FB02 - Devenir un vampire

— En temps normal, oui, répondit l'homme de main en gardant le regard fixé vers le fond de la caverne.

La dernière fois qu'il était venu ici, la spiruline se contentait de salir ses bottes. En quelques années, elle avait pris ses aises et cela ne lui plaisait guère sans toutefois qu'il puisse mettre le doigt sur les raisons de ce malaise.

— Et bien, cela rajoute à l'ambiance, crut bon de rajouter Philippus avec un sourire dans la voix.
— Restez prudents, intima Langdon en reprenant la marche, espérant que derrière son ton léger, son maître avait conscience du danger potentiel.

Ils s'enfoncèrent dans la caverne, leur progression facilitée par la douce lueur verte de la spiruline. Le sol de roche était inégal et parfois glissant à cause de la mince pellicule d'eau qui le recouvrait, mais Philippus prenait garde à ce que Kate reste sur ses deux pieds.
A mesure de leur progression, la respiration de la Cité semblait résonner plus fort sur les murs de la caverne et chacun des Faë la sentait faire de même au plus profond de lui. L'air devenait plus lourd et une tension certaine s'était emparée des visiteurs, qu'elle soit d'appréhension, d'excitation ou d'un petit mélange subtil des deux.
Au bout d'un temps qui leur sembla long, le chemin finit par s'élargir et ils débouchèrent dans une haute salle voûtée.

— Que la Cité me croque... souffla Philippus en s'arrêtant net, gardant la main de Kate dans la sienne.

Le prionsa ne s'était pas attendu à cela, et pourtant, il avait l'imagination fertile.
Le cours d'eau dans lequel ils marchaient se divisait pour ne faire qu'un cercle à franc des parois de pierre, délimitant une sorte d'îlot central légèrement surélevé. Le plafond de la voûte était piqué d'une véritable forêt de stalactites luisantes d'humidité et dont les gouttes s'écoulaient lentement dans des "plic" et des "ploc" réguliers. De la végétation s'enroulait dans les concrétions de calcaire et se déversaient en lianes touffues parfois jusqu'au sol. De petits animaux semblaient s'y cacher, leur présence uniquement trahie par le tremblement des feuilles.
Baigné par la lumière de la lune qui entrait par une large ouverture dans la voûte, l'îlot était un spectacle surprenant à lui seul. Un fauteuil taillé dans la pierre trônait en son centre, recouvert de couvertures richement brodées, des colliers d'or et de perles posés négligemment sur les arêtes du dossier. Au sol s'étalait un étrange mélange de pierreries, de verroteries, de babioles disparates et de pièces de monnaie, rappelant à Philippus ces histoires de trésors de pirates qu'on lui lisait enfant. Un arbre au tronc blanc noueux avait poussé à côté du fauteuil, étalant ses fines branches ornées de feuilles cuivrées et dorées au-dessus, comme pour protéger de l'humidité celle qui s'y asseyait. Enfin, une table de pierre était installée un peu à l'écart, surchargée de fioles, d'alambics et de potions de couleurs et de viscosités différentes, certaines bouillonnant encore dans leurs flacons.
Langdon cherchait le moindre indice indiquant où se trouvait la sorcière. Ils avaient beau ne pas la voir, il était persuadé qu'elle était bien là, à les observer. Il avait beau la connaître, il restait méfiant. Les années avaient passé depuis leur dernière rencontre et qui sait comment elle allait les recevoir. Cependant, malgré cette inconnue, elle était la seule de son espèce à qui il faisait suffisamment confiance pour lui amener son prionsa et sa fiancée.

(et si tu veux faire la sorcière, je t'en pries )