Chapitre 36 - L'armée des golems

— Tu as un pouvoir lié à la pierre... Occupe-toi de ce qui va nous tomber dessus par cette porte, dit Ahmed.

Il désigna son bureau.

— Je ne suis pas un sorcier mais j'ai des ressources te je sais exactement où peuvent être coincés les nôtres... Je sais que Delavine est restée pour trier les remèdes, elle doit être terrorisée.

— Très bien. Jo ?
— Je te suis comme ton ombre, approuva l'Américain.

Il adressa un dernier regard à Ahmed voulant autant dire "fais gaffe" que "je le quitte pas d'une semelle", puis suivit Quentin qui ouvrait la porte menant aux escaliers.
Le bruit se fit assourdissant entre le golem géant qui montait en cassant tout, fragilisant le béton à chaque pas, et ses congénères qui piaillaient derrière lui. La gigantesque créature ressemblait à un troll hideux et Jo se fit la réflexion que Xander regardait bien trop la télé. Il était à à peine un demi étage d'eux. Quand il aperçut Jo, il poussa un cri qui résonna dans la cage d'escalier et l'obligea à se boucher les oreilles.

— Ils sont vachement nombreux... soupira Jo alors que le géant de pierre décidait d'accélérer le mouvement pour venir dans leur direction.
— Reste derrière moi.
— T'es marrant, toi. Tu sais que je te vois pas ?
— On bascule. Prépare toi.

Jo cachait son appréhension derrière son sarcasme, mais il avait une confiance aveugle en Quentin. Il serra les dents alors que le sorcier créait sa zone d'isolement. Aussitôt, ils se retrouvèrent dedans avec les golems. Cela éviterait au moins à ceux-là de se répandre dans l'immeuble.


De son côté, Ahmed était désormais seul. Il entendait toujours qu'on se battait dans la salle de réunion.

Il s'installa à son bureau et se mit à son ordinateur portable. Il s'installa sous la table avec ce dernier et y brancha un petit boitier en USB. Il versa sur ce dernier un flacon d'une poudre lumineuse. Il se rendit dans le panneau de contrôle de l'immeuble et simula un incendie. Les extincteurs au plafond se mirent en marche mais rapidement l'eau devint luminescente.
La magie de lumière ne fonctionnerait pas longtemps car il avait trop peu de poudre, cependant via le système incendie, il pourrait toucher un grand nombre de Golem. Il espérait juste que toute cette flotte n'allait pas handicaper Jo et Quentin.

Dans la salle de réunion, c'était un véritable carnage. Les agents survivants faisaient front ensemble face aux golems. Ils avaient tenté toutes sortes de magies, et ce qui avait le mieux fonctionné était encore l'acide ou de projeter les golems les uns contre les autres. Mais les pertes humaines étaient importantes et l'ennemi était malgré tout plus nombreux.
Quand le système incendie se déclencha, les agents se dirent que cela allait les empêcher d'utiliser certains sortilèges, mais la surprise se disputa au soulagement quand les golems se mirent à hurler et à s'agiter sous la pluie lumineuse. Ce fut alors la débâcle chez les êtres de pierre. Certains tentèrent de repartir de là où ils étaient venus, mais la lumière fut plus forte et ils tombèrent dans le vide. Les autres s'effondraient et les sorciers virent les ombres quitter les golems pour tenter de s'enfuir, en vain.
Le silence était revenu dans la salle de réunion et Ahmed le perçut. Son sortilège avait fonctionné, mais il ne pouvait pas encore souffler. Son instinct lui disait que rien n'était fini. Il n'eut pas le temps de se dire qu'il avait raison sur ce point qu'il sentit le sol trembler, comme si un éléphant courait dans les couloirs de l'étage. Le bruit se rapprocha dangereusement de lui et il eut à peine le temps de se lever qu'un second golem géant pénétra dans le bureau en détruisant les cloisons de celui d'à-côté. Au vu des trous qu'il avait fait, il avait traversé tout l'étage de cette façon, ayant sûrement emprunté l'autre cage d'escaliers. Il tenta de freiner, mais se prit le mur suivant, le faisant s'écrouler à son tour.

— En voilà un qui se cache. Bonsoir, Monsieur Abassi, fit Winnie en apparaissant au milieu des gravats. Vous savez où je peux trouver mon traître de neveu ?

Elle tenait sa clé à molette dans une main, prête à s'en servir.

Ahmed ouvrit une application sur son ordinateur et la mit en route. Une unité spéciale de l'armée serait alertée dans quelques secondes. Il sentait qu'ils ne seraient pas de trop. Il sortit de dessous le bureau et mit Winnie en joue. Il tira sans entendre pour viser sa main. Il savait qu'elle avait tendance à faire des jeux de vilains avec cette dernière.

Elle hurla, lâchant son arme de prédilection.

— Salopard !

Une autre clé à molette apparut dans sa main valide et la lui jeta à la figure de toutes ses forces.

— Smash him in pieces ! cria-t-elle en même temps au golem.

Celui-ci se tourna lentement. Il était un peu lourdaud et lent d'esprit. Il avait fallu plusieurs ombres pour l'animer tellement il était imposant, mais elles avaient du mal à se coordonner. Il repéra sa cible et balança ses bras dans sa direction pour l'écrabouiller, comme on venait de le lui ordonner.

Ahmed plongea pour essayer d'éviter autant l'arme que la créature de pierre. Quentin avait dû supprimer la porte alors il ne pourrait pas s'en servir pour fuir. Il faudrait qu'il trouve une autre échappée.

Il entendit la voix criarde de Winnie crier des encouragements au golem alors que la créature continuait à le viser de ses poings. Le bureau fut réduit en miettes. Le golem enfonça ses poings dans le sol en tentant de faire subir le même sort à Ahmed. Celui-ci esquiva à plusieurs reprises, mais à chaque fois qu'il s'éloignait du golem, Winnie lui balançait une nouvelle clé à molette. Il en reçut une à l'épaule et manqua de peu d'en prendre une dans la tête.
Tout se passa très vite. Il y eut deux déflagrations suivies d'un vent violent. Winnie s'effondra à la première, une balle dans le genou gauche et une dans l'épaule. Le golem, lui, fut à peine ébranlé par le second.

— Venez !

Franck balançait toute la magie de l'air qu'il avait encore en réserve, essayant de pousser le golem vers les fenêtres, alors que Michaël, le front en sang, venait au secours d'Ahmed. Il se précipita pour l'aider à se lever, mais une clé à molette l'atteint à la tête et il tomba à genoux, à moitié sonné. Le golem balança ses poings sur les deux hommes à sa portée. Franck vit avec horreur la pierre entrer en contact avec Ahmed qui vola à travers ce qui restait de la pièce pour s'écrouler au sol.

Ahmed fouilla difficilement dans sa poche et lança un pass à Franck.

— Au troisième, XX... Elle a dû s'enfermer dans la chambre de soin... Faites la sortir, murmura-t-il.

Il perdit connaissance avec un sentiment de frustration. Il restait encore tant de gens à sauver et il fallait que son corps le lâche maintenant...

— Ahmed !
— Ecartez vous !

Les voix de Quentin et Jo furent la dernière chose qu'Ahmed perçut. Il ne put voir les ombres se déployer alors que son ami était toujours invisible. Il ne vit pas non plus Jo tenir Winnie en joue.
Quentin retenait à peine sa colère à voir Ahmed à terre et son inquiétude à le savoir peut-être mort. Il envoya ses ombres et sa magie en même temps vers le géant de pierre. Les ombres rampèrent sur tout son corps pour l'immobiliser alors que Franck récupérait Michaël et que Jo leur criait d'aller chercher XX, qu'ils géraient. Franck n'en avait aucun doute. Il n'avait peut-être pas vu son boss, il avait reconnu sa voix, aussi obéit-il.

— Toi...

Winnie attrapa la jambe de Jo qui lui balança un coup de son flingue en pleine figure. Il n'avait pas de clé à molette sous la main, mais ça ferait aussi bien l'affaire. Maintenant qu'elle était assommée, il se rua vers Ahmed.

— Il est vivant ! cria-t-il à Quentin avec soulagement.

Il ne le toucha pas, ignorant son état. Il se contenta de poser sa main sur sa tête en lui murmurant de ne pas les lâcher.
Si Quentin partagea son soulagement, il ne relâcha pas sa concentration. Ses ombres coinçant le golem qui tentait mollement de se défaire de leur étreinte, il lança sa magie de changelin sur lui. Jo savait ce qui allait suivre. Il l'avait vu faire quelques minutes plus tôt. Son aura de luciole s'embrasa et Quentin fit corps avec la pierre composant le golem. Il la connaissait, elle lui était familière et elle était sienne. Il pouvait en faire ce qu'il voulait. Un geste de la main vers la gauche et sa magie parcourut le moindre recoin de la créature qui commença à s'effriter. Cela ne prit qu'un instant et elle tomba en poussière, libérant toutes ces ombres d'un coup. Sous le coup de la panique, elles partirent dans tous les sens. Celles de Quentin ne leur laissèrent aucune chance : elles se jetèrent sur elles pour les déchiqueter.

— Reste avec lui. Je vais faire le ménage, fit-il à Jo, retirant un instant la bague d'invisibilité.
— Si je reste, il va m'engueuler que j'ai pas suivi les ordres...

La lumière revint à ce moment là. Steven avait réussi à rétablir le courant. Quentin regarda Ahmed avec inquiétude et hésita.

— Vas y. Tu le soigneras après. Tu serviras à rien si tu prends ses blessures maintenant.

Quentin hocha la tête, n'ayant d'autre choix que de les laisser pour aller s'occuper des golems restants. Il espérait ne pas perdre son ami ce soir.


Steven remontait jusqu'au 8e étage alors que les véhicules de l'armée s'arrêtaient devant l'immeuble et que les militaires se ruaient à l'intérieur. Il croisa des agents blessés qui s'enfuyaient. Quand il passa le 3e étage, c'est Franck qui le renseigna sur Ahmed, Jo et Quentin. Il voulut l'accompagner, mais Michaël était blessé et XX nécessitait son aide pour redescendre.
Steven arriva enfin au 8e. Les combats étaient terminés et il ne put que constater le carnage. Cette nuit encore, DLS avait payé un lourd tribut. Beaucoup étaient morts sous les coups des golems et les survivants étaient blessés, sous le choc. Les plus aguerris et valides organisaient l'évacuation alors qu'on entendait les sirènes des pompiers et des ambulances.

— Les secours arrivent, entendit-il dire Jonas alors qu'il approchait de ce qui restait du bureau d'Ahmed.

Steven les rejoignit, restant sur le seuil. Il était essoufflé et sentait la fatigue lui tomber dessus après avoir utilisé autant de magie.

— Comment il va ? Demanda-t-il en regardant Ahmed.

Quentin était agenouillé près de lui, cherchant les lésions à réparer. Jo se leva pour approcher de Steven sans cacher son soulagement à le voir en vie. L'Anglais avait des marques de griffures sur le front et une main, mais c'était léger. L'Américain comptait quelques égratignures, mais rien de grave non plus. Ils avaient eu plus de chance que la plupart de leurs collègues.

— Il est vivant.
— Il a de graves lésions à la moëlle épinière, annonça Quentin. Je vais m'en occuper. Je vous laisse le reste.
— Hors de question. Si tu fais ça maintenant, c'est toi qui vas être dans un sale état.

Au même moment, une petite ombre attendait son heure, cachée dans un recoin du plafond. Elle avait eu du mal à avancer jusque-là à cause des lumières des néons, elle avait bien cru qu'elle finirait par disparaître comme toutes les autres, mais le changelin ne l'avait pas repérée. Personne ne l'avait repérée. Elle était si petite, si insignifiante. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'elle avait eu un corps minuscule, mais un corps tout de même, et pendant des années. Un corps qu'on venait de lui retirer brutalement en même temps qu'on tuait son ami. Xander était un bon maître. C'était lui qui lui avait sculpté ce corps de pierre. C'était lui encore qui lui avait fait découvrir les joies des biscuits apéritifs, et surtout de ceux à la cacahuète soufflée, qui croustillait délicieusement dans son bec. Xander l'aimait et elle, elle aimait Xander. Pendant des années, ils avaient fait équipe et maintenant, tout était terminé. Xander était mort et son petit corps de gargouille ailée avait été réduit en morceaux par ce sorcier juste en-dessous de lui. Il ferait un bon corps de remplacement. Mais il y avait le changelin et il était dangereux. La petite ombre avait bien vu ce qu'il avait fait aux autres et elle ne voulait pas subir le même sort. Il fallait donc encore attendre.

— Je sais ce que je fais, Jo. Je vais juste limiter les dégâts, répondit Quentin dans un soupir.
— Il est dans le coltard pour l'instant. Tu pourras le réparer quand il sera à l'hosto. Tu sais qu'il te dirait la même...

Glen Velikan se matérialisa soudain à côté de lui, l'interrompant. Jo ne dut qu'à ses réflexes de bloquer le coup de couteau qui visait sa gorge. Glen disparut aussitôt pour réapparaître à un endroit différent, cette fois pour s'en prendre à Steven qu'il projeta contre le mur. L'oncle de Jo se téléporta à nouveau près de Jo, lui lacérant le dos cette fois avant de redisparaître. Ce fut le moment que la petite ombre attendait. Elle se laissa tomber du plafond pour atterrir sur l'épaule de Steven.

Steven sentit le contact froid et s'écarta. Il aperçut l'ombre sur la main. Il fit un éclair bien décidé à la tuer à renfort de la lumière d'un éclair. Cependant ses yeux se rendit compte que la blessure à sa main avait entaillé la chaire et faisait comme une cessure dans son tatouage magique.

— Merde, souffla-t-il.

Il ignorait si la protection était compromise mais il n'eut guère le temps de réagir qu'elle avait pénétré sa chaire. Il se sentit asphyxié et porta la main à son cou pour chercher de l'air. Des pensées qui n'étaient pas les siennes envahir son esprit, prenant toute la place.

— Non ! Cria-t-il.

Il essaya de ruer, de chasser l'air de ses mains comme si un essaim d'abeilles tournait autour de sa tête. Lorsque Quentin s'en rendit compte, il était trop tard pour agir. Lui et Jonas étaient toujours aux prises avec le Velikan.

— Pas ça, murmura Steven avant de disparaitre.

Ce fut comme s'endormir. Cela ne faisait pas mal. Ce qui était douloureux c'était de savoir qu'il n'y aurait pas de réveil possible. Que tout s'arrêtait là. Et que c'était trop tôt... C'était toujours trop tôt.
L'ombre ne voulait pas vivre comme ses consoeurs. Elle voulait venger celui qui s'était occupé d'elle, qui l'avait aimé et c'était chose faite. A travers les yeux noisettes de Steven, elle regarda Quentin qui venait d'immobiliser Glen dans un carcan de pierre pour qu'il cesse de se téléporter mais aussi Jonas sérieusement blessé par la lame.

— C'est fini. Plus rien ne sera comme avant après cette nuit. Nous allons tous perdre quelqu'un qui nous ai cher.

Les deux hommes crurent qu'il allait les attaquer aussi laissèrent ils passer une minute fatidique, tout à leur stupeur, lorsque Steven se mit à courir dans le sens opposé et sauta à travers la baie vitrée brisée. En quelques secondes, l'anglais avait disparu de leur vue et de leur vie.

Jonas s'était élancé à sa suite dans l'espoir fou de le rattraper, mais trop tard. Bien trop tard. Il était là, accroché au montant de la fenêtre brisé, la main sur la bouche, fixant avec horreur le corps tordu de Steven sur le bitume, 8 étages plus bas, éclairé par intermittence par les gyrophares des ambulances et des camions de pompiers. On se pressait déjà autour de lui, mais il n'y avait rien à faire.
Jonas se tourna d'un bloc vers son oncle, une lueur meurtrière dans les yeux. Il arma son revolver en faisant fi de ses blessures. La balle était toujours logée dans son épaule et le sang dégoulinait sur son bras et le long de son dos, mais ça n'avait guère d'importance.

— Jo, non.

Jonas avait fait bien des choses dans sa vie qui dépassaient de loin le cadre de la légalité. Il avait volé, usurpé des identités, arnaqué des tas de gens, mais jamais encore il n'avait ôté une vie. Sans tenir compte de la demande de Quentin, il avança droit vers Glen qui tentait de se téléporter, en vain, et posa le canon de son arme sur son front.

— Oh, tu as enfin l'air d'être des nôtres, cracha Glen à son neveu avec hargne.
— Jonas, ne fais pas ça, lui dit calmement Quentin en posant sa main sur son poignet.

Jo serrait les dents, restant silencieux, hésitant encore à appuyer sur la gâchette. Il sentit sa haine décroître, son coeur ralentir sa course foule.

— Arrête avec ça, Quentin !

Il ne regarda pas son ami qui prenait sur lui toute sa haine et son envie de meurtre pour éviter qu'il ne franchisse ce point de non-retour.

— Tu ressembles vachement à ta soeur comme ça, fit Glen avec provocation.

Le tir résonna dans l'étage détruit et Jonas relâcha son arme qui tomba au sol. La balle s'était logée dans le mur derrière Glen, passant à quelques millimètres à peine de sa tête, lui brûlant les cheveux et un peu de peau au passage.

— T'es vraiment qu'une lavette ! fit son oncle dans un éclat de rire qui mourut à l'instant où Quentin referma la gangue de pierre sur lui.

Jonas regarda la prison de pierre avec dégoût puis ses yeux glissèrent enfin sur Quentin. Celui-ci avait fait appel à toute sa maîtrise pour enfermer les émotions de son ami loin en lui et s'en détacher, mais elles brillaient encore dans ses yeux bleus.

— Il faut qu'on s'occupe d'Ahmed, dit Jo en détournant le regard. Je vais chercher les secours. Fais gaffe à l'autre salope par terre et fais pas de conneries. Je reviens dans 5 minutes.
— Laisse-moi te soigner d'abord.

Jonas sembla s'apercevoir de ses blessures et grimaça. Il soupçonnait Quentin d’avoir aussi pris sa douleur pour qu’il ne la ressente quasiment pas malgré l’importance de ses blessures et le sang qu’il perdait.

— C'est pas si grave, tenta-t-il.
— Ne discute pas.

Le ton était sec et péremptoire, ne souffrant d'aucune discussion. Quentin s'inquiétait pour lui, pour Ahmed, pour tous ceux qui s'étaient retrouvés coincés ici ce soir. Sans compter les émotions de Jo qui n'arrangeaient rien. L'Américain hocha la tête et le laissa faire.


Quentin regardait les ambulanciers emmener Ahmed sur une civière. Le ballet des ambulances ne semblait pas vouloir cesser. Les morts, eux, étaient regroupés dans une pièce du rez-de-chaussée qui avait été épargnée par la destruction. Les pertes étaient lourdes. Très lourdes.
Il jeta un coup d'oeil à la ronde. L'alarme déclenchée par Ahmed avait attiré tous les sorciers de DLS qui n'étaient pas convoqués ce soir. Parmi eux, Pierre et Jean de Lyonesse étaient arrivés en renfort. Il les avait laissés faire le compte des blessés, des éventuels disparus et des morts pendant qu'il répondait aux questions des autorités.

— On a retrouvé Xander dans la cage d'escalier. Il est mort électrocuté, fit Jonas en le rejoignant.

Il était épuisé, physiquement et moralement. Quentin avait soigné l'entaille dans son dos et sa blessure à l'épaule, mais il avait perdu beaucoup de sang. Le moral était également en berne. Il avait fait un tour à la morgue improvisée et avait compté bien trop de corps alignés. Certains étaient salement abimés. Il avait trouvé Steven parmi eux. Il n'avait pas pu s'empêcher d'aller vérifier que son partenaire était bien mort, que l'ombre qui l'avait possédé par surprise ne l'avait pas ressuscité pour se servir de lui. Il ne doutait pas que l'Anglais soit à l'origine de la mort de son cousin, mais cela ne lui apportait aucune consolation.

— Un autre Velikan a été tué, répondit Quentin. J'ai laissé l'armée embarquer les deux autres. On s'occupera d'eux plus tard.

Jo chercha ses clopes dans ses poches, mais il avait perdu son paquet. Il aurait préféré que Glen et Winnie crèvent. La prison serait bien trop douce pour eux. Il repensa à ce qu’il avait failli faire là-haut. Finalement, il avait été incapable de tuer son oncle de ses propres mains. Toutes ces années, il s’était targué de ne pas être comme eux et pourtant, il avait eu très envie d’appuyer sur cette gâchette. Même maintenant, à froid, il n’était pas sûr de ce qui avait motivé sa décision : était-ce le fait que Quentin ait absorbé ses émotions pour le calmer ou la remarque de Glen qui l’avait effrayé ?

— J'ai sorti Dark O. du frigo. Ils le trouveront au troisième étage, annonça-t-il pour changer de discussion.

Quentin hocha la tête, approuvant l'initiative de Jonas. Olivier de Lyonesse serait mort officiellement dans l'attaque de cette nuit. C'était le mieux pour Jean et sa femme. Ils n'avaient pas besoin de savoir qu'Olivier complotait contre Quentin et qu'il était mort depuis des semaines, remplacé par une ombre. Cela empêcherait également Sophie de les accuser ouvertement de l'avoir tué, du moins fallait-il l'espérer.

— Si tu es d’attaque, on va s’occuper de Gauthier maintenant, proposa-t-il.
— Avec grand plaisir. Je vais appeler le mec chargé de le filer.

Jo ne l’avait pas vu dans les sorciers ayant rappliqué à l’alerte générale. Il avait dû rester à son poste. Ahmed aurait su leur dire tout de suite où était planqué ce salopard de Gauthier. Cette pensée fit soupirer Jonas.

— On peut pas y aller que tous les deux.
— Bien sûr que non.
— Je vais nous trouver une équipe. A mon avis, ça sera pas trop dur. Y a pas mal de monde ici qui va vouloir le massacrer. Ça va aller, toi ? Avec ce que t’as pris, ta fièvre…
— Ce n’est pas ça qui va…

Une sonnerie stridente retentit sur le portable de Quentin. Les deux hommes échangèrent un regard inquiet, reconnaissant là une alerte spéciale.

— Merde ! La villa est attaquée, fit le Français en lisant le sms d'Allan.
— Putain !

Jonas pâlit un peu plus : Kelya était là-bas. Ils étaient tous là-bas.

— Il faut rejoindre St Germain immédiatement. Noé a refermé la porte menant ici.
— Ma moto est au sous-sol.

Quentin emboita le pas aussitôt à Jonas tout en répondant à Allan. Tous deux priaient pour arriver à temps et qu’il n’y ait pas d’autres morts ce soir.