Chapitre 10 - La famille de Lyonesse

Mercredi soir - St Germain

Quentin regrettait d'avoir dû rentrer à St Germain, mais les bonnes choses avaient toujours une fin et il fallait bien affronter la réalité.
"Quelque chose de simple" n'ayant pas du tout la même signification dans son monde que dans celui de Bo, ils croisèrent en entrant dans la maison des serveurs bien apprêtés qui terminaient de mettre les tables et les chaises en place sur la terrasse. Gwen avait organisé un buffet dînatoire et Annie n'avait que peu quitté sa cuisine de la journée, heureusement aidée par ses habituels extras.
La mère de Quentin était elle aussi fort occupée à tout superviser pour que ce soit impeccable et l'aide de Capucine était la bienvenue, comme d'habitude. Ils ne seraient pas plus d'une trentaine, mais ce ne serait pas une soirée aussi informelle que Sophie voulait le faire croire. Rencontrer Bo n'était pas anodin, et si elle avait simplement voulu faire sa connaissance, elle se serait invitée pour déjeuner ou prendre le thé sans y mêler le reste de la famille. Gwen craignait que sa belle-mère n'en profite pour mettre encore une fois l'histoire de la succession de la famille et de DLS sur le tapis.

— Nous avons tout juste le temps de nous changer avant que les premiers arrivent, fit Quentin en regardant l'heure à sa montre.

— Ils préparent un mariage...

Bo était restée figée en voyant les tables qu'on dressait. Elle désigna les serveurs.

— Je faisais ça avant. Et c'était pas un truc simple. C'était des réceptions, dit elle.

— Ah oui ? Tu as fait ça longtemps ?

Il lui désigna l'escalier. Il irait déposer l'alcool et le reste dans sa chambre.

— J'ai été serveuse une bonne période de ma vie... Et les extra à Bristol pour payer ma robe de mariée.

Elle soupira en montant les marches.

— Qui n'a jamais servi et qui a brûlé grâce à Alexis. C'était bien la peine de se donner tout ce mal...

— Celle du mariage avec Monsieur Watson ? Tu l'avais gardée ?

S'il avait bien compris que la plupart des femmes conservaient leurs robes de mariées comme une sorte de fétiche ou de souvenir, elles l'avaient portée avant.

Elle s'arrêta sur le pallier.

— Hmmm elle était vraiment jolie. Je me trouvais vraiment... je ressemblais réellement à une mariée avec qui on peut vouloir se marier.

Elle soupira en le regardant :

— C'est débile et je la mettais pas hein...

Enfin seulement une ou deux fois quand elle était sûre que personne ne la voyait.

— Je n'avais même pas imaginé ça.

Il prit la direction de sa chambre.

— Je suis sûr qu'elle t'allait à la perfection, lâcha-t-il après quelques pas.

Elle lui sourit.

— On verra ce que tu penses de moi en... tenue de créateur. Je viendrais te chercher dans ta chambre pour avoir ta validation avant de descendre me faire manger toute crue.

Elle retourna dans sa chambre et sortit du placard ce que Capucine lui avait payé avec une super réduction parce que la créatrice était une de ses meilleures amies. Ce qui était certain c'est que Bo n'aurait jamais acheté ça d'elle-même mais quand Capucine avait sous-entendu que Quentin allait se disputer avec sa grand-mère si elle se permettait une remarque la concernant... Elle n'avait pas voulu en rajouter. Elle savait que son attitude et son langage suffirait, elle pouvait bien faire un effort.
Elle ne rejoignit Quentin dans sa chambre que vingt minutes plus tard et pour une fois, elle frappa.

— Ais-je une chance de te voir complétement nu ? Demanda-t-elle en guise d'annonce.

— A quelques minutes près, répondit-il en lui ouvrant.

Il avait à nouveau troqué son jean contre un pantalon de costume bleu gris et avait changé de chemise, toujours pour une blanche, qu'il n'avait pas encore complètement fermée.

— Pas de chance, dit elle avec un sourire.

Elle était plus grande puisqu'au lieu de ses docs, elle avait mis des chaussures noires ouvertes à talons compensés qui lui faisaient une belle cheville. Le reste de sa tenue était tout autant inhabituel. Elle avait mis un pantalon noir assez fluide, légèrement fendu sur les côtés qui attirait l'oeil sur ses jambes quand elle marchait. Le chemisier qu'elle portait était en organza et laissait deviner sa lingerie noire dessus mais elle avait mis une veste d'un joli bleu pour couper cet effet. En revanche, elle laissait voir les broderies noires représentant des poissons sur le bas de son haut.

— J'ai passé un temps fou à essayer d'attacher mes cheveux mais... c'est horrible, y en a toujours un qui s'échappe... J'espère vraiment que ça ira parce que je te jure que j'ai fais de mon mieux, dit elle mal à l'aise.

Il s'effaça pour la laisser entrer, incapable de ne pas la détailler des pieds à la tête.

— Tu es vraiment superbe. Tu arrives toujours à me surprendre.

Son compliment était des plus sincères.

— Ah, dit elle un peu surprise en entrant.

Elle se tourna vers lui.

— Parce que bon... Capucine a juste dit "ça devrait faire" quand on était à la boutique. Elle aurait préféré que je prenne une robe... Puis quand je l'ai mis, elle est devenue toute pâle et elle a dit que c'était pas une bonne idée finalement.

La robe était pourtant très jolie et Bo se serait sûrement laissée tenter mais en voyant la tête paniquée de Capucine, elle avait renoncé. Ça et le prix.

Il reconnut bien là les manoeuvres dignes de Capucine.

— Vraiment ? Si tu veux mon avis, cette robe devait t'aller parfaitement et elle a craint la concurrence.

Il referma la porte et retourna vers le dressing en boutonnant sa chemise.

— La concurrence ? Pour un repas de famille ? Et puis Eric n'est plus entre nous...

Si tant est qu'il l'est jamais été. Elle lui avait posé tellement de questions à ce sujet. Enfin, ça lui avait semblé moins dangereux de lui répondre qu'à Quentin. Surtout sur le manque d'imagination concernant les préliminaires.
Elle le suivit mais dû renoncer à bondir pour le faire.

— Je peux finir de t'habiller, demanda-t-elle avec enjouement.

— Tu veux choisir pour moi ? Essaye.

Il lui désigna le dressing de la main.

— Je ne mettrais pas la veste ce soir. Ce n'est pas une grande réception.

Le regard de Quentin s'égara sur les jambes de Bo que le pantalon dévoilait d'une très jolie façon.

— Pas une grande réception, murmura-t-elle en levant les yeux au plafond.

Il suffisait de regarder par la fenêtre pour être convaincue du contraire.

— Il n'y a rien dans ton dressing. A part les drôles de boucles d'oreille et les barrettes.

Elle lui attrapa la chemise et dit avec un sourire légèrement provoquant.

— Tu veux pas descendre avec ta chemise ouverte sur ton tatouage et les cheveux décoiffés... Imagine la tête de Noé.

— J'imagine surtout celle des autres.

Il écarta une longue mèche de ses cheveux pour dégager un peu son visage.

— Il te manque des bijoux. Des boucles d'oreille.

— Pour que tu saches où je suis sans traceur magique parce que ça fera du bruit quand je marche ? Demanda-t-elle avec une moue.

— Je ne parle pas d'une cloche, s'amusa-t-il.

Cela lui fit penser que demain, avant de partir au bureau, il faudrait qu'il pose quelques barrières magiques sur elle, au cas où.

— Je peux finir de boutonner ma chemise ?

Elle accrocha un peu plus ses mains en guise de réponse autour du tissu et accompagna son geste d'un signe de la tête signifiant "non".

— J'ai pris goût à te voir autrement que comme un huissier de justice. Tu veux pas que je t'emmène à Celio ou chez Jules un jour ? J'en ai vu quand on a fait les boutiques avec Capucine. Y a des pulls, des polos, des tee-shirts.

Elle s'amusa à citer les vêtements comme si c'était des trucs obscènes ou franchement scandaleux.

— Mais j'ai des pulls et des tshirts, répondit-il sur le même ton. Je dois même avoir un short quelque part, pour les vacances que je ne prends jamais.

— Un short... Waouh ! Là... Je peux rien dire ! Dit elle en le lâchant et en levant les mains en signe de reddition.

Quentin eut un rire bref en la voyant faire.

— Et oui, tu vois, j'arrive même à te surprendre.

Il en profita pour finir de boutonner sa chemise et la passer dans son pantalon.

Elle sortit du dressing.

— Ça veut pas dire que je visualise le truc. Ne t'emballes pas. Il y a des chances pour qu'une démonstration soit nécessaire un de ces quatre. Cela vaut pour les autres trucs grossiers cités avant. Par contre, je te dispense du col roulé. Aucun mec ne devrait s'infliger une chose pareille.

Il la suivit encore une fois du regard.

— ça, je suis bien content de te l'entendre dire, parce qu'il y a des limites que je ne suis pas prêt à franchir.

Les livres qu'il avait achetés cet après-midi étaient empilés sur la petite table près de son fauteuil, à côté de la boite en bois. L'alcool que Bo avait choisi y était aussi, avec deux verres et la boite de chocolats.