FB CDC#14 - Au pays des Samouraïs

— Toutes les femmes maitresses de leur existence ne le sont elle pas ? dit Devlan en continuant de surveiller l'atelier où était entré Troy.

Quand Troy poussa la porte de la maison du forgeron, il tomba nez à nez avec l'homme et Daigo en pleine discussion animée qui mourut avant qu'il n'en saisisse le sujet.

— Ah, voilà l'un d'entre eux, s'exclama leur guide en se levant, époussetant son kimono. Désolé pour l'attente.
— C'est vous qui voulez apprendre mes techniques de forge ? demanda l'autre.

Troy fit "non" de la tête.

— C'est le tout maigre, dit il.

Cela tira un léger sourire amusé à Daigo.

— On va voir s'il est digne de mon enseignement, fit le forgeron en se levant.
— Tu dis ça, mais tu vas être ravi d'apprendre enfin quelque chose à quelqu'un. Magnus n'est pas comme tous tes autres apprentis. Il résistera à ton sale caractère.
— Tu veux qu'on parle du tien ?

Daigo rit doucement avant de sortir. Il s'arrêta sur le pas de porte, apercevant près de la forge le reste du groupe et Okuni qui riait encore à une nouvelle remarque de Devlan. Un court instant, le vieil homme perdit son sourire pour une expression presque nostalgique, mais il se reprit aussitôt.

— Je vois que vous avez rencontré Okuni, fit-il à Troy.
— Fréquenter ces maudits jumeaux te perdra, tu le sais, maugréa le forgeron à Daigo.

Pour sa part, il pensait comme tout le monde au village : plus il en était éloigné, mieux c'était. Mais personne n'osait encore les chasser du village. Le temple devait avoir un Hirose à sa tête. Il était simplement malheureux qu'il ne reste que ceux-là...

— Dites à votre ami de me rejoindre à la forge, annonça-t-il à Troy. Et toi, éloigne la d'ici. Je ne veux pas que le malheur frappe chez moi.

Troy hocha la tête et rejoignit son groupe.

— Toi tu peux aller taper sur une enclume et il veut que la fille dégage, dit il en anglais. Apparemment elle porte la poisse.

Il souffla d'avoir autant parlé.

Magnus oublia aussitôt la curiosité qu'il pouvait éprouver pour la jeune fille et son regard brilla de celle qu'il réservait à sa passion. Sans hésiter, il les laissa pour rejoindre la forge. Il saurait retrouver son chemin pour revenir chez leur hôte.

— C'est la première fois que j'entends une langue étrangère, fit Okuni en regardant Troy. Le son n'est pas désagréable.
— La timeline est un peu floue, dit Rhys en anglais. Mais moins que si on avait laissé les samouraï la trouver. Je n'ai pas été voir très loin.

Sinon ça ne serait plus une aventure et ce n'était pas ce qu'ils voulaient. De toute façon, le point de leur retour à leur propre temps n'avait pas bougé.

Devlan approuva d'un simple hochement de tête. De toutes manières, ils n'auraient jamais laissé une demoiselle en détresse même si elle avait des crocs et des griffes sous son joli minois.

Le sourire qu'Okuni adressa à Daigo fut bien différent de ceux dont elle avait gratifié les étrangers. Celui-ci était emprunt de respect et de l'affection de la petite fille qu'elle avait été et qu'il avait toujours connue, et jamais rejetée malgré tous les évènements. L'homme et son épouse étaient les seuls au village qui ne les traitaient pas, elle et son frère, comme une malédiction sur pattes. Si les jumeaux avaient malgré tout, tout fait pour en arriver là avec les autres, et qu'ils n'avaient pas été tendres avec Daigo et Tuskiko, mais plus qu'avec Jiguro tout de même, ces trois-là s'obstinaient à rester auprès d'eux. Même après ce qui était arrivé l'an passé...
Elle chassa ce souvenir douloureux et son regard glissa à nouveau sur chaque étranger, ses lèvres s'incurvant doucement en un sourire malicieux.

— Rentres-tu au temple ? lui demanda Daigo.
— Pas encore.

Son regard brilla d'une lueur farouche. Elle devait d'abord s'assurer que Fuyuki ne retourne pas voir les filles pour se venger d'elle. Peut-être aussi pousserait-elle le vice jusqu'à aller effrayer le fils Ishida. Tout en évitant Sakishi... L'avantage étant que les deux cousins ne s'entendaient guère et s'évitaient comme la peste. Ils n'avaient jamais rien eu en commun à part le sang de leurs pères de toute façon et elle n'avait été qu'un point de discorde de plus.

— Nous nous croiserons à nouveau, j'en suis persuadée, dit-elle à Declan, Rhys et Troy avec assurance.

Son regard s'attarda un peu plus sur le géant. Ce qu'il avait fait à l'arbre l'intriguait vraiment énormément. Puis, elle déguerpit en courant, ses getas claquant au sol.
Daigo soupira en la regardant s'éloigner, un peu pensif. Il se reprit néanmoins rapidement.

— Elle ne sait vraiment pas rester en place longtemps... soupira-t-il. Et son frère ne vaut guère mieux...

Mais il avait dit cela avec affection, et une pointe d'inquiétude malgré tout.

— J'espère qu'elle ne s'est pas mise en tête d'aller provoquer Ishida, ajouta-t-il plus pour lui-même que pour les autres, ignorant ce qui s'était passé un peu plus tôt.

— Oh non... Cela ne semble pas être son genre, dit Devlan avec un très léger sourire.

Il regarda ses amis.

— Maintenant qu'on s'est débarrassé de Magnus, que faisons nous ?

— On change de ville ou de pays ? proposa Rhys avec un sourire faussement innocent.

Ils retournèrent vers le quartier commerçant où Daigo les abandonna pour vaquer à ses occupations. Ils trainèrent encore un peu, puis se décidèrent à remonter chez le couple un peu avant la nuit tombée.


Les deux jours suivants se ressemblèrent.
Magnus se levait avant l'aube pour filer chez le forgeron et ne revenir qu'à la nuit tombée, exténué, mais ravi. Taper sur un morceau de métal lui faisait oublier qu'Alex était loin, mais surtout, il espérait bien en apprendre suffisamment pour pouvoir un jour forger un vrai sabre pour son frère.
Tsukiko avait présenté une tisserande à Lorna et partageait son savoir sur les plantes à qui voulait. Elle s'entendait bien avec elle et Ingrid et elle avait un côté maternel très agréable avec tout le monde.
Les autres s'occupaient en se mêlant aux habitants ou en donnant un coup de main au couple pour les remercier de leur hospitalité. Ainsi, les garçons avaient aidé Daigo pour la corvée de bois ou encore aux champs pendant quelques heures avant que l'homme ne les entraîne boire un coup. Visiblement, vider un verre avec ses amis était un peu son pêché mignon, même s'il n'abusait jamais de la boisson.
Personne n'avait revu Okuni, ni Tenka dont Lorna et Ingrid leur avaient parlé le premier soir, mais ils avaient tous eu l'occasion d'en entendre parler parmi la population. Les jumeaux étaient mal vus et on disait qu'ils apportaient le malheur. La rumeur courait d'ailleurs sur le fait qu'ils soient responsables de la mort de leurs parents, qui étaient, eux, toujours fortement respectés et regrettés.

Devlan traînait devant l'échoppe du libraire avec Ingrid. Les habitants du village commençaient à s'habituer à la présence de ces étrangers, mais il y avait toujours une certaine réserve envers eux quand Daigo et Tsukiko ne les accompagnaient pas.
Le jeune homme s'empara d'un nouvel ouvrage pour le feuilleter sous l'oeil du commerçant qui attendait patiemment qu'il fasse son choix. Tout d'un coup, dans un bond gracieux, Kazu tomba du toit pour atterrir sur l'étal et les livres. Assis sur ses pattes arrières, son foulard rouge autour du cou, il fixait Ingrid de ses petits yeux malicieux, une brochette de dango dans la gueule.