Chapitre 29 - La Dame des Ombres

Lundi 27 mai

Le Maître était en colère.
Bob avait l’habitude. Le Maître était souvent en colère, mais cette fois, cela durait depuis quatre jours et rien ne semblait l’apaiser, pas même qu’il ait fait le ménage à fond. Il avait pourtant fait très attention à traquer le moindre grain de poussière sur les étagères et il n’avait rien cassé. Ce n’était pas sa faute s’il était maladroit. Ses doigts de pierre étaient courts et malhabiles, il avait du mal à tenir les objets les plus fragiles, mais cette fois, il avait été très prudent.
Bob n’avait aucune envie que le Maître ôte son ombre de son corps. Ce dernier était peut-être taillé grossièrement et il avait une tête à faire peur, mais c’était le sien. Bien sûr, il aurait préféré avoir un corps comme celui d’Olivier : souple, grand, chaud, avec de beaux cheveux dorés, humain. Mais il était un golem de pierre, c’était ainsi. Et il était assigné au ménage du laboratoire. C’était sa mission. Alors il la remplissait pour satisfaire le Maître.
Bob poussa un grognement en tapant sur les barreaux des cages avec le manche de son balai pour que les animaux se taisent et que les Ombres arrêtent de faire trembler leurs fioles. Elles étaient nombreuses à attendre leur tour sur les étagères du haut. Le Maître leur avait donné la vie et elles attendaient plus ou moins patiemment qu’il leur fasse cadeau d’un corps.
Certaines auraient un corps de pierre, comme Bob. Beaucoup de golems avaient été créés dernièrement. Cette armée de pierre était l’une des raisons de la colère du Maître. A cause de ce que la méchante et désobéissante fille avait fait, il avait fallu tout déménager pour que les Ennemis ne les trouvent pas.
D’autres de ces Ombres – les plus chanceuses – auraient un corps humain. Pas celui d’un simple être humain. Nooooon. Le Maître avait essayé et c’est encore Bob qui avait dû nettoyer le sang, les viscères et les morceaux de cervelle sur le sol et les murs. Il fallait de la magie pour que l’Ombre se trouve chez elle dans un corps de chair et de sang et n’explose pas tout. Il fallait donc un sorcier, comme celui qui attendait dans la pièce du fond.
D’autres encore étaient réservées au dernier projet du Maître. Bob était excité par ses dernières expériences. Elles impliquaient des animaux et Bob aimait bien les animaux. Ils lui tenaient compagnie au laboratoire. S’ils étaient moins sales et lui donnaient moins de travail, ce serait mieux cela dit.

Les Ombres s’agitèrent encore dans les étagères. Le bruit enfla, puis sembla rouler dans l’air. Comme une vague s’écrasant sur le rivage, il cessa lorsque le Maître entra. Sous le bras, il tenait le Grimoire. Derrière lui se tenait Olivier. Bob le trouva moins joli que d’habitude et il lui manquait une main.

— Quelle idée d’aller là-bas. Ne réfléchis-tu jamais ? s’emporta le Maître.
— Au moins, il est clair que Lexie est hors d’état de nuire, tenta l’Oaf, surveillant son créateur du coin de l’œil.
— Pas grâce à toi ! Je t’avais dit de me la ramener, non ?

Le Maître soupira, se pinçant l’arrête du nez de ses doigts. Bob savait que c’était rarement bon signe, aussi recula-t-il un peu.

— Très bien. Je vais envoyer son oncle s’occuper d’elle si elle est toujours en vie. S’ils l’ont attrapée, il n’y a pas 36 endroits où elle peut être emmenée.

Il ouvrit le grimoire sur la grande table et le feuilleta jusqu’à arriver à la page qui lui convenait. Aussitôt, le sortilège qu’elle contenait voleta au-dessus du vélin ancien. Cette magie n’était pas faite pour l’œil humain. Les caractères apparaissaient et disparaissaient sans cesse, devenaient flous, fuyants au regard, replongeant dans le vélin comme dans de l’eau pour en ressortir pendant une fraction de seconde. En 25 ans, le Maître n’avait d’ailleurs pas décodé la moitié du grimoire. Cela pouvait lui prendre des années à comprendre un sortilège, à en extirper chaque composant. Parfois, quand il croyait tenir le bon bout, tout était à refaire car il avait mal interprété quelque chose, qu’un élément manquait ou que son cerveau humain n’avait pas su en saisir le sens malgré ses efforts. Le Maitre avait eu beaucoup de chance de réussir à créer un changelin, mais celui-ci était une œuvre imparfaite, déjà en bout de course. Clémentine nécessitait bien trop de ressources pour être maintenue en vie sur le long terme. Le Maître l’aurait certainement abandonnée depuis longtemps si elle n’avait pas été aussi utile. Il ne conservait que les créations utiles, Bob le savait et il se raccrocha à son balai à cette pensée.

— Mais en attendant, on va corser un peu la partie.

Bob vit le Maître attraper deux fioles qui brillaient d’une jolie lueur dorée. Il n’avait pas le droit de toucher à celles-ci, ni de les approcher, alors il y avait toujours un peu de poussière sur ces étagères-là à son grand désarroi. Il restait très peu de ces fioles. Les Chasseurs n’avaient plus ramené de magie de changelins depuis un moment et le Maître en avait besoin pour comprendre le grimoire et exécuter les sortilèges des Grands Créateurs.
Le Maître avala le contenu des deux fioles et attrapa ensuite plusieurs Ombres qui s’agitaient dans leurs bocaux avec impatience, sentant la délivrance proche. Cela faisait des années que le Maître travaillait sur cette page du grimoire, alors Bob se mit dans un coin, se faisant le plus petit possible pour ne pas attirer son attention. Il voulait voir le sortilège jusqu’au bout.
Les Ombres furent sorties de leur prison, épais serpents noirs se tortillant les uns sur les autres. Le Maître les fit s’élever devant lui, toutes compressées en une balle grouillante qu’il modela entre ses mains comme s’il s’agissait d’une boule de pâte. Il l’étira encore et encore, la remettait en boule et recommençait. La magie du grimoire n’était pas comme les autres. Il ne fallait pas d’incantations, de runes ou de sacrifices. Tout était dans les intentions, la fluidité de la magie, son dosage et le tissage des ombres et du sortilège. Sans la magie des changelins, le Maître n’aurait pas suffisamment de puissance pour maîtriser les sorts du grimoire.
Cela prit du temps, mais les Ombres devinrent un liquide profondément noir, épais et luisant qui s’écoula goutte à goutte sur le sol. Bob soupira en silence en se disant qu’il allait devoir nettoyer la flaque. Mais une fois la dernière goutte tombée, la créature eut la surprise de voir le liquide remonter lentement pour prendre une forme humaine. Les animaux dans leurs cages gémirent instinctivement en sentant le danger qu’elle représentait et même Olivier recula.

— Tu vas emmener ma Dame des Ombres à St Germain, ordonna le Maître à l’Oaf.
— Qu’est-ce qu’on va y faire ?

Bob observait la Dame. Elle était comme enveloppée dans un long manteau, son visage enfoncé dans une grande capuche. S’il avait eu un vrai corps chaud, il aurait été glacé rien qu’à la regarder. Elle avança jusqu’à Olivier en glissant au-dessus du sol et passa un doigt blanc et fin sous son menton, ce qui le tétanisa. L’Oaf aperçut alors son visage et pâlit encore plus qu’il ne le faisait déjà.

— Tuer.

La voix était multiple. A la fois celle d’une jeune fille et celle d’une vieille femme à laquelle se mêlait un autre son fait d’ombre et de mort.

— N’importe qui ? demanda Olivier.
— Il y a des priorités tout de même, voyons.

Bob regarda le Maître quitter le laboratoire avec Olivier en lui donnant ses instructions. La Dame des Ombres les suivit dans un mouvement aérien. En franchissant la porte, elle se tourna brièvement vers le golem qui brandit son balai devant lui comme une arme dérisoire. Elle eut un sourire en le voyant faire, puis disparut de son champ de vision.
Finalement, Bob n’enviait plus le corps chaud et joli d’Olivier. Il était bien mieux ici, avec sa poussière, son balai, ses ombres et ses chiens.

Si Noé avait passé la nuit de samedi à dimanche dans la chaleur de bras accueillants, cela n'avait pas été le cas de Quentin. Bo avait voulu rester seule pour assimiler tout ce qu'il lui avait appris. Elle s'était installée dans son ancienne chambre et avait dégagé Dimitri dans celle d'Eric. Il avait espéré que le dimanche serait mieux, mais la jeune femme persistait à se murer dans le silence, passant son temps à crayonner seule sur la banquette du jardin ou dans le salon. Elle ne voulait pas de contact physique et mangeait peu, ce qui d'après Dimitri était LE signe qu'elle n'était pas en forme. Alexis avait bien proposé de la changer en raton laveur ou en chat mais vu les regards des autres, il n'avait pas insisté et était retourné à ses pornos et ses cartons.  
Quentin n'aurait jamais pensé que cette distance qu'elle leur imposait puisse être aussi difficile à supporter. C'était encore pire que lorsqu'il était en Norvège car cette fois, elle était là, à portée de main et de regard, et surtout, il ne savait pas si elle était fâchée contre lui ou si elle était juste traumatisée par cet énième drame dans sa vie. Ne pas savoir ce qu'elle ressentait, ne pas pouvoir en parler avec elle était énormément frustrant, mais il ne servait à rien d'insister. S'il savait bien une chose de Bo c'est qu'elle reviendrait quand elle se sentirait prête. L'un comme l'autre avaient besoin de se toucher. Ça ne pouvait pas durer... Alors, pour éviter de trop y penser et de laisser ses émotions prendre le pas sur le reste, il s'était plongé dans ce qu'il faisait de mieux : le travail. Gérer les dossiers de DLS était une activité carrée, sans surprise et sans affect, quelque chose de simple et d'habituel qui le faisait renouer avec l'univers tel qu'il le connaissait jusque-là. Au moins, cela lui vidait la tête de ses préoccupations.

Il y aurait certainement passé toute la journée si Noé n’était pas venu le distraire.
Il lui avait parlé du sortilège obtenu par Miu et lui avait proposé de le travailler ensemble. Ils y avaient passé une partie de l’après-midi sans que cela ne ressemble en rien à une leçon de l’aîné au cadet. Cela avait même été une véritable récréation. Quentin avait été vite gagné par l’enthousiasme de Noé à essayer un nouveau sortilège. Son frère avait l’art de transformer en jeu ce que Quentin aurait fait avec un sérieux à toute épreuve. Ils avaient tout testé : rituel simple à exécuter d’un geste, créer un objet de pouvoir pour qui ne serait pas sorcier, imprégner un cristal pour faciliter les choses pour Ahmed à DLS…
Ces derniers mois, Quentin avait regretté de n’avoir pas pu mieux comprendre Eric et il ne voulait pas passer à côté de Noé. L’inverse était désormais également vrai. Noé restait un adolescent, mais il ne pouvait que reconnaître que les épreuves de ces dernières semaines l’avaient changé. En réalité, elles les avaient tous changés.
Aussi, quand Noé lui avait demandé la vérité sur l’assassin de leur père et d’Eric, il avait cédé malgré l’avertissement de Nhill. Sans doute que la réaction de Bo à ses secrets l'avait poussé dans cette voie. Sans doute aussi que ce qu’il avait lu dans le regard de son frère à ce moment-là l’avait poussé à lui faire confiance.
Noé était resté sous le choc et le ton était monté quand il avait compris que Quentin le savait déjà lorsqu’il les avait envoyés en Bretagne avec Gauthier. Cela n’avait pas duré pour autant. Noé avait vite compris pourquoi Quentin n’avait rien dit, mais cela restait tout de même difficile à avaler. Leur mère couchait avec l’assassin de leur père, avec celui qui avait manipulé Alexis pour tuer Eric, celui qui était à l’origine de la disparition de Thomas. Quand elle le saurait… Comment réagirait-elle ? Elle en voudrait certainement à Quentin, à tous ceux qui savaient. Noé avait alors préféré parler de Clémentine plutôt que de s’attarder sur sa mère.
Quentin n'avait pas été tellement étonné. Si Gauthier était obsédé par le Grimoire et la magie des Huldres, il était logique qu'il ait un changelin dans son entourage et cela expliquait aussi pourquoi il avait tenu Clémentine hors de sa vue et de celle de son père toutes ces années. Gauthier était très prudent, il n'aurait pas pris le risque qu'il se passe quelque chose s'ils se rencontraient, que leurs magies se déclenchent ou qu’Aurélien comprenne. Mais si cela expliquait certaines choses, cela soulevait d'autres questions : où Gauthier avait-il trouvé Clémentine ? A quelle famille l'avait-il retirée ? Et bien sûr, était-elle sous son influence ? Jamais il ne se s'était senti plus soulagé d'avoir Capucine de son côté. Grâce à elle, Clémentine et Noé n'étaient plus ensemble. C'était un risque en moins, même s'il n'oubliait pas que Miu était corrompue par Gauthier.
Noé semblait persuadé que Clémentine ignorait tout de sa nature, mais même si c’était le cas, Quentin ne pouvait rien faire pour l’écarter de son père pour le moment. Il ne fallait pas que Gauthier ait le moindre soupçon.

Le lundi, la vie avait repris son cours. Noé était parti au lycée avec Miu, et Quentin avait rejoint DLS par la force des choses. Il revint en début de soirée, après avoir passé au peigne fin la planque des Vélikan qu'Ahmed avait fini par trouver. Evidemment, elle était vide, mais ils avaient pu déterminer qu'ils étaient au moins cinq, sans doute Lexie comprise. Peut-être allaient-ils être un peu plus nombreux néanmoins. Il y avait du mouvement à l'adresse de l'Illinois que Jo avait donnée.
A côté de ça, la journée n'avait pas été infructueuse : Lexie était hors d'état de nuire et en route pour le pénitencier pour sorciers, Jo et Steven avaient trouvé des preuves accablantes qui allaient leur servir. Il était cependant frustrant qu'Olivier leur ai échappé, mais ce n'était qu'une question de temps. Ahmed avait laissé sa traque aux bons soins de Jo et de son nouveau partenaire et Quentin savait que l'Américain ne lâcherait rien tant qu'il n'avait pas mis la main sur cette Ombre.

Bo avait fini dans la cuisine à observer Annie préparer le dîner dans le plus grand silence. Cette dernière avait fini par lui raconter des anecdote sur les garçons quand ils étaient petits.

— Vous n'êtes pas obligée de faire le service à table. Je le ferai, dit finalement la jeune femme quand elle eut terminé.

Annie voulut protester mais elle la sentait si triste qu'elle hocha la tête. Elle trouvait étrange qu'elle porte des gants à cette époque de l'année et se demandait si elle avait été blessée. Mais elle était trop polie pour le faire.
Ainsi c'est Bo qui monta le saucisson brioché et la salade de haricots verts sur la table. Gwen et Miu étaient devant la télévision devant un feuilleton journalier qui laissait la première perplexe et la seconde captivée.

— Le repas est prêt, dit Bo. Où sont les garçons ?

— Noé devrait être sorti de la douche, Quentin est monté se changer. Je pense que Dimitri est sur la terrasse et Alexis...

Gwen n'avait aucune idée d'où pouvait être le jeune homme.
Elles entendirent quelqu'un dévaler les escaliers et Noé apparut, les cheveux encore humides et les pieds nus.

— J'avais bien dit que j'en avais que pour dix minutes.

Il en avait profité pour envoyer un sms à Capucine pour lui demander comment s'était passé sa journée.

En guise de réponse, il avait reçu une photo où on voyait un tube de crème solaire enfoncé dans le sable avec son maillot de bain blanc et or étalé à côté. La légende étant "L'avantage d'une île avec des plages privées c'est de pouvoir peaufiner son bronzage sans marques disgracieuses".
Miu s'était installée à table et si elle n'avait pas attaqué c'est bel et bien parce que Bo tenait encore le plat de saucisson brioché dans ses bras, la défiant d'approcher.

Noé avait été chercher Dimitri et ils s'installèrent alors que Quentin arrivait à son tour, en jean et chemise. Ses yeux se posèrent aussitôt sur Bo et la lâchèrent pas.

— Comment s'est passée la journée ? demanda-t-il à l'ensemble des présents.

Gwen avait été prévenue que Sophie avait reçu de la visite dans l'après-midi. On ne s'était pas gêné pour la prévenir que son fils avait dépassé les bornes, mais comme toujours, elle avait fait bloc et attendait d'avoir sa version.

Miu voyant que personne ne se précipitait pour lui répondre décida de se lancer :

— Alors en TP Judith Gloresh a éclaté en sanglots et elle a pleuré tellement fort qu'elle a vomi ses céréales. Visiblement ses parents divorcent et elle le prend personnellement. Ensuite Bruno est fait épinglé par le professeur de biologie entrain de regarder une vidéo où une fille fait des trucs un peu étrange avec du nutella et son chien... Faut dire que Michael a tiré trop fort sur le cordon des écouteurs et que le volume du téléphone était à fond. Je sais pas ce qui était le pire la manière dont cette fille pouvait piailler avec des petits "oya ! Oya ! Oyaaaaaaa !" ou le bruit de lappement du chien...

Alexis arriva et se laissa tomber sur une chaise.

— J'espère qu'il y a plus de saucisson que de brioche, dit il.

— Et j'étais entrain de raconter ma journée, dit Miu en fronçant les sourcils.

Alexis lui sourit avec une gentillesse qu'il n'avait que pour elle.

— Pardon, Miu. Reprends.

— Nous ne sommes pas forcés d'entendre les détails à table, Miu, fit Gwen gentiment.
— Le pire, je crois, renchérit Noé en riant, c'est quand la prof a demandé à Bruno de se lever pour sortir et qu'il bandait comme un dingue. Quoi que la tronche de Stéphanie quand on lui a demandé si elle faisait ça aussi avec lui, c'était pas mal.
— Sinon, moi, j'ai glandé autour de la piscine, fit Dimitri.

— Je veux bien poser pour toi si tu veux, lui proposa Alexis avec sollicitude.

Bo releva les yeux de son assiette pour regarder à quel point son frère pouvait être désespéré ou non face à une telle proposition.

— Tu devrais plutôt photographier Noé à poils, je suis sûr que tu serais surpris de voir à quel point c'est un homme viril maintenant, se moqua Miu.

— Je n'aime pas ce ton, répliqua Noé en agitant sa fourchette devant elle d'un air faussement vexé.
— T'en fais pas, on sait tous que t'as du poil partout, fit Dimitri. T'es un vrai mec maintenant.

Il lui adressa un sourire qui en disait long sur ce qu'il sous-entendait par là. Il regarda Alexis en plissant les yeux.

— Je vais p'tet te prendre au mot, toi.

— Tant que c'est qu'au mot, murmura Bo.

Dimitri était donc vraiment désespéré. Il faudrait qu'elle demande à Quentin de faire venir Steven ici. Elle leva les yeux vers lui.

Leurs regards se rencontrèrent enfin et Quentin esquissa un très léger sourire.

— Et toi, ta journée ? lui demanda-t-il.
— Pourrait-on passer un repas sans qu'on parle de ce genre de choses ? fit Gwen dans un soupir en regardant Dimitri, Noé et Miu.

Bo haussa les épaules et baissa les yeux sur son assiette.
Miu regarda Gwen un peu perdue.

— Sans qu'on parle de quoi ? De poils ?
— Plutôt de sexe à mon avis, répliqua Dimitri en mâchant sa bouchée.

Quentin cacha sa déception à la réaction de Bo. Quand donc allait-elle recommencer à lui parler ?

— Et toi, Quentin ? demanda soudain sa mère, l'obligeant à quitter Bo des yeux.
— Je ne crois pas que nous devrions en parler à table.
— Au point où nous en sommes...

Il hocha la tête. Après tout, cela concernait tout le monde ici.

— Ahmed et Jo ont attrapé Lexie. Elle est en route pour Malte.

— Elle part en vacances ? s'étonna Bo.

C'était drôlement gonflé pour une nana qui lui avait siphonné sa magie deux fois tout de même !

— C'est chouette Malte. Y a des plages magnifiques, dit Miu. Eric avait emmené Capucine là bas pour des vacances. Ils avaient loué un bateau en amoureux...

— Eric sur un bateau...

Dimitri éclata de rire et rapidement Bo le rejoignit dans un fou rire qu'ils étaient toujours les seuls à pouvoir partager pendant de longues minutes.

Quentin se souvint que Bo avait déjà ri de cette façon la première fois qu'il avait évoqué Eric et son bateau. Elle avait été obligée de se garer pour ne pas avoir un accident.

— Hé bien, oui, Eric avait un bateau, fit Gwen en les regardant se bidonner.
— Comment il s'appelait déjà ? demanda Noé à Alexis.
— Non, mais il vous a menti... Eric sur un bateau...

Dimitri repartir à rire de plus belle.

Alexis haussa les épaules et enfourna un morceau de saucisson ayant dédaigné la brioche dans son assiette.

— On louait des trucs mais c'est pas lui qui conduisait le yacht. Soit on avait un skipper, soit c'était Capucine qui s'en chargeait. Après quand il est parti il s'est mis à dire qu'il avait un bateau mais...

A cette époque Eric ne lui racontait plus rien.

— Capucine sait naviguer ?

Noé se fit la réflexion que sans elle, Eric et Alexis n'auraient jamais fait grand-chose finalement.

— Mais nous lui avons payé des cours pourtant, fit Gwen en se rappelant combien Eric avait insisté à l'époque pour passer son permis bateau.

Alexis éclata de rire.

- euh il a passé pas mal de temps avec Mme Robbs mais c'était pas cette barre là qu'elle tenait avec lui.

Éric n'avait que seize ans à l'époque et il s'en était vanté pendant des années. Alexis regarda Noé.

- Le frère de Capucine a un voilier et ils ont pris des cours depuis qu'ils sont mômes. La voile, le piano, l'escrime, le cheval... Je crois que les Duchelle leur ont tout fait faire...

— Alexis. Le tact, fit Quentin, désolé que sa mère entende ce genre de choses.

Gwen préféra oublier la réponse d'Alexis. Il y avait des choses qu'il était préférable de ne pas savoir sur ces enfants.

— Encore un truc qu'elle m'a pas dit, répondit Noé.

Mais il n'en était pas contrarié. Cela élargissait les perspectives pour leurs futures vacances. Peut-être même lui apprendrait-elle. Il n'avait jamais eu envie de savoir naviguer, mais avec Capucine, cela devenait tout d'un coup beaucoup plus intéressant.

Bo alla chercher le plat suivant.
- Et toi Quentin tu vomis sur un bateau ou pas ? Demanda Dimitri en cessant enfin de rire.

— Je ne suis jamais malade, répondit-il en suivant Bo des yeux. Mais je ne suis pas monté souvent sur un bateau et jamais en pleine mer, alors je ne sais pas.

Il avait assisté à quelques soirées sur des yatchs et avait assuré la sécurité d'autres, mais dans ces cas-là, les bateaux quittaient rarement le port ou se contentaient de rester à quelques encablures de la côte.

- Vivement que Noé nous fasse une porte sur Port Allen, t'as échappé à trop de truc là première fois que tu es venu, soupira Dimitri.

Il darda sur lui un regard un peu sadique.

— Laisse-moi 24 ou 48h et je te fais ça, approuva Noé. Il me manque quelques trucs pour faire ça sur de longues distances.

Il sourit à Miu. Les ingrédients manquants pour le bâton-craie seraient plus faciles à trouver avec elle. Ou elle pourrait lui en ramener un tout fait.

— Qu'est-ce que c'est que cette histoire de portes ?

Noé expliqua à sa mère ce qu'il avait réussi à faire grâce à un sortilège trouvé par Capucine.

— J'ai tout de même été au pub avec vous, rappela Quentin à Dimitri.

Mais il se disait que cette fois, il n'échapperait sans doute pas à un nouveau match gaulois-gallois.

- oui en mode petit joueur, fit remarquer Dimitri.
Ils terminerent le dîner en parlant des différences culturelles.
Bo debarassa la table et regarda Quentin :
-Tu veux m'aider à faire la vaisselle ?