique.

— Non, vraiment pas. Mais je suis sûr qu'ils doivent bien faire des paires assorties.

— Alors c'est pas non plus des barrettes ce que j'ai vu là bas, dit elle en désignant le dressing.

Dommage parce que c'était peut être une solution pour faire tenir ses cheveux indisciplinés.

— Des... Non, non. Ce sont mes épingles de cravate.

Il lui désigna celle qu'il avait mise, assortie aux boutons de manchette évidemment.

— Tu crois que j'avais des boucles d'oreille et des barrettes dans mon dressing ?

— J'avais... de l'espoir. Une espèce de grain de folie vestimentaire que tu dissimulais aux autres...

Elle haussa les épaules en levant les mains.

— Je suis une incorrigible optimiste, qu'est-ce que tu veux !

Elle lui sourit et ôta la barrette de sa cravate pour la mettre dans ses cheveux.

Il secoua légèrement la tête en la voyant faire. Il n'était pas sûr que ça tienne vraiment plus de quelques minutes.

— Il va falloir qu'on descende.

Quentin espérait que tout se passerait bien. La seule qu'il redoutait vraiment était Sophie, comme d'habitude.

Elle s'accrocha à son bras et lui sourit.

— Je te suis, dit elle doucement.

Il posa sa main sur la sienne avec douceur.

— Je sais que ça n'a rien à voir avec ta famille, mais tu t'en sortiras très bien. Je suis là et ma mère aussi.

Il ôta sa main et l'entraina vers la sortie.

— Fais attention à ma grand-mère.

— J'ai cru comprendre. Tout le monde a son nom à la bouche... Mais je sais pas jouer la comédie. Je vais juste essayer de pas trop... parler.

Elle resta cependant accrochée à son bras mais avec l'air plus détendue qu'à son arrivée.

— Je ne te demande pas de jouer la comédie, ni de ne pas être toi-même. C'est juste qu'elle peut avoir des mots très durs.

Ils quittèrent la chambre et descendirent l'escalier. Les premiers invités étaient déjà arrivés et sur la terrasse. Un homme de l'âge de Gwen sortit du salon. De taille moyenne, il avait un visage aimable. Son crâne s'était dégarni avec l'âge et ce qui lui restait de cheveux blancs était parfaitement coordonnée avec sa barbe.
Il adressa un sourire amical à Quentin et vint aussitôt lui serrer la main.

— Ah, Quentin. Bonsoir.
— Bonsoir, Gauthier. Je vous présente Bo Hendricks.
— Mademoiselle, enchanté de faire votre connaissance. Gauthier Gavinski, fit-il dans un anglais au léger accent américain en lui tendant la main.
— Gauthier est un ami de la famille, précisa Quentin. Il a connu mon père à la fac et il travaille chez DLS.

— Bonsoir, dit elle en assortissant ses mots d'un sourire poli.

Elle serra sa main mais garda l'autre bien posé sur le bras de Quentin.

— Je suis vraiment navré pour Eric, fit Gauthier. Il nous manque à tous.

Quentin jeta un oeil à Bo. Elle allait certainement beaucoup entendre ce genre de phrases ce soir.

Elle hocha la tête.

— Merci, dit elle.

Le minimum de mot et un sourire poli. Elle sentait que ce serait la meilleure des techniques. Ahmed entra et confia son manteau avant de venir vers eux avec un sourire. Sa femme était encore dans l'entrée à déshabiller leur fille.

Après avoir salué Ahmed de loin, Gauthier s'excusa et les laissa pour rejoindre la terrasse.

— Voilà nos meilleurs alliés pour la soirée.

Quentin serra la main à Ahmed avec sa chaleur habituel. Il était content que sa mère ait pensé à les inviter.

Ahmed sembla approuver la tenue de Bo d'un regard appréciateur que Quentin connaissait bien. Il leur sourit et demanda l'air de rien :

— Il n'y avait pas trop de monde aux Tuileries ?

Quentin regarda Ahmed avec désapprobation.

— Tu espionnes ton patron maintenant ?

Ahmed lui sourit.

— Non j'assure la sécurité de notre invitée. Tu sais bien qu'en cas de contact rapproché, on ne peut pas voir ce qui se passe à distance, dit il avec malice.

— C'est marrant ça. Vous mettez des gars qui espionnent les gars qui espionnent la cible...

Ahmed sourit à Bo.

— On ne peut pas se permettre de faire brûler la baraque nous... Y a qu'Alexis qui ne peut pas se faire virer, dit il.

La femme d'Ahmed les rejoignit avec Soraya dans les bras. Elle fit la bise à Quentin et à Bo.

[ 2h15 du matin, après avoir passé plus d'une heure à décrire la famille, le forum me déconnecte et je perds tout... impossible de récupérer mon texte, j'hésite à aller me pendre... ]

Quentin aurait dû se douter qu'Ahmed enverrait quelqu'un, d'autant plus qu'il avait décidé de ne pas passer au bureau au dernier moment et après les trois derniers jours où il avait tiré sur la corde. Ahmed était consciencieux et cela faisait partie de son boulot. C'était aussi le geste d'un ami qui veillait sur lui. Ce qui le contrariait le plus finalement, c'est qu'il ne lui ait rien dit et que leurs employés l'aient vu hors de leur contexte habituel. Il revit alors la façon dont il avait serré Bo contre lui ou comment il l'avait prise par les épaules ou par la main ensuite. Nul doute qu'Ahmed aurait des choses à dire là-dessus.

— Au moins, tu es conscient que tu peux perdre ton boulot n'importe quand, répondit Quentin après avoir salué la femme de son ami et sa filleule d'un sourire aussi chaleureux.

Ils quittèrent ensemble le hall d'entrée pour se rendre en terrasse. A peine avaient-ils posé le pied sur la terrasse que Quentin repassa en mode "représentation". Bo le sentit dans la tension qui habita soudain son corps, mais aussi dans son sourire de façade, distant et poli, tout autant que dans son regard à l'avenant. Ce n'était pas comme s'il l'avait vraiment voulu, mais c'était plutôt le résultat de son éducation et avoir pris la place de son père et de son frère ces dernières années n'avait rien arrangé. Elle n'eut aucun mal à imaginer qu'à nouveau, ses épaules supportaient le poids de toutes les responsabilités qui lui incombaient, mais aussi de celles qu'il avait endossées à la place d'Eric ou encore tout ce qu'il considérait comme étant de son devoir envers les siens. Le contraste était saisissant avec l'homme qui l'avait accompagnée toute la journée.
Tout le monde n'était pas encore arrivé, dont, évidemment, Sophie, qui aimait à la fois se faire attendre et réussir ses entrées.
Quentin laissa Ahmed et sa femme rejoindre Gwen pour entrainer Bo à la rencontre des autres invités. En dehors de ses amis, de Capucine, d'Alexis et de Gauthier, ils avaient tous du sang de Lyonesse dans les veines. De ce que Quentin expliqua rapidement à Bo, il ne s'agissait que de ceux vivant sur Paris et les environs. La famille étendue était bien plus nombreuse, mais était aussi dispersée dans les grandes villes de France, en Suisse, en Italie et d'autres pays d'Europe. Tout le monde ne travaillait pas pour DLS, mais souvent, ceux qui avaient une entreprise y étaient liés d'une manière ou d'une autre.
Le doyen s'appelait Philippe. C'était le frère du grand-père de Quentin. Malgré ses 80 ans bien sonnés, il avait encore du style et de la prestance. Sa femme, Cécile, était du même acabit, très vieille France. De cette génération, ils n'étaient que les seuls représentants en attendant Sophie.
Venaient ensuite leur fille, Claire, et son époux. Claire était violoncelliste dans un grand orchestre philharmonique. Son mari, non sorcier, travaillait au Parlement Européen. Ils étaient accompagnés de leurs trois enfants : Hugo, l'aîné, avait un an de moins que Quentin et était entré chez DLS depuis quelques mois ; Christophe, de trois ans son cadet, faisait Science Po ; et Emilie, tout juste la vingtaine, se destinait à une carrière de pianiste.
Quentin présenta ensuite Bo à Pierre, le petit-cousin d'Aurélien, un homme guindé, mais très courtois. Il travaillait chez DLS depuis des décennies et était spécialisé dans les sortilèges de protection de grande ampleur. Sa femme, Clarisse, était plus abordable que lui et accueillit Bo avec un sourire sincère et de la bienveillance. Leur fille, Hélène, âgée de quelques années de plus que Noé, s'entendait à merveille avec Capucine, tout comme Emilie. Toutes les trois étaient en pleine conversation sur la Fashion week qui aurait lieu en juillet prochain à Paris.
David, un petit-cousin d'Eric du même âge, finit par arriver en s'excusant de l'absence de sa femme, encore fatiguée par la naissance de leur premier enfant, deux mois plus tôt. Lui aussi travaillait chez DLS, mais s'il salua Bo d'un sourire et d'un ton de circonstance, il fut rapidement évident que les échanges avec Quentin seraient tout juste cordiaux.
A tout ce monde, s'ajoutèrent enfin deux soeurs d'une autre branche de la famille et leurs maris respectifs, également sorciers français. Tous les quatre occupaient des postes à responsabilité dans l'une des entreprises familiales.
Ne manquaient donc plus que Sophie et Olivier, le petit-cousin de Quentin qui avait dû passer la chercher. Le père de ce dernier, Jean, était en Angleterre, gérant l'équipe affecté à la surveillance des Hendricks.

Alors que Quentin présentait Bo aux uns et aux autres, la jeune femme sentit rapidement qu'elle était le point de mire des regards et des conversations. Ici, tout le monde pensait qu'Eric était resté loin de ses responsabilités d'héritier pour vivre avec elle. Ils connaissaient tous les circonstances officielles de la mort de l'aîné d'Aurélien et qu'une enquête était en cours. Ils savaient également que Bo n'était pas du même milieu qu'eux, que ce soit financièrement ou magiquement parlant. Ils n'avaient cependant pas plus d'informations sur elle ou sa famille, ce qui alimentait ces derniers jours les suppositions et les ragots. En dehors de ceux vivant ici et d'Ahmed, personne ne savait non plus qu'elle était enceinte. Et personne ne savait en dehors de Quentin qu'elle comprenait désormais parfaitement le français.

[heureusement que j'ai de la mémoire, j'ai pas eu trop de mal à réécrire le passage...]

Bo sentait bien deux choses. À la fin de la soirée, elle ne se souviendrait d'aucun nom et elle aurait mal aux pieds. Elle se contentait pour le moment de sourire et de répondre aux quelques questions d'usage que Quentin lui traduisait la plupart du temps. Certains faisaient l'effort de lui parler anglais, surtout dans les plus jeunes.
Mais il était évident que les gens se demandaient ce qu'elle pouvait faire là puisque Eric était mort. Et elle n'était pas loin de le penser aussi. Elle avait fini par lâcher Quentin mais restée près de lui.

Ils étaient revenus près de Gwen qui, avec Gauthier, discutait avec Pierre et son épouse. Quentin attrapa au passage deux verres de jus de fruits sur le plateau d'un des serveurs qui sillonnaient la terrasse, et en offrit un à Bo.

— Cette tenue vous va à merveille, la complimenta la mère de Quentin avec sincérité.

Si elle avait bien noté la présence inhabituelle de l'épingle à cravate de son fils dans les cheveux de la jeune femme, elle n'en dit rien.

— Bo est une artiste. Elle est illustratrice pour enfants, enchaina-t-elle à l'adresse de Clarisse.

Les minutes qui suivirent, Bo dut répondre aux questions de la femme sur la question, alors que Quentin parlait travail avec Pierre et Gauthier. Ce dernier était à la tête du département juridique de DLS.
Finalement, Gwen regarda l'heure à sa montre et interrompit Quentin.

— Noé n'est toujours pas descendu. Tu ne voudrais pas aller le chercher ?

Le jeune homme posa les yeux sur Bo comme si la laisser là toute seule équivalait à l'abandonner au milieu des loups.
Ce n'était pas comme s'il avait le choix : Alexis n'avait pas encore daigné les rejoindre, s'il le faisait, et Capucine était à l'autre bout de la terrasse.

— C'est bon, je vais aller me chercher quelque chose à manger, dit elle en lui souriant.

Elle lui souffla à l'oreille :

— N'oublie pas... Les cheveux ou alors tu lui tords le bras dans le dos.

Elle lui sourit et le laissa pour aller au buffet. Elle comptait bien discuter avec les pauvres serveurs pour savoir s'ils étaient bien payés.

Quentin la laissa, non sans adresser un regard à Ahmed lui signifiant de garder un oeil sur elle, puis disparut dans la maison.
Il n'était pas parti depuis 5 minutes que Sophie se montra enfin, accompagné d'un homme aux cheveux blonds mi-longs.
La grand-mère de Quentin avait plus de 80 ans mais ne les faisait pas. Elle avait tout de la matriarche sévère, ses cheveux blancs coupés au carré et le foulard Hermès autour du cou. Si elle souriait d'un air aimable, il était autant de façade que celui que Quentin avait plaqué sur son visage en présence des de Lyonesse. Son regard parcourut l'assemblée, vérifiant que tout le monde était bien là, comptabilisant les absents, et notant dans un coin de sa tête tout ce qui ne lui convenait pas dans l'organisation de cette soirée.
L'homme à ses côtés était plus engageant. Il était âgé d'une dizaine d'années de plus que Bo et Quentin et était vêtu de façon plus décontractée que le jeune homme, d'un pantalon crème et d'une chemise bleu ciel, sans gilet, ni cravate. Les manches de sa chemise étaient relevées jusqu'aux coudes, dévoilant une belle montre à son poignet droit et plusieurs bracelets de cuir avec des perles  au gauche. Son sourire était franc alors qu'il serrait la main de David.

Bo n'eut pas vraiment de mal à reconnaitre la vilaine sorcière de l'Ouest. Elle nota cependant qu'elle était accompagnée du chasseur et qu'au vu de son physique avantageux, il ne devait pas avoir de mal à arracher des coeurs.

— C'est qui le type avec elle ? murmura-t-elle au serveur à qui elle tenait la jambe depuis cinq minutes.

Comme il lui avait dit avoir fait plus d'une fois le service ici, il devait savoir.