Chapitre 5 - Debriefing

— Je sais bien. Parfois je souhaite que tu puisses ne pas être professionnel dans le boulot avec certaines de nos clientes. Mais ça reste complétement improbable alors la nana de ton frère...

Il ajouta :

— Même si Eric ne se gênait pas en revanche.

Enfin cela n'était pas arrivé souvent, Quentin ne lui en donnant guère l'occasion. Et Ahmed était certain que les fois où ça avait pu se produire, le cadet n'avait pas dû en ressentir grande gêne. Juste peut être de la perplexité.

— Tu sais bien qu'on est... était très différents, lui et moi. Je ne peux pas mélanger le plaisir et le travail avec sa facilité.

Quentin fixait le plafond en réfléchissant. Il avait toujours compartimenté, d'un côté sa vie privée, de l'autre le travail. Coucher avec une cliente, d'autant plus pendant la durée de la mission, était inconcevable pour lui. Ce serait une terrible faute professionnelle.

— Je ne sais pas quoi penser de tout ça. Ni de cette attaque d'ailleurs, reprit-il en essayant de se reconcentrer sur l'affaire en cours.

— Peut être que le plus simple serait de la ramener ici. Tu seras plus à l'aise dans ton milieu et elle... le sera moins.

— Oui, surtout qu'avec ce qui se passe à Paris, je ne peux pas rester ici ad vitam eternam et j'aurai plus les moyens de la protéger. Mais pour ça, je vais devoir la kidnapper. Elle est tellement têtue, tu n'as pas idée. Je me fais l'effet d'un débutant en négociations avec elle.

— La négociation ça n'a jamais été ton truc. Rappelle-toi comment tu m'as rendu fou quand je t'ai amené au Maroc l'été dernier... Tu payais tout cash sans jamais chercher à baisser les prix. Tu ne sais pas jouer. Tu seras intransigeant que si tu sais que ce n'est pas le prix. Mais le faire baisser juste pour le fun, tu sais pas, dit Ahmed en riant.

Quentin ne pouvait même pas protester. C'était on ne peut plus vrai.

— Je ne vois pas ce qu'il y a de "fun" là-dedans.

Il soupira. Il aggravait son cas en répondant cela, il le savait.

— Ouais ben écoute je peux me tromper parce que je l'ai pas rencontré. Mais de tout ce que tu m'as dis, cette fille sait jouer. Elle est même assez forte puisqu'Eric a beaucoup changé à son contact et sans que ça le rende malheureux. Alors une chose est sûr... Il va falloir que tu apprennes à jouer.

Ahmed soupira devant l'ampleur de la tâche.

— Si elle a reculé quand tu lui as dis que tu allais remplacer Eric en la protégeant... Sois tu continues dans cette voie pour voir, elle va sûrement tout faire pour t'envoyer balader... Si elle est dans ses retranchements ça peut être intéressant. Ou alors tu la laisses mener le jeu pour voir jusqu'où elle va.

— Tout ça, c'est tellement loin de mes habitudes...

Bo, sa famille, son environnement, tout cela était même à l'opposé de son environnement. Dans le cadre de son boulot, il réussissait à s'adapter à chaque situation, mais ici, il se sentait un peu dépassé.

— Je verrais demain comment les choses évoluent, mais je ne lâcherais pas l'affaire. Je l'ai promis.

Au delà de la promesse à Eric, abandonner n'était pas le genre de Quentin.

— Je sais que tu sais pas trop quoi en faire... Mais écoute ton instinct, tu ne trompes jamais quand tu le fais, Quentin, dit Ahmed avec sincérité.

— C'est toi que j'aurai du emmener avec moi. Tu te serais plû au pub, je pense. Cette famille est bien loin de la mienne, tu n'as pas idée.

Mais tout ici était loin de ses habitudes et de son quotidien de toute façon.

— Ah mais moi je ne bois plus, je suis un homme marié, père de famille... Je ne suis plus cet Ahmed là, dit il en riant.

Il ajouta avec malice :

— Tu comprendras un jour.

— Tu me dis ça depuis 10 ans, tu sais ?

Ahmed n'avait jamais désespéré de le voir tomber amoureux bien que le cas ne se soit jamais présenté. Il avait sincèrement apprécié les quelques femmes avec qui il avait eu une relation suivie, il s'était vraiment attaché à elles jusqu'à ce qu'il ne comprenne pas pourquoi tout finissait par déraper, mais le jeune homme n'avait jamais connu le genre de relations qu'Ahmed avait avec sa femme ou qu'Eric avait eu avec Bo. Même Alexis connaissait cette sensation. Quentin ne le vivait pas mal et ne le regrettait pas non plus. C'était juste ainsi et il avait de toute façon trop de choses à penser et à gérer pour s'attarder là-dessus.

— Je crois qu'il est temps que tu admettes que cela n'arrivera jamais.

— Quand on aura quatre vingt ans, c'est promis. D'ici là et tant que tu n'es pas entré dans les ordres en t'enfermant dans un monastère, je reste optimiste.

Il lui donna les dernières informations qu'il avait trouvé sur les sorciers trouvés mort, ses recherches à venir avant de raccrocher pour aller chercher sa fille à la crèche.

Quentin resta à réfléchir de longues minutes allongé sur son lit, puis décida de se relever. Il récupéra une veste, mais resta en jean.

— Alexis ? Je sors. Tu restes ici ou tu m'accompagnes ? fit-il en approchant de la porte de l'autre chambre.

— Tu vas où ? Demanda Alexis sur un ton qui n'avait rien à envier à Noé.

Sous-entendu si c'est pas pour une pizza ou du porno, je suis trop fatigué pour me lever du canapé.

— Vérifier que Les Hendricks sont en sécurité et peut-être essayer de retrouver des traces magiques dans les environs. On a toujours une dresseuse de golem dans la nature, répondit-il en s'encadrant dans la porte.

Il désigna la table du petit salon.

— Je te laisse les clés et l'adresse de l'atelier si tu veux y faire un tour sans moi.

— Mais t'as déjà mis des hommes là bas... Et je vais pas aller à Portishead à pieds... En plus ce serait risqué, protesta Alexis.

Il aurait largement préféré qu'ils sortent diner dans un vrai restaurant.

— Je veux quand même aller vérifier deux ou trois trucs.

Il regarda sa montre. Il était encore tôt.

— J'en ai pour deux heures, tout au plus. Essaye de trouver l'adresse d'un restaurant en attendant.

Le room service n'avait pas grand-chose d'extraordinaire pour le dîner.

— Okay, accepta Alexis en zappant pour revenir sur un film d'action.

Deux heures ça lui laissait le temps de faire un tour sur la chaine payante. Il en avait bien besoin pour décompresser un peu. Et puis Quentin ne regardait jamais le détails des factures d'hôtel.