Chapitre 2

— C'est valable pour toi, fit remarquer Alexis en attrapant son blouson.

Il se gratta la tête.

— J'espère qu'il y aura pas son chien.

— Dis moi qu'il n'y a qu'une seule plage ici, réalisa soudain Quentin en passant sa veste.

— Oui. Mais elle est longue quand même, fit remarquer Alexis.

Il le regarda avec attention.

— Pourquoi ? Tu sais pas où exactement ?

— Non, admit-il dans un soupir. Elle est partie très vite.

Il haussa légèrement les épaules.

— Nous trouverons bien.

Il aurait peut-être dû lui mettre un traceur magique, juste au cas où.

— T'aurais dû lui mettre un traceur magique, dit Alexis. C'est fou comme tu perds tes bons réflexes depuis qu'on est là.

Il lui lança les clés.

— C'est pas moi qui conduit !

Quentin attrapa les clés au vol.

— Comment ça "je perds mes bons réflexes" ?

— Traceur, interrogatoire, sévices corporelles... Ah non ça c'est pas toi, dit Alexis en sortant de la chambre.

C'était cette bougresse de Joanna. Elle lui manquait pas celle-là.

— Sévices... corporels. Mais qu'est-ce que tu racontes encore ?

Il referma derrière eux et le suivit dans le couloir.

— Je ne crois pas que ça soit le genre de la maison.

Ou alors il se passait des choses chez DLS qu'il ignorait.

— Ta copine a le profil à aimer ça, avec les bottes et le fouet, dit Alexis avec une grimace.

— Ma... Joanna ?

Il écarta la discussion de la main.

— Ne me fais pas profiter de tes fantasmes, je t'en prie.

Alexis fit semblant de vomir.

— Sans façon.

Il frissonna à cette idée.

Quentin n'insista pas, mais il préféra nettement qu'Alexis réagisse ainsi à la mention de Joanna. Son amie ne l'avait jamais supporté, elle le pilerait sur place s'il commençait à baver sur elle.

Ils reprirent la voiture et Quentin conduisit jusqu'à la plage. Il se gara près de l'endroit où Eric était mort et commença à chercher Bo du regard.

— T'es sûr que c'est là ? C'est morbide ici...

Alexis soupira et regarda sa montre, ils étaient en avance en plus.

— Ce serait pas la plage à côté de chez elle plutôt ?

Quentin soupira.

— Tu ne pouvais pas me le dire avant qu'on vienne se garer ici ?

Il jeta encore un oeil autour d'eux. Ce n'était peut-être pas vraiment le meilleur endroit pour une discussion en effet.

— C'est pas moi le cerveau de l'entreprise, fit il remarquer.

Et surtout il y avait pas pensé avant. Elle avait l'air tellement bizarre cette fille. Il ne comprenait pas comment Eric avait pu tomber amoureux d'elle. Rien que de la voir ça l'agaçait.

Quentin ne perdait jamais son sang-froid. Jamais. Pourtant, il aurait bien jeté Alexis à la mer.

— Allons du côté de chez elle, donc.

Ils remontèrent en voiture, direction la plage près de chez Bo.

Alexis mit à profit le trajet pour se lancer dans une analyse de la copine d'Eric. Physiquement d'abord : pas assez grande, un peu maigre, bon d'accord avec des seins pas trop mal, des jolis yeux mais un nez bizarre non ? Il n'attendait pas de réponse et enchaina sur la psychologie : hystérique, dangereuse, brusque, suffisante... Et sa manière de parler...

— Non je pense pas que ce soit une sorcière mais elle n'arrive pas à la cheville de Capucine.

Restait à savoir s'il insinuait en bien ou en mal.

Quentin ne l'avait pas vraiment écouté, comme d'habitude. Il n'était pas étonné qu'Alexis trouve tous les défauts de la Terre à la compagne d'Eric. Sa jalousie était aussi palpable que sa mauvaise foi.
Pour sa part, il réfléchissait à la façon dont il pourrait la tester pour savoir si elle était une sorcière. Il devait faire cela très discrètement, suffisamment pour qu'elle ne se doute de rien.

Finalement, ils arrivèrent à destination, toujours un peu en avance.

— On reste debout ?

Alexis regarda autour de lui comme si quelqu'un allait s'avancer pour lui proposer une chaise.

— On aurait peut être dû rester dans la voiture en faite. On l'aurait vu arriver... Enfin je sais pas si y a plusieurs accès. Tu crois qu'elle parle français ? Faut se méfier au cas où...

— Tu peux y retourner, si tu veux.

Les mains dans les poches, Quentin décida de marcher un peu, surveillant les alentours. Ici, au moins, pouvait-il apprécier la plage et le ressac de la mer, mais il restait en bordure pour ne pas abîmer ses chaussures dans le sable.
Encore une fois, il tenta d'imaginer Eric ici, sur cette même plage, vivant dans cette petite ville, et il se demanda ce que leur mère en penserait. Peut-être Gwen aurait-elle été plus à même d'aborder Bo d'ailleurs, mais évidemment, il n'aurait jamais imposé cela à sa mère. Non, c'était à lui de démêler le vrai du faux et de découvrir la vérité. A lui de protéger Bo si l'assassin d'Eric la menaçait. Son esprit était partagé avec son instinct à propos de la jeune femme. Le premier restait sur l'idée qu'elle pouvait être une suspecte potentielle, alors que le second le poussait à lui faire confiance. C'était bien la première fois qu'il était ainsi divisé et cela lui déplaisait.

Il ne tarda pas à arriver sur une zone de galets. Il reconnut sans mal ceux qu'Eric avait pu joindre à son cadeau.

— C'est qui ce type que vous emmenez partout avec vous ? Demanda Bo, juchée au-dessus de lui sur une partie plus haute de la berge.

Elle regardait Alexis un peu plus loin qui semblait ôter le sable dès qu'il se posait sur ses Nike.

Il s'était penché pour en ramasser un, le faisant rouler entre ses doigts. Un peu gêné de s'être fait surprendre, il releva la tête vers elle.

— Alexis est un ami d'Eric. Il a grandi avec nous.

Bo continuait d'observer Alexis.

— Il me met pas trop à l'aise, dit elle perplexe.

Elle n'était pas du genre à juger sans connaitre mais il y avait un truc qui la laissait sur ses gardes avec lui. Elle baissa les yeux vers lui.

— C'est un peu comme le cousin qu'on a pas envie d'inviter mais on peut pas ne pas le faire ?

Il chercha du regard un moyen de la rejoindre.

— C'est à peu près ça, oui, reconnut-il sans hésiter.

Il ajouta après avoir réfléchi à comment formuler la chose :

— Il est très attaché à Eric. Mon frère était son meilleur ami.

Ou plutôt le seul, mais il n'allait pas enfoncer Alexis.

Elle s'accroupit, en prenant soin qu'on ne voit pas sa culotte à cause de sa petite robe noire à fleurs blanches.

— Restez où vous êtes sinon vous finirez sans costumes et je ne suis pas certaine que les fringues que vous trouverez en centre-ville vous convienne.

Elle pencha la tête sur le côté pour l'observer. D'en haut, elle avait une meilleure vue, elle était à peine à vingt ou trente centimètres au-dessus de sa tête.

— Vous devriez avoir pitié de votre carotide. Si vous enlevez la cravate et que vous déboutonnez deux boutons, je crois que nous pourrons discuter tous les deux.

Elle réfléchit et ajouta :

— Il faut aussi décoiffer un peu vos cheveux.