Chapitre 25 - Les archives invisibles

— Pourquoi elle l'a mal pris... C'est pas moi qui ai choisi ce surnom, dit Miu alors que le chauffeur redémarrer.

Elle regarda Noé.

— Si j'avais dû lui en coller un, ça aurait été plutôt Joli-p'tit-lot que le-paquet... Celui de Noé c'est quoi ?

Le garde du corps regardant dans le vitro intérieur.

— Le p'tit Prince.

"Joli p'tit lot". Cela fit encore rire Noé que la réaction de Kelya n'avait pas surpris. Il avait toujours trouvé qu'elle prenait la mouche pour un rien. Elle n'avait pas d'humour.
Cela dit "joli p'tit lot" lui allait plutôt bien. S'il faisait abstraction de son caractère et de sa façon de le regarder de haut, il la trouvait largement consommable.

— C'est tout moi, ça. J'aime bien ce surnom.

Et il s'en fichait que la plupart le disent avec ironie.

— Cela dit maintenant qu'Eric est mort, tu peux devenir le Prince Héritier aussi. Après je peux t'aider à devenir le Prince de la Magie...

Elle posa sa tête sur son épaule.

— Je sais où trouver une formule te permettant de faire venir à toi les sources de magie les plus anciennes. Elles ont un goût délicieux.

— Le Prince Héritier, c'est Quentin maintenant. Je préfère être le Prince de la Magie. ça sonne mieux.

Il sourit à sa proposition.

— Tu sais où tout se trouve ? Comment ça marche ?

— C'est mon pouvoir. On me demande quelque chose et je vois l'endroit le plus proche où le trouver.

Noé s'aperçut qu'elle avait répondu et que si ça avait surpris le chauffeur son visage s'apaisa quand il oublia aussitôt ce qu'il avait entendu.

— Et tu utilise la même quantité de sable à chaque fois ou ça dépend de ce que je te demande ?

Puisque le chauffeur ne se rappellerait de rien, autant profiter du trajet pour en apprendre un peu plus.

— Si tu me demandes de te ramener des nike rouge et Or, le prix ne sera pas le même qu'un verre d'élixir de jouvence pour vivre éternellement... Forcément.

Il sourit à la mention des baskets. Elle le connaissait bien.

- Et je sais a l'avance combien ça coûte ?

— Il faut que tu crées ta propre échelle de valeur pour le découvrir... Ou que tu me demandes un sortilège visant à savoir combien te coûtera quelque chose que tu me demanderais, dit elle avec un sourire rusé.

— Tu es maligne. Et il n'y a pas de limite à ce que je peux te demander ? En dehors du sable, je veux dire.

— Non. Mais si tu me demandes de voler une vie pour toi ou pour en sauver une autre... Alors tu me libéreras au passage.

Elle plongea ses yeux dans les siens.

— Je peux en effet ramener Eric. Le Eric que tu as connu pas un zombie.

Elle vit qu'elle avait touché un point sensible. Forcément.

— Mais si tu es libre, tu tueras Capucine, fit-il en lui rendant son regard. Et tu ne seras plus avec moi.

Noé ne voulait ni de la première éventualité, ni de la seconde. Il ne voulait pas que Capucine meurt, mais il ne voulait pas non plus que Miu le quitte et le laisse seul comme il l'avait été tout ce temps.

— Ce n'est pas parce que je serai libre que je te quitterai. Je suis sûr que tu ferais un excellent esclave, dit elle en lui tapotant la cuisse avec un sourire.

Elle le regarda.

— Et je pourrai même te faire oublier Capucine. Tu vivrais des aventures extraordinaire avec ton frère. Ta mère serait heureuse et il aiderait Quentin à sauver Bo. Au final ta vie n'aurait jamais été meilleure.

— Ne dis pas des choses comme ça, fit-il en perdant son sourire.

Elle essayait de le tenter, il le voyait bien. Retrouver Eric, entretenir une véritable relation avec ses frères, revoir sa mère heureuse... C'était ce qu'il avait toujours voulu ces dernières années sans oser se l'avouer et encore moins le dire à voix haute.

— Le bonheur est une voie difficile, approuva-t-elle. Tu peux en effet poursuivre tes sauteries avec Capucine. Tu sais très bien qu'elle va finir par se reprendre, par te dire qu'il ne peut rien y avoir de sérieux entre vous. Le pire c'est qu'elle épousera un type sans envergure, tu la croiseras à certaines soirées et tu la verras dépérir, devenir une garce glaciale et ça te mettra en colère parce que tu aurais pu lui offrir tellement mieux si elle t'avait un peu pris au sérieux. Tu ne trouveras guère de soutien auprès de Quentin, il ne sera que l'ombre de lui-même après la mort de Bo... Et un jour il disparaitra. Tu seras toujours là mais ça ne suffira pas à ta mère. Elle vivra enfermée dans sa douleur et tu seras tellement seul, tellement mal que finalement tu me demanderas quelque chose te permettant de remonter dans le temps pour changer tout ça...

Elle lui sourit.

— En fait, je te faisais juste gagner du temps. Pour moi, ça ne change pas grand chose.

Elle l'embrassa sur la joue.

Comment pouvait-elle lui dire de pareilles horreurs avec ce sourire ? Cette vision d'avenir le glaça de l'intérieur car elle cristallisait ses plus grandes peurs.

— Tu ne peux pas savoir comment les choses tourneront, fit-il en détournant la tête pour regarder par la vitre.

Mais lui, il pouvait se raccrocher à ce livre que Capucine écrirait dans 30 ans, au fait que Quentin ne lâcherait rien. Il devait croire que la situation ne serait pas comme Miu le dépeignait.

— Il existe un objet qui s'appelle le chemin des possibles. Tu vois les différentes voies qui s'offrent à toi... C'est assez pratique. Et tu es sûr ainsi de ne pas te tromper.

Elle murmura à son oreille :

— Qui te dis qu'en sacrifiant sa vie pour te sauver tu n'appelleras pas ta fille Capucine, qu'elle souffrira de la même tare qu'Eric en naissant sans magie et qu'elle écrira ce livre...

Il la regarda à nouveau.

— Miu, si tu veux me faire plaisir, arrête ça.

Il avait dit à Capucine qu'il gérerait, que tout irait bien, mais Miu savait exactement comment le tenter. Elle avait accès à son coeur, son esprit et ses souvenirs.

Elle lui sourit.

— Comme tu veux. Mais ne tarde pas trop... Il y a tellement de dangers autour de toi. A ta place, je demanderai au moins à Quentin de te dire toute la vérité. Tu es assez adulte pour l'entendre et tu t'en sortiras mieux.

— C'est prévu.

Mais son frère ne se laisserait pas convaincre facilement, c'était évident. Comment lui faire comprendre qu'il pouvait tout entendre ? Qu'il en avait autant le droit que lui ?

— Okay. Bon alors, on va où ce soir ? J'irai bien danser en boite... Ou alors dans une salle de jeux d'arcades. Je suis sûr que je te défonce à Résident Evil.

Noé préférait cette conversation-là et il se détendit de façon évidente.

— C'est ça, ouais. T'as aucune chance. Je vais te mettre la misère, répondit-il en retrouvant le sourire.

Elle lui adressa un sourire lui assurant le contraire.
Ils discutèrent plus légèrement, Miu donnant son avis assez tranchant sur les gens qu'elle avait pu rencontrer dans la matinée.

— Clementine. Sérieux ?

— Ben, quoi ? Clém est une très belle nana et elle est très sympa. On a des choses en commun.

Il ne regrettait pas d'être sorti avec elle. Ils avaient eu de très beaux moments.

— La jeunesse, la magie, le fait qu'elle te regarde avec des yeux de merlan frit...