Chapitre 1 "tout beau, tout neuf"

Hurley eut toute l'attention de Quentin à ces mots.

— Je n'ai pas eu de ses nouvelles depuis Londres. Il avait prévu de revenir en France au début de l'année, mais il ne m'a pas appelé pour me tenir au courant.

Il avait d'ailleurs arrêté d'envoyer des mails à Noé. Leur petit frère ne le lui avait pas dit directement, mais Quentin avait fini par le savoir par leur mère.

— Qu'entendez-vous par "plus dur" ?

— Je crois qu'il s'était fait volé ses recherches. Il ne l'a pas explicitement dit.

Il s'interrompit le temps qu'un serveur apporte leurs assiettes et servent le vin. L'odeur était assez plaisante. Une fois sorti, Hurley coinça sa serviette dans le col de sa chemise pour reprendre.

— Il m'avait toujours dis que je recevrais le fruit de ses recherches, une fois terminées, pour le mettre en sécurité. Mais que si jamais il lui arrivait quelque chose, il demanderait à sa compagne, Bo Hendricks, de me les remettre afin que je vous les fasse parvenir le plus discrètement possible.

Quentin s'arrêta dans son geste, sa serviette en main.

— Et elle ne l'a pas fait.

Il laissa tomber sa serviette sur ses genoux.

— Est-ce que vous connaissez le contenu de ses recherches ? Il n'a rien voulu me dire. Il préférait attendre d'être en France.

Si on lui avait volé le journal dont il lui avait brièvement parlé, c'était donc qu'il avait retrouvé l'assassin de leur père et devait avoir suffisamment de preuves. Eric avait dit qu'il n'avait jamais été en danger. Il s'était lourdement trompé.

Hurley fit non de la tête.

— En faite, le plus étrange dans cette affaire. C'est pas qu'elle ne m'ait rien confié... C'est qu'Eric m’ait demandé plusieurs fois si elle ne l'avait pas fait.

Il soupira et avoua :

— Je crois que ça n'allait pas fort entre eux. Il n'en parlait pas dans des termes très courtois. Finalement, on a cessé de s'appeler quand il a commençait à douter de mon intégrité. Ces recherches le rendaient paranoïaque.

Cela tranchait radicalement avec le sourire heureux de son frère quand il lui avait parlé de Bo, avec son enthousiasme d'amoureux. C'était troublant. Mais il y avait cette histoire d'enfant. Bo lui avait dit qu'il n'était pas d'Eric, cela pourrait expliquer pourquoi leur couple battait de l'aile.
Quentin ignorait qui avait tué son frère et tout le monde était suspect, même Bo Hendricks et sa famille. Certes, elle n'était pas tout en haut de sa liste, mais il ne pouvait pas écarter la possibilité qu'elle y soit pour quelque chose. Après tout, elle était sur place quand Eric était mort et son frère avait voulu tout lâcher pour elle. Pourtant, quand il l'avait vue ce matin, ses soupçons s'étaient envolés. Il avait voulu lui faire confiance, comme ça, instinctivement. Maintenant qu'il y pensait, ce n'était pas normal.

— Est-ce que Miss Hendricks pourrait être une sorcière ? demanda-t-il brusquement.

Eric ne lui avait rien dit dans ce sens. Il avait même précisé qu'elle ne savait rien de la magie. Avait-il pu être trompé ?

— Je ne sais pas. Je ne l'ai jamais rencontrée. Je l'ai une fois au téléphone pour lui demander après la mort de son compagnon, si elle n'avait rien à me confier mais elle a dit que non. Nos échanges se sont arrêtés là.

Hurley avala une bouchée de sa viande en sauce avec des pomme de terre. Il se rinça le gosier avant d'ajouter :

— Eric ne fréquentait pas de sorciers ici. J'étais le seul à l'entendre. Mais il était toujours sur ses gardes.

Quentin commença à manger à son tour tout en réfléchissant. Dans l'hypothèse où c'était elle qui lui aurait pris le journal, pourquoi Eric aurait-il pensé qu'elle l'ait confié à Maître Hurley ? Cela n'avait pas de sens.

— Comme je vous le disais l'autre jour, Eric a été assassiné, mais on ignore encore comment. Les spécialistes de la famille n'ont jamais vu ça. C'est comme s'il avait été vidé de son essence vitale. Avez-vous déjà entendu parler de quelque chose comme ça ?

— Non. Je suis navré, dit Hurley. Je ne sais vraiment pas ce qui a pu se passer.

Il sortit une pochette et la posa sur la table.

— Voici ces derniers achats. La pêcherie et la maison mais vous êtes déjà au courant.

D'une main, Quentin ouvrit le dossier pour y jeter un oeil.

— Ils n'étaient pas mariés, mais j'aimerais que vous transfériez les actes de propriété au nom de Miss Hendricks. Peu importe comment étaient leurs relations ces derniers mois, elle était sa compagne et elle attend un enfant. Pour la pêcherie, vous pourriez peut-être continuer à assurer la gérance quelques temps. Je prendrais vos honoraires et tous les frais en charge, bien évidemment.

— Bien sûr, ce n'est pas un problème, dit il. Vous pensez rester quelques temps en Angleterre ?

— Quelques jours. J'ai rencontré Miss Hendricks ce matin, mais ce n'était qu'un premier contact. J'espère pouvoir discuter plus longuement avec elle de ce qui s'est passé. Elle a sûrement des réponses que la police n'a pas pu obtenir, d'une manière ou d'une autre.

Il devait également s'assurer que l'enfant n'était pas d'Eric comme elle le prétendait. S'il était vraiment un de Lyonesse, la famille s'en mêlerait. Ce bébé serait l'héritier à la place de son père.

Hurley hocha la tête. Il lui posa quelques questions sur l'actualité sorcière à paris, lui révélant au passage qu'il venait d'une toute petite lignée de province mais que sa mère était une grande sorcière écossaise capable de se changer en chouette ou en jument blanche avec la magie lunaire mais que de son côté, il avait abandonné en ne parvenant pas à une autre forme que celle d'une araignée de jardin.

— Rapide et agile mais trop de risque de se faire écraser par une femme en panique, conclut il.

Quentin avait eu un peu de mal à se détendre malgré la sympathie que dégageait le notaire. Son esprit restait focalisé sur Eric, Bo et ce fameux journal disparu. Pour autant, cela ne se vit guère et cela avait été avec bonne volonté qu'il lui avait parlé de Paris et de ses sorciers.
Il le quitta en le remerciant pour tout et en lui demandant de le tenir au courant pour le transfert de propriété. Il était temps de rentrer à Port Hallen et de récupérer Alexis.