Chapitre 31 - Welcome to Corsica

— Au risque de me prendre un coup de journal ou de carabine ?

Il caressa son visage, son cou, son épaule, sans quitter ses yeux.

— Y en a que les risques excite, dit elle en riant.

Même si le coup de magazine était vraiment ridicule. Sa mère n'aurait pas pu faire grand mal avec ça.

Son sourire s'élargit en la voyant rire.

— C'est vrai que me faire chasser comme un moustique, c'est hyper dangereux.

Il revint à ses lèvres. Ses baisers lui avaient manqué. Il se rendit compte que même s'il l'avait eue au téléphone depuis, il n'avait pas été complètement rassuré après ce qui s'était passé à cause de lui.

Elle noua ses bras autour de son cou et écarta ses jambes pour qu'il se retrouve allongé sur elle entre ses cuisses. Elle prolongea de longues minutes leurs baisers. Cela faisait tout juste une semaine qu'ils avaient échangé un baiser en Bretagne. L'intimité qui se nouait entre eux lui faisait du bien alors qu'elle aurait dû l'effrayer au vu des conséquences qu'elle pouvait avoir. Pourtant elle était juste ravie qu'il soit là surtout après la nuit effroyable de la veille.

Noé ne se lassa pas de sa bouche sur la sienne, du contact entre leurs corps. Il se sentait tellement mieux quand il était avec elle, ce qui le ramena à ce qu'avait dit Dimitri un peu plus tôt. Pas longtemps cependant, il avait d'autres choses plus agréables à penser pour l'instant.
Sa main se posa sur la poitrine de Capucine et il écarta légèrement la tête de la sienne pour la regarder, un sourire sur les lèvres.

— Y a pas photo : les tiens sont bien mieux.

— Profite maintenant, ça ne durera pas éternellement...

Même si elle ne doutait pas qu'il soit dans d'autres lits bien avant cela.
Elle lui adressa un sourire et caressa son visage.

— Je suis contente que tu n'ai pas atterri dans la mer... Même si tu as atterri sur la mienne...

— Et moi qui étais si fier d'être arrivé pile près de toi... se moqua-t-il de lui-même.

Cela dit, c'était tout de même une réussite : il était au moins dans la bonne maison.

— Cela reste un exploit, malgré tout, dit elle en écho.

Elle hésita avant de demander :

— Tout se passe bien là bas ? Avec Miu aussi ?

Noé perdit son sourire à la mention de la démone.

— On a invité Thana à manger avec nous et il s'entend bien avec Maman. Bo et Quentin se font des mamours. Dimi est frustré, mais mon frangin lui a refilé les numéros de Steven et Jo, alors ça devrait passer. Et personne a tenté de nous tuer depuis 24h...

Il hésitait encore à parler du reste. Il craignait qu'elle se fâche, qu'elle s'écarte de lui alors qu'il était bien là.

Elle le regarda longuement, caressant sa nuque. Il ne semblait pas savoir que Miu avait pris des initiatives et elle ne voulait pas l'inquiéter avec ça.

— Tant mieux si tout va bien...

Elle revint chercher ses lèvres pour l'embrasser.

Il se fit l'effet d'un lâche de lui cacher la vérité, mais c'était difficile de penser à cela quand elle l'embrassait de la sorte. Plus tard. Il lui dirait plus tard. Pour le moment, redécouvrir sa peau de ses doigts était bien plus intéressant.

Capucine acheva de les dépouiller l'un comme l'autre de leurs vêtements. L'impatience de leurs gestes après ces quelques jours de séparation les conduisirent rapidement à une étreinte enfiévrée et brève. Ils plaisantèrent un moment sur la tête d'Anaïs si Noé lui avait fait ça, Capucine se demandant si elle ne devait pas engager Jonas sous cette apparence pour qu'ils voient si c'était une thérapie efficace. Mais comme il semblait n'aimer que les hommes, c'était assez compromis. Ils évoquèrent alors Thana et ses parties de dominos. Capucine révéla à Noé que le démon autrefois séduisait les femmes des sorciers pendant que son maitre dépossédait ce derniers de ses autres biens. Elle évoqua ce qu'il faisait avec sa langue doublement fourchu mais se révolta lorsqu'il osa lui demander si elle s'y était essayée.
Ils finirent par s'endormir dans les bras l'un de l'autre après s'être simplement embrassés longuement dans une intimité pleine de tendresse assez nouvelle et troublante.
Durant la nuit, Noé fit un cauchemars. La Dame des ombres marchait droit sur lui, il ne parvenait pas à s'enfuir comme si ses pieds étaient collés au sol. Lorsqu'elle fut juste devant elle, elle ôta sa capuche et dévoila le visage de Miu avec une peau verte, une double rangées de petites dents et un sourire cruel.

— Je ne te ferai rien. Tu es mon ami. Maintenant que je suis libre, je vais rentrer chez moi pour tuer tous les prêtres rouges et tous les villageois à leur compte... Je peux faire ça grâce à toi, Noé. Tu m'as offert toutes ces vies.

Elle ouvrit son manteau et lui tendit alors le corps de Capucine. Il était exsangue, ses yeux fixant le vide et sa bouche exprimant la terreur.

— Je n'ai rien pu faire pour elle. Si seulement tu l'avais dissuadée d'essayer de me tuer... Tu avais juste à lui demander tu sais... Enfin c'est pas grave, je t'ai trouvé une remplaçante.

Anaïs Duchelle s'approchait dans le maillot de bain or et blanc, un peu mal à l'aise.

— Si je suis trop jeune, il y a ma mère, dit elle en désignant Mamé entourant de ruban de soie.

Il s'était agité dans son sommeil avant de se réveiller, le souffle court. Il fixa le plafond. Capucine était contre lui et cela lui permit de se reprendre. Un peu seulement, parce que le souvenir de la Dame des Ombres ravivait la terreur qu'il avait ressentie l'autre soir. A cela s'ajoutait Miu et ses paroles glaçantes, et le corps sans vie de Capucine. Encore. Il essaya de respirer à fond pour éloigner toutes ces images, la panique n'étant pas loin à l'idée que tout cela ne soit pas qu'un simple rêve.

La lumière entrait par la fenêtre et il ne savait pas l'heure qui pouvait être. Lorsqu'il se leva pour aller dans la salle de bain jouxtant, il vit dans la corbeille les vêtements que Capucine portait la veille. Des traces noires les recouvraient. Le sang rouge avait pris cette teinte sombre et il s'en dégageait une odeur étrange pas vraiment humaine.

Il le prit dans les mains pour regarder le sang, mais le jeta à nouveau dans la corbeille, se sentant mal. Il s'appuya contre le lavabo. Tout se mélangeait dans sa tête : la vision que la Dame d'Ombre lui avait balancé, ce qu'il avait fait, l'image de Capucine sous le choc, son cauchemar... Il y avait les paroles de Miu, ce que le lien lui dictait, qu'il voulait la protéger. Sa peur qu'elle ne tue Capucine.

Il remarqua qu'un morceau de papier était tombé du vêtement. Une feuille pliée et repliée plusieurs fois.

Il la ramassa pour la déplier, essayant de se reprendre.

Il reconnut la page que Capucine était entrain de lire sur le bateau. C'était écrit dans une langue asiatique mais sur le centre se trouvait le dessin d'une petite dague.

ce genre

Il soupira. Ce devait être avec ça qu'elle comptait tuer Miu. Cette idée le révoltait même s'il savait que c'était le lien qui lui faisait ressentir cela.
Il regarda encore l'image de la dague. Est-ce que ce n'était pas celle qu'il avait vue planté dans le coeur de Capucine dans la vision de la Dame d'Ombre ?

Il entendit du bruit dans la chambre.

— Noé ? T'es reparti ? Demanda la voix encore pleine de sommeil de Capucine.

Elle réalisa que c'était un peu stupide parce que s'il était parti, il ne risquait pas de lui répondre.

Il mit la feuille en boule et la colla dans la poubelle.

— Je serai pas reparti sans te le dire, fit-il en revenant dans la chambre.

Il s'assit sur le bord du lit.

— Je voulais pas te réveiller.

— Jamais ?

Elle ouvrit les yeux et étouffa un bâillement.

— C'est bien dommage de pas avoir voulu me réveiller...

Il lui sourit doucement et se rallongea à côté d'elle.

— Oh si, je t'aurai réveillée. Très doucement.

Il embrassa la rondeur de son épaule. Sentir sa chaleur lui fit du bien. Il ne voulait plus penser à rien d'autre qu'à elle, mais ce n'était pas gagné. Ce cauchemar semblait persister, plantant ses griffes dans sa tête et son coeur.

Elle lui sourit.

— Tu restes pour le petit déjeuner ? Je doute que ma mère se lève avant midi.

— Je ne veux pas repartir, murmura-t-il.

Il respira son parfum, ses lèvres restant sur sa peau, et l'attira contre lui. Ce serait tellement plus facile de rester ici, dans ce lit, avec elle, au lieu de rentrer, de retrouver Miu, de penser aux dangers qui les menaçaient en permanence.