Chapitre 6 - La famille Hendricks

Quentin ne saisit pas tout de suite ce qu'elle voulait dire.

— Si c'est une allusion au fait que je n'ai jamais eu de relations sexuelles dans une voiture, en effet. Il y a des endroits plus appropriés.

Il ouvrit la portière arrière pour qu'ils se décident à sortir le four.

Elle ne l'aida pas mais s'adossa à la carrosserie près de lui.

— Plus appropriés à quelle fin ? Performance masculine ? Plaisir ? Ou reproduction ? Demanda-t-elle avec un intérêt luisant dans ses yeux bleus.

Il soupira.

— Je n'ai pas l'intention de me reproduire pour le moment. Le four ?

Il n'aimait pas quand elle posait ce genre de questions. Avec Ahmed ou Joanna, il était habitué, mais en parler avec elle le déstabilisait.

— C'est pas ma question. En quoi l'arrière d'une voiture n'est pas approprié ? A fortiriori si tu n'as jamais essayé ?

Elle mordilla son ongle en réfléchissant.

— En plus, cet argument est étrange quand on voit le type de bagnole que tu conduis. Je te l'accorde que dans celle de mon père c'est assez sportif, surtout à cause des suspensions qui sont réellement faiblardes...

Les sourcils de Quentin se froncèrent légèrement.

— Quel est lien entre ça et le type de voiture que je conduis ?

Connor commençait à se dire qu'il aurait dû accepter de déshabiller Bo dans la voiture quand il la voyait faire avec le frère d'Eric. Il la connaissait tellement bien qu'il n'appréciait guère sa façon d'interroger Quentin. Le Français était devenu la cible de ses questions, ce qui signifiait qu'il avait éveillé son intérêt d'une manière ou d'une autre.

— Je vais vous aider pour le four, fit-il à Quentin, s'interposant entre elle et lui.

— Connor... Tu l'as fais dans combien de voiture différente ? Demanda-t-elle en le retenant d'une main sur le bras.

— Parce que la bagnole qu'il se coltine maintenant ça compte pas. C'est évident que c'est moins confortable que celle-la avec les banquettes en cuir mais c'est quand même hyper spacieux... D'ailleurs quand on y pense le cuir sur la peau nue c'est désagréable surtout avec la sueur, ça fait "ploc scractch".

— Avec toi ? Au moins trois, je crois.

S'il comptait bien, il y avait eu celle de Gills, la sienne et même celle de Stephen. Bo avait même oublié sa petite culotte dans celle-là et son pote le lui avait fait remarquer.

— Sommes-nous obligés de continuer cette discussion ? fit Quentin en sentant qu'il n'était pas prêt de sortir ce four.

Bo leva les yeux au ciel, elle avait pas demandé à Connor d'étaler son palmarès mais de lui permettre d’étayer son argumentation.

— Le modèle change la donne c'est tout ce que je voulais dire. Mais tu ne m'as pas dit à quoi il y avait plus approprié qu'une voiture, insista-t-elle en penchant sa tête de côté devant Connor pour voir Quentin.

Quentin sentit qu'il n'aurait la paix que lorsqu'il aurait répondu. Il laissa la place à Connor pour faire le tour de la voiture et ouvrir l'autre portière dans l'idée de pousser le four par l'intérieur.

— Un : le manque de discrétion, je ne fais pas dans l'exhibitionnisme. Deux : le manque de place. Trois : dans un grand hôtel, on peut profiter du room service.

Aucune de ses conquêtes n'avait jamais essayé de faire ça dans sa voiture. Il eut un doute cependant : à moins qu'il n'ait jamais compris que l'une ou l'autre l'aurait souhaité. Cela, ce n'était pas du tout impossible.

— Oh mais c'est n'importe quoi ! Je suis sûr que toutes tes bagnoles ont des vitres teintées, dit elle en se plaçant devant le four le bloquant ainsi dans sa manoeuvre mais lui faisant face.

Elle s'appuya dessus de ses deux bras, se penchant sûrement un peu trop au goût de Connor mais comme à son habitude ça lui passait au-dessus de la tête.

— Quand à l'espace, tu te fous de ma gueule... Je dormirais mieux à l'arrière de cette voiture que dans le clic-clac que je me suis trouvée !

Elle réfléchit et reconnut :

— Mais je comprends pas trop l'histoire du room service.

— Si tu me laissais utiliser ma carte de crédit à ton avantage, tu aurais pu t'en rendre compte.

Quentin se rendit compte que sa remarque pouvait être mal interprétée vu leur conversation.

— Si tu voulais bien t'écarter maintenant, s'il te plaît. Comme ça, je pourrais vous laisser tranquille, Mr Watson et toi.

— Tu vas nous surveiller en restant dans ta voiture ? Demanda Bo sans bouger, gardant ses yeux dans les siens.

— Franck est de repos cette nuit et Michael sera occupé avec Dimitri et ton père. Il faut bien que quelqu'un se dévoue. Mais tu n'as pas à t'en faire : je ne suis pas là pour t'empêcher de faire quoi que ce soit.

Il fixa son regard au sien sans ciller.

— Je comprends que tu aies besoin de réconfort. Je sais aussi que pendant la grossesse, les hormones jouent beaucoup sur le désir et que tu dois avoir des besoins à combler.

Il avait suffisamment entendu Ahmed le lui dire, même s'il se serait bien passé des détails.

— Mais il ne faudrait pas que Mr Watson s'emballe de trop. Je sais que cet enfant est celui d'Eric.

Elle lâcha son appui sur le four et fit le tour de la voiture pour faire face à Quentin.

— Si Monsieur Watson ne se dévouait pas pour me sauter afin de m'apporter un peu de réconfort, ainsi qu'un apport non négligeable de sérotonine, d'ocytonine e j'en passe pour réguler mes hormones... Est-ce que tu proposerais encore que j'utilise ta carte de crédit à mon avantage en payant en heure supplémentaire un de tes hommes à cette fin ? Demanda-t-elle avec un calme qui ne dit rien de bon à Connor.

— Je ne suis pas un proxénète, répondit-il sur ce ton un peu sec qui rappelait qu'il avait l'habitude de diriger des gens. Mais tu insistes, je peux vous offrir la chambre pour cette nuit.
— Bo ? On y va, tenta Connor en sentant que l'orage allait éclater.

Il fit le tour de la voiture à son tour pour la rejoindre.

Elle se hissa sur la pointe de ses chaussures pour être un peu plus à sa hauteur et pointa ce doigt qui avait déjà agacé Quentin vers son visage.

— Ce n'est pas ce que j'ai dis. Je t'ai demandé ce que tu ferais si je n'avais pas Connor pour se dévouer à la tâche, répéta-t-elle encore plus froidement.

Mais la colère vibrait autant dans sa voix que dans son regard.

Il attrapa son doigt pour qu'elle arrête. Il détestait ce genre de gestes.

— Pourquoi ? Tu serais prête à avoir recours à un gigolo ? ça devrait pouvoir se trouver.

Connor attrapa Bo par le bras.

— Allez, viens, ça sert à rien.

— Ce monde fabuleux dans lequel tu vis, Quentin de Lyonesse où tout s'achète. Où l'on peut dire les trucs les plus abjectes tant que c'est enrobé de belles formules...

Elle dégagea son doigt et le repoussa du plat de ses deux mains.

— Tu ne vaux pas mieux qu'Alexis ! lui cria-t-elle.

La seule différence c'est que venant de lui, ça la dérangeait et ça la mettait encore plus en colère que le jugement condescendant d'un mec qu'elle connaissait depuis quelques jours à peine puisse l'impacter d'une quelconque façon.

— Pardon ?

Là, elle l'avait vexé, cela se voyait clairement. C'était même la pire des insultes à ses yeux.

— Je me montre pourtant très conciliant avec tout ça, il me semble.

Connor soupira. Cela allait dégénérer. Il essaya encore de tirer Bo à lui pour la distraire de Quentin.

— Foutez-nous la paix, fit-il au Français. Vous avez pas à vous mêler de sa vie.

Le regard de Quentin se fit plus noir en se posant sur Connor Watson.

— C'est avec Bo que je parle, Mr Watson.

Quentin sentait la colère l'envahir, mais il la maîtrisait, préférant qu'elle couve petit à petit en lui plutôt qu'elle n'explose.

Bo se laissa attirer contre Connor, pour une fois ce n'était pas après lui qu'elle en avait mais son attention était toujours focalisée sur Quentin qu'elle ne lâchait pas du regard.

— Alexis me traite de fille légère qui manque de respect à son meilleur ami, le Grand Eric de Lyonesse... Mais toi, tu n'iras pas juger. Non, tu comprends que je suis une pauvre femme dirigée par mes hormones et mon chagrin... L'idée que je puisse simplement continuer mon histoire avec le père de mon enfant, c'est improbable et trop gênant pour vos grands projets d'investissement sur le futur ! Poursuivit elle.

Quentin ne fit aucun geste, même son expression resta la même.

— Tu t'obstines avec ça uniquement parce que tu crois que je repartirais plus vite en France, mais je suis désolé, il n'y a aucun doute possible : cet enfant est un de Lyonesse.

Il claqua finalement la portière, mais sans la quitter des yeux.

— Et contrairement à ce que tu crois, je n'ai aucun plan d'investissement pour son futur. Mon unique raison d'être ici, je te l'ai dite à l'atelier.

— J'ai pas besoin que tu me protèges ! Ce sont les autres qui doivent être protégés de moi ! cria-t-elle.

Elle resta saisie en réalisant ce qu'elle avait lâché. Une angoisse sourde naquit en elle alors qu'une succession de visage passait dans son esprit. Elle se détourna et partit en courant pour rentrer chez elle.

Connor s'approcha de Quentin, un éclat menaçant dans le regard.

— Sous tes airs de gentleman, tu vaux vraiment pas mieux que ton frangin. Fous lui la paix. Elle en assez bavé comme ça à cause de vous.

Il le planta là à son tour pour courir après Bo.
Quentin aurait pu interpeller Connor, mais il ne le fit pas. Sa colère était retombée aux derniers mots de Bo. Des mots qui l'intriguaient autant que l'angoisse qu'il avait cru déceler chez elle.

Connor trouva Bo dans la cuisine. Elle tapait de la main sur le plan de travail, à mesure régulière. Ce n'était pas trop violent mais elle n'y allait pas doucement non plus. Elle ne voulait pas que ses émotions prennent le pas. Pas maintenant. Elle avait fermé les yeux réalisant toutes les conneries qu'elle avait ou sortir.
Balancer devant Connor qu'elle continuait son histoire avec lui parce qu'il était le père de son enfant... Et à Quentin qu'elle était dangereuse et qu'il fallait protéger les autres d'elle. Elle n'aurait pas pu mieux faire.

Connor s'approcha d'elle et, doucement, arrêta sa main.

— Va pas te faire mal pour ce connard.

Il l'attira contre lui. Il n'aimait pas la voir dans cet état. Pour sa part, il essayait de ne pas trop penser à ce qu'elle avait balancé à Quentin. Elle était en colère, elle le provoquait et il avait bien saisi qu'elle se servait de lui pour éloigner des Français.