Chapitre 29 - La Dame des Ombres

— Non ! Miu ! Reviens tout de suite !

La panique l'envahit alors qu'il la rappelait encore et encore. Il s'effondra sur son lit. Mais qu'est-ce qu'il avait fait ?
Il réactiva la boule de cristal, l'angoisse au ventre de ce qu'il allait y voir.

Il lui manquait quelques secondes qui visiblement avaient été fatale. Il y avait du sang sur le visage et les vêtements de Capucine qui semblait sous le choc.
Il ne voyait plus l'homme et le manuscrit sur la table terminait de brûler. Miu n'était pas dans son angle de vision mais il entendit clairement sa voix.

— Không có gương. Không có dao găm. Quên các linh mục đỏ, họ sẽ gây ra sự sụp đổ của bạn.

La seconde suivante, Miu était déjà de retour dans la chambre.

— Je vais prendre une douche, dit elle en s'étirant pour se diriger vers la salle de bain du jeune homme comme si le sang qui la maculait aussi n'était qu'un peu de transpiration.

— Mais qu'est-ce que tu as fait ? Je... Je croyais que tu ne pouvais pas tuer ! Que tu ne pouvais pas agir sans que je te le demande !

Noé ne comprenait plus rien. La seule chose qu'il savait, c'était qu'il était responsable de la mort de cet homme.

Miu se tourna pour le regarder.

— Je ne peux pas tuer sans que tu le demandes. Sauf si tu es expressément en danger. Les prêtres rouges auraient pu annuler le contrat en te tuant. Tu étais donc en danger de mort. Et puis les prêtres rouges c'est différent... C'est un peu comme les moustiques. Je ne tue pas les petites bêtes mais quand on vient me sucer le sang... C'est différent.

Elle lui sourit.

— Ce ne sont pas vraiment des hommes tu sais... Ne te prends pas la tête. Vraiment. Tu viens de rendre un grand service à Capucine. Elle les aurait conduit à toi, ils auraient pu te tuer et elle aurait été inconsolable.

— Ne la prends pas comme prétexte ! Et tout à l'heure ? hein ? J'étais pas en danger de mort peut-être ? Tu n'as pas tué cette fille, non ?

Elle faisait bien comme cela l'arrangeait. Elle détournait les règles et lui ne les connaissait pas encore.

Elle le regarda avec attention alors que le sang se mettait à goutter sur le sol dans des "ploc" sinistre.

— Tu aurais voulu que je la tue ? Devant toi ? Ou dans les bois ?

Il y avait peu de chance que Monika survive. Sauf si les autres Velikans l'avaient trouvée. Mais est-ce que cela impliquait qu'elle l'avait tué ou non, Miu était un peu dans l'expectative sur ce sujet.
Autant elle savait quoi faire avec les Prêtres Rouges, Eric avait toujours été clair les concernant. Autant pour le reste, c'était toujours complexe. En général il lui hurlait toujours "Ne tue pas" si elle devait être vigilante.

— Non ! Je ne veux tuer personne, moi !

Ce n'était pas cela qu'il avait voulu dire.

— Tu veux juste que mette hors d'état de nuire ? Je crois que c'est comme ça que disait Eric...

Elle le regarda dans les yeux pour voir si elle allait dans la bonne direction.

Noé la regarda en réfléchissant. Il devait faire attention à ce qu'il disait.

— Oui, c'est ça. Tu mets hors d'état de nuire, sans tuer.

— Que les humains ? La dame des ombres il ne fallait pas la tuer non plus ?

— Si, elle, c'était pas pareil, mais on ne tue pas les humains.

— Donc, ce n'était pas gênant que je tue le prêtre rouge.

Elle parut satisfaite de ne pas avoir déçue son maitre et laissa Noé pour aller se doucher.

— Quoi ? Mais...

Ce type n'était pas humain ? C'est ce qu'elle avait voulu dire ?
Il regarda à nouveau vers la boule de cristal pour voir Capucine.

Il la vit assise par terre, ses genoux contre elle, pleurant. Il l'entendit aussi s'exhorter à se lever.

— Tu ne peux pas rester là... Tu dois... ramener le bateau. Debout !

Le sang sur ses mains et ses vêtements semblaient la paniquer. Elle ne cessait de s'ordonner de bouger d'une voix tremblante.

Noé se sentit mal à la voir dans cet état. S'il avait pu ouvrir une porte pour la rejoindre, il l'aurait fait sans hésiter, mais il n'avait aucune coordonnée, il ignorait où elle était et elle n'était pas localisable.
Il se passa la main sur le visage. Il ne faisait que merder. Pourquoi n'avait-il pas réfléchi ? Dimi et Gwen lui avaient dit de ne pas utiliser ce truc et il s'était cru plus malin. Il s'était tellement inquiété pour Capucine qu'il avait été trop vite. Il avait...
Il jeta un oeil vers la salle de bain. Miu lui avait suggéré de demander cet objet. Elle le lui avait proposé alors qu'il était sous le choc et qu'il se faisait un sang d'encre pour Capucine. Elle savait que la jeune femme cherchait un moyen de la tuer. Il lui fallait un moyen de s'assurer qu'elle ne l'avait pas encore trouvé. Et lui, il le lui avait donné en demandant cette boule de cristal. Et si cela ne suffisait pas, il avait gaspillé beaucoup de sable. Il n'en avait plus pour l'artefact pour Quentin. Il allait devoir donner son sang à Miu pour recharger le sablier et c'est qu'elle voulait depuis le début pour avoir plus de prise sur lui !
Il prit la boule de cristal, toucha le serpent pour annuler le sort et la rangea dans son coffre avec la ferme intention de ne plus jamais l'en sortir. Miu l'avait manipulé comme un gamin, s'était servi de ses sentiments pour Capucine et cela le foutait en rogne.
Il attrapa un carnet et ses instruments de mesure : il fallait qu'il aille en Corse.

Miu ressortit vingt minutes plus tard. Elle sentait le gel douche de Noé et avait passé un de ses tee -shirt. Elle se laissa tomber sur le lit près de lui.

— Il est vraiment tard. On devrait dormir, dit elle en posant sa tête sur son épaule.

L'heure était des plus avancée mais il savait aussi qu'elle n'avait nullement besoin de sommeil, contrairement à lui.

— Tu crois que Quentin va nous emmener sur la côte Basque où on devra rester enfermés dans le même hôtel que Kelhya ? Demanda-t-elle.

Noé avait étalé ses brouillons sur le lit, continuant à griffonner des chiffres et des angles. Les calculs étaient plus compliqués que l'autre fois vu la distance à parcourir. S'il se plantait, cela pourrait déboucher en pleine mer !

— Non, il ne nous séparera pas cette fois, répondit-il sans lever le nez de ses feuilles. Il va nous vouloir tous sous les yeux.

Il en voulait toujours à Miu, mais encore une fois il devait faire face à la dualité de ses sentiments envers elle. Le lien lui disait qu'elle avait eu raison de se débarrasser du danger et son coeur lui criait qu'elle l'avait mené exactement où elle voulait.
Il réprima un bâillement. Il avait besoin de sommeil, mais devait d'abord terminer. Il devait aller voir Capucine au plus vite, s'expliquer. Elle devait déjà savoir qu'il avait déconné d'une manière ou d'une autre. A moins qu'elle ne pense que Miu avait agi seule ? Qu'allait-elle dire en le voyant ? Serait-elle déçue ? Fâchée ? Le renverrait-elle ici immédiatement ?

— Merde...

Il ratura ses derniers calculs. Il n'était pas assez concentré. Il devait arrêter de se poser toutes ces questions et ne s'occuper que de sa formule.

— Noé... Tu es fatigué. Tu dois dormir au moins quelques heures.

Elle se redressa et l'embrassa dans le cou.

— Si tu as besoin d'aide pour te détendre, je peux aussi faire ça et tu dormiras mieux ensuite...

Elle savait que son corps avait été habitué à des doses de sexe élevée et que cela faisait maintenant presque deux jours qu'il n'avait rien eu. Sa main glissa entre ses jambes.

— Wow ! Tu fais quoi, là ? fit-il en écartant son cou pour la regarder avec contrariété.

Il attrapa fermement sa main pour l'enlever de là où elle venait de la mettre.

— Je coucherai pas avec toi.

Il relâcha sa main pour revenir à ses calculs.

— Il faut que je finisse ça.

Elle soupira de dépit mais n'insista pas. Elle se relais sa tomber sur le lit pour dormir.

— Tomber amoureux d'elle n'est pas une bonne idée. Elle te fera souffrir.

Mais comme ça elle aurait une autre bonne raison de la tuer. Elle ne ferait que le protéger.

— N'importe quoi.

Il soupira, agacé, et reprit son dernier calcul pour la 3e fois.

— Où est-ce que j'ai fait une erreur ? murmura-t-il en se passant la main dans les cheveux. Là ? Non. C'est pas ça.

— Tu sais bien qu'elle n'est pas amoureuse de toi, Noé. Elle oublie même son téléphone...

— Miu ! Merde ! Je suis occupé, là !

Il n'était pas amoureux de Capucine. ça n'avait rien à voir. De toute façon, Miu faisait exprès de dire ce genre de trucs pour qu'il se déconcentre et abandonne l'idée de rejoindre Capucine en Corse. Il ne voulait plus l'écouter.

— Tu veux dire que tu fais comme Éric ? Tu la baises, te sers de ses connaissances magiques et la considères comme ta meilleure amie quand ça t'arranges, continua-t-elle calmement.

Il se redressa, son regard et son expression n'avaient rien d'aimable.

— Je ne suis pas comme Eric, fit-il en détachant bien chaque mot. Et je ne le serai jamais. C'est clair ?